Quelques leçons du fiasco de la distribution des professions de foi
Papier publié sur le FigaroVox
C’est le nouveau fiasco gouvernemental. Adrexo, l’entreprise qui s’était vue confier la distribution des professions de foi, a connu des dysfonctionnements qui ont privé des citoyens de l’information légale au premier tour. Résultat, à la demande même d’Adrexo, la Poste a repris la distribution de cinq millions de plis pour éviter un nouveau désastre. Un fiasco triplement révélateur.
Prix bas, amateurisme et service public
La première leçon de ce fiasco, ce sont les effets délétères de la course, sans fin, au prix bas. Bien sûr, l’Etat ne doit pas non plus signer des chèques en blanc à ses fournisseurs sans mise en concurrence. Mais il est illusoire de croire que toujours vouloir réduire les coûts n’a pas de conséquence. Ici, il est probable que, pour gagner le marché, Adrexo avait rogné sur le moindre de ses coûts afin d’emporter la mise, et n’avait donc prévu aucune marge de manœuvre. Dès lors, à la moindre perturbation, sa capacité à bien distribuer les professions de foi n’était plus assurée. Il y a un équilibre à trouver entre assurer des missions de service public et en maîtriser le coût. Aujourd’hui, il semble que l’État privilégie de plus en plus la logique un peu basique des coupeurs de coûts, qui consiste à mettre en concurrence et sélectionner systématiquement le moins disant, sans véritablement se soucier de la qualité du service.
Malheureusement, c’est une logique qui semble s’imposer de plus en plus dans l’administration, sous pression des contraintes budgétaires imposées par le cadre actuel. C’est ainsi qu’en 2012, alors même que PSA fermait une usine en France, la police française renouvellait sa flotte avec des Ford et des Volkswagen ! Pourtant, il n’est pas compliqué de comprendre que l’Etat a tout de même intérêt à privilégier la production locale, même pour un coût supérieur, raisonnable bien sûr. Acheter français, c’est contribuer à défendre les emplois en France, et assurer des rentrées supérieures d’impôts et de taxes. Ici, c’est toute la logique d’achat de l’Etat, sous forte influence des règles byzantines de l’UE, qui doit être revue, pour ne pas s’arrêter à une simple logique comptable, dont on a pu voir les résultats dans ce cas.
Ce nouveau fiasco amène également à se poser la question de la compétence de ce gouvernement. Il est quand même frappant de constater le nombre incroyable de fiascos opérationnels auxquels il a abouti. Au même moment, c’est la correction des copies de philosophie du baccalauréat qui se passe mal avec la numérisation : des copies mal scannées, et même mélangées, un support numérique pas toujours très lisible. Certains correcteurs avaient pourtant exprimé leur préférence pour corriger une version papier. Les couacs sont d’autant plus choquants qu’il n’y avait que la philosophie cette année. Et cela vient avec les innombrables soucis de l’enseignement à distance. Et que dire de la gestion de la crise sanitaire, entre le retard de l’approvisionnement des masques pour la première vague, le retard dans le traitement des tests sur la deuxième, et la lenteur et la complexité de la campagne de vaccination.
Plus globalement, avec la reprise par La Poste de la distribution de cinq millions de professions de foi, se pose la question de la pertinence de la réduction du périmètre du Service Public. Bien sûr, confier la distribution du courrier à des entreprises privées peut réduire la part du secteur public dans le PIB, élevé en France, mais on voit que ce calcul n’est pas toujours à bon escient. Le service peut être détérioré et son coût peut aussi s’envoler. Aux Etats-Unis, la majorité des dépenses d’assurance maladie sont privées, mais le coût du système y est deux fois plus élevé qu’en France, sans que le service rendu y soit vraiment meilleur. En France, on voit bien que la prétendue libéralisation du marché de l’électricité aboutit à une envolée des factures, qui réflète largement la complexification des marchés ainsi « libérés », entre démultiplication des efforts commerciaux, et d’instances de régulation qu’il faut bien financer.
En somme, c’est toute la logique délétère des politiques menées ces dernières décennies qui est en cause. Pour faire des économies momentanées de bout de chandelle, on confie à des prestataires pressurés des morceaux de service public, et ce service public est souvent moins bien assuré, imposant parfois des coûts supplémentaires qui réduisent à néant l’argument financier.