lundi 11 septembre 2006 - par Michel Monette

Un mariage impossible : quand la croissance flirte avec le durable

La magie des mots ne cessera jamais de fasciner. Prenez, exemple tout à fait au hasard, ce petit bijou de dérive sémantique : « Le développement durable, ce n’est pas la fin du travail, c’est l’emploi durable. Ce n’est pas la croissance zéro, c’est la croissance durable ». Voilà ! Évacué le mot développement ; récupérée, lavée, blanchie, la bonne vieille croissance économique.

Ceux qui - comme l’auteur de ce billet - ne vivent pas en France, doivent bien se demander qui a eu ce mot qui pourrait tout aussi bien figurer dans le Bêtisier du développement durable.

Si je vous dis qu’il est de la droite et en route vers les plus hautes fonctions... Toujours pas reconnu ? Allez voir cette France dont vous rêvez, alors.

La gauche n’est pas en reste dans la quête d’une noblesse retrouvée pour cette « croissance » qui n’a cessé de hanter tous les politiciens, partout dans le monde, de quelque horizon qu’ils soient.

Attention, les petits malins, ce billet n’est pas un plaidoyer en faveur d’un retour à l’âge d’or d’une économie réglée sur l’horloge cyclique des quatre saisons, non plus que d’une utopique décroissance qui enlèverait aux pays riches pour donner aux pays pauvres.

Non, ce billet porte plutôt sur l’usage inconsidéré d’une notion qui risque de causer beaucoup plus de tort que de bien.

Impossibility statements are the very foundation of science. It is impossible to : travel faster than the speed of light ; create or destroy matter-energy ; build a perpetual motion machine, etc. By respecting impossibility theorems we avoid wasting resources on projects that are bound to fail.

Herman E. Daly. Sustainable Growth : An Impossibility Theorem. (Paru dans Herman E. Daly and Kenneth N. Townsend, Valuing the Earth : Economics, Ecology, Ethics.)

Daly était économiste senior à la Banque mondiale au moment où il écrivait ces mots cinglants à propos de cet oxymore qu’est l’expression « croissance durable ».

Remarquez que ça ne serait pas la première fois qu’un politicien mènerait son pays tout droit vers un cul-de-sac.

Mais outre qu’elle est un piège à cons, la « croissance durable » n’est-elle pas aussi une façon d’évacuer ce vilain mot de « développement » ?

Applaudissons, au passage, l’ONU et ses agences, qui ont tellement bien travaillé que le mot évoque désormais la charité.

La croissance durable pour les riches, le développement durable pour les pauvres ? En tout cas, la pirouette intellectuelle laisse perplexe.

À moins que ce ne soit le taux de croissance phénoménale de la Chine qui donne le vertige au point de tout mélanger dans ses idées.

Pour ceux qui en ont vraiment, évidemment.



7 réactions


  • gem (---.---.117.249) 11 septembre 2006 15:23

    Utile rappel d’une règle de base en politique :

    Toute expression nouvelle n’est forcément que du marketing, le plus souvent de la « remballe » sur un vieux concept périmé et moisi.


  • Cy-real (---.---.124.2) 11 septembre 2006 23:00

    Me revient en tête cet excellent article de Vincent Cheynet : « sortir du développement durable » (http://www.dossiersdunet.com/article105.html), et notamment cette citation de Serge Latouche :

    Le « développement durable » est à la fois terrifiant et désespérant ! Au moins avec le développement non durable et insoutenable, on pouvait conserver l’espoir que ce processus mortifère aurait une fin, victime de ses contradictions, de ses échecs, de son caractère insupportable et du fait de l’épuisement des ressources naturelles... On pouvait ainsi réfléchir et travailler à un après-développement, bricoler une post-modernité acceptable. En particulier réintroduire le social, le politique dans le rapport d’échange économique retrouver l’objectif du bien commun et de la bonne vie dans le commerce social. Le développement durable, lui, nous enlève toute perspective de sortie, il nous promet le développement pour l’éternité ! » (Serge Latouche - Pour en finir, une fois pour toute, avec le développement. - Le Monde Diplomatique - Mai 2001).


    • Michel Monette 12 septembre 2006 01:34

      Cette citation dans un autre de mes billets, Les limites du développement durable, me revient à l’esprit :

      Paul Valéry écrivait, en 1948, « le temps du monde fini commence » (citation dans Face à la montée mondiale du libéralisme forcené : pour une écologie politique et spirituelle, de René Barbier).

      Paradoxalement, le développement durable pourrait empêcher l’émergence d’une conscience durable de cette finitude.

      Oser proposer la « croissance durable » est encore plus terrible car cela laisse entendre que les plus forts auront toujours raison. Mais je ne m’avancerai pas plus, le débat sur la candidature de Sarkozy regardant d’abord les Français. J’ajouterai cependant que serait préférable une véritable collaboration mondiale pour que les droits économiques, sociaux et culturels de chaque être humain soient respectés. Voilà une orientation politique qui nous changerait du discours sur le renforcement des vertus nationales.


  • albert (---.---.102.40) 12 septembre 2006 09:32

    Bonjour,Les mathématiciens (dont je ne suis pas ) affirment que le doublement de la croissance est donnée parla fomule 70= Taux de croissance X temps C’est à dire que pour un Taux de croissance de 3,5%/an La croissance doublera tous les 20 ans Est ce possible ? Tout en reconnaissant que ce serait salutaire pour des continents.MAIS comment organiser cette transhumance ? Cordialement


    • (---.---.107.65) 12 septembre 2006 15:33

      De quoi parlez-vous quand vous dites « doublement de la croissance » ? Du doublement du PIB ? Si la croissance est de 3.5% par an pendant 20 ans, elle est constante (à 3.5%), elle ne double pas !

      Après, effectivement, à l’aide de développements limités (de (1+x)^n avec x le taux de croissance annuel et n le nombre d’années) et d’approximations un peu grossières (taux de croissance faible pendant un grand nombre d’années), si on a à peu près taux de croissance(%) x nb d’années = 70, alors on a un doublement du paramètre dont la croissance est mesurée par le taux de croissance sus-mentionné (donc ici, comme on parle de croissance économique, le PIB) au bout du nombre d’années évoqué.


  • albert (---.---.102.40) 12 septembre 2006 16:38

    Horreur ! hoorreur !Ou plutôt mea culpa Mon texte manque de clarté Vous avez raison de le souligner ;Je précise donc qu’il s’agît du résultat ,Que cette formule est approximative ,mais quelle donne un résultat compréhensible ,même pour .....les nuls qucela fait prendre conscience qu’il éxiste ,sans doute un seuil- Toutefois dans un domaine voisin Est il possible de rappeler que les salariés oeuvrent pour assurer leur subsistance Ne sommes nous pas les héritiers de celui qui a introduit dans l’histoire du monde la notion de salaire minimumnaccompagné il est vrai de l’obligation d’aller au bout de ses capacités Cette vision des choses est elle d’actualité ? Trés cordialement


    • (---.---.107.65) 12 septembre 2006 16:53

      Excusez-moi mais je ne comprends pas ce que vous voulez dire. Je ne comprends pas les liens entre les différentes choses que vous dites, ni les liens entre les choses que vous dites et l’article !

      Quel est votre message ? Et à qui s’adressent les questions que vous posez ? Merci de veiller à votre ponctuation également, son absence rendant votre discours (peut-être intéressant au demeurant) complètement inintelligible.


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