samedi 15 juin 2013 - par Albert Ricchi

Réforme de l’ISF : le nouveau tour de passe-passe de François Hollande…

L’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a été si souvent remanié depuis 2011 qu’on y perd quelquefois son latin. 

Globalement, l’opinion publique a surtout retenu que la droite a toujours eu cet impôt en horreur et que la gauche l’a réhabilité. François Hollande semble avoir tenu ses engagements et corrigé les symboles les plus scandaleux en supprimant le célèbre bouclier fiscal et en rétablissant l’ISF dans sa configuration initiale.

Mais en réalité, si l’on analyse attentivement les réformes successives qui sont intervenues au cours des trois dernières années, la surprise finale est de taille…

Les tranches de l’ISF sont calculées sur la fraction de la valeur nette du patrimoine et le barème en 2010 était le suivant :

en-dessous de 790 000 € : 0 %

de 790 000 à 1 290 000 € : 0,55 %

de 1 290 000 à 2 530 000 € : 0,75 %

de 2 530 000 à 3 980 000 € : 1 %

de 3 980 000 à 7 600 000 € : 1,3 %

de 7 600 000 à 16 540 000 € : 1,65 %

> à 16 540 000 € : 1,80 % 

Premier acte

Pour l’ISF de 2011, Nicolas Sarkozy, qui a toujours eu peur de supprimer purement et simplement l’ISF, préférant le vider progressivement de l’intérieur, fait un geste spectaculaire en ce sens : il décide que le seuil de déclenchement de l’impôt sera fixé non plus à 800 000 euros de patrimoine taxable mais à 1,3 million d’euros, ce que les socialistes, à l’époque, critiquent à juste titre sur le registre ‘’encore un cadeau aux invités du Fouquet’s’’… 

La réforme de la fiscalité du patrimoine étant adoptée durant l'été 2011, le barème initial de taxation est conservé, les contribuables qui dépassent la tranche de 1.3 millions d’euros sont imposées selon ce barème, y compris pour la tranche comprise entre 800.000 et 1.300.000 euros.

Selon le rapport d'activité 2011 de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), les contribuables redevables de l'impôt sur la fortune passent ainsi de 593.878 en 2010 à 291.630 en 2011 !

Le barème 2011 est alors le suivant : 

Jusqu’à 1 300 000 € : 0 %

Entre 800 000 et 1 310 000 € : 0,55 %

Entre 1 310 000 et 2 570 000 € : 0,75 %

Entre 2 570 000 et 4 040 000 € : 1 %

Entre 4 040 000 et 7 710 000 € : 1,30 %

Entre 7 710 000 et 16 790 000 € : 1,65 %

> à 16 790 000 € : 1,80 %

Deuxième acte

Pour l’ISF de 2012, Nicolas Sarkozy fait un second cadeau encore plus spectaculaire aux milieux très aisés : il dynamite le barème d’imposition progressif de l’ISF, en ramenant le nombre des taux d’imposition de sept à trois : 

Le barème 2012 (taux applicable au 1er euro) devient alors le suivant : 

Jusqu’à 1 300 000 € : 0 %

Entre 1 300 000 et 3.000.000 € : 0,25 %

> à 3 000 000 € : 0.50%

Troisième acte

Accédant à l’Elysée au moment précis où cet ISF super allégé devait être acquitté, François Hollande met en place, dès l'été, une "contribution exceptionnelle" destinée à compenser l'allègement voulu par la droite, qui ne s'applique plus depuis le 1er janvier 2013. La réforme plus globale de cet impôt est effectuée dans le cadre du budget 2013 et le barème redevient progressif grâce à cinq tranches et cinq taux différents.

Même si le calcul s'effectue à partir de 800.000 euros de patrimoine, le seuil d’imposition est porté de 1,30 à 1,31 million d'euros, soit 10.000 euros de plus. La taxation du patrimoine au premier euro applicable en 2012 est abandonnée. 

Le barème 2013 est alors le suivant :

Jusqu'à 800 000 € : 0%

De plus de 800 000 à 1,31 million € inclus : 0,50%

De plus de 1,31 à 2,57 millions € inclus : 0,70%

De plus de 2,57 à 5 millions € inclus : 1%

De plus de 5 à 10 millions € inclus : 1,25%

Au moins 10 millions € : 1,50%

Epilogue

Au printemps 2013, l’ISF a désormais ses contours définitifs pour le reste du quinquennat. Les socialistes jurent leurs grand dieux que la nouvelle politique fiscale est très différente de celle de Nicolas Sarkozy, l’ISF ayant été rétabli dans sa configuration antérieure. Sauf que ce n’est que très partiellement exact…

L’ISF a été effectivement rétabli mais le gouvernement de Jean-Marc Ayrault a maintenu la disposition prise par Nicolas Sarkozy au terme de laquelle le seuil de déclenchement de l’ISF ne joue qu’à compter de 1,3 million d’euros de patrimoine. En clair, le premier taux d’imposition de 0,50% prend effet à compter de 800 000 € mais seulement si ce seuil de 1,3 million est atteint. 

Le nouveau barème est donc sensiblement allégé par rapport à la version antérieure à 2011 et il l’est aussi pour d’autres raisons : les taux applicables ont été abaissés de 0,55 à 0,50% pour la première tranche et de 0,75 à 0,70% pour la seconde, la tranche de 1,65% est supprimée, le taux marginal passe de 1,80 à 1,50% !

On dira certes qu’il y a plus grave que cela. Dans sa version d’avant 2011 comme dans celle de 2013, l’ISF reste un prélèvement critiquable frappant d’abord les classes moyennes supérieures au travers de l’immobilier et pas forcément les foyers les plus fortunés. 

Ce travers majeur n’a pas été corrigé car un véritable impôt sur le capital avec une assiette large et des taux éventuellement plus modérés, n’a pas été institué par François Hollande qui avait pourtant promis dans son programme : " Je reviendrai sur les allégements de l’impôt sur la fortune institués en 2011 par la droite, en relevant les taux d’imposition des plus gros patrimoines ". 

Au bout du compte, l'ISF sera moins lourd en 2013 sous la gauche (4,074 milliards d'eurosestimés) qu’en 2011 sous la droite (4,321 milliards d'euros) ! 

Il faut interpréter ce tour de passe-passe pour ce qu’il révèle profondément : les socialistes, eux aussi, ne tolèrent l’ISF que dans une mouture allégée et l’on comprend mieux pourquoi la grande réforme fiscale, redistributive et rétablissant une réelle progressivité de l’impôt sur le revenu, promise par François Hollande, n’a pas été engagée…

 

Photo ISF par Yahoo Creative Commons 

 



7 réactions


  • pens4sy pensesy 15 juin 2013 12:50

    C’est ça la « Grande Réforme Fiscale » de Hollande.

    Un peu de com’ et beaucoup de vide.


  • Akerios Akerios 15 juin 2013 15:39

    Bonjour,

     

     

     

    Merci pour cet article Albert Ricchi  !

     

    François Hollande a aussi multiplié par deux la lois sur les transactions financières !

    En effet le 2 juillet 2013 l’impôt sur les transactions financières est multiplié par deux !

    Avant l’impôt était de 0.1 % et le 2 juillet il va passer a 0.2% !

     

    Incroyable en effet si en bourse vous venez de gagner 20.000.00 euros l’impôt sera désormais de ......................40.00 euros !

    Salarié imposé a 20% sur mon revenu je paie 4000.00 euros soit 100 fois plus !

     

    Merci F. Hollande...............................je remercie aussi le PS qui est complice.

     

    Les traitres maintenant vont arranger le dossier des retraites et le MEDEF va se réunir et fêter l’accord au Champagne.

     

     


    • Akerios Akerios 15 juin 2013 15:51

       Ce n’est pas la loi mais l’impôt qui est multiplié par deux !

      Ce n’est pas drôle mais triste quand le traitre est de gauche.

       Maintenant détruire la retraite. La droite est d’accord et pas de manifestations à gauche , juste un silence complice.

      La CGT ne dit rien ou murmure , FO et les autres.................SANS PARLER DES SYNDICATS VENDUS OU DE DROITE.

      Un crime entre amis ! ?


  • Akerios Akerios 15 juin 2013 15:56

    Réforme de l’ISF : le nouveau tour de passe-passe de François Hollande…

     

     

    C’est écœurant  !


  • Antoine 15 juin 2013 22:10

     Avoir un patrimoine de 1 300 000 E, pas d’isf, au contraire si l’on détient 1300 001 E et ce à partir de 800 000 E. Le plus étonnant dans cette histoire est que personne ne soit allé plaider l’inégalité devant l’impôt puisque certains passent à la caisse sur la différence entre 800 000 et 1 300 000 et d’autres pas...


  • Roubachoff 17 juin 2013 07:33

    Encore une déroute électorale du PS dans une partielle. Je sais, ça n’a rien à voir, mais en même temps... Encore un peu, et ces pignoufs vont s’auto-dissoudre.

    Plus une voix de gauche pour un candidat PS, et ce à aucune élection. C’est tout ce qu’ils comprennent, les Solfériniens. Et encore...


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