lundi 14 décembre 2015 - par Politic Angel

Votre mission, si vous l’acceptez est... De vous suicider

Les électeurs ont parlé, et les élus déclarent, après leurs victoires à la Pyrrhus, qu'ils les ont entendus. Mais, pour donner un peu de poids à ces paroles, il faut passer aux actes. Or, dans un paysage politique reconfiguré, cela n'est possible que si... Une large fraction des politiciens d'hier accepte, de plein gré, de disparaître, pour faire place à une gouvernance radicalement nouvelle, et sans doute des hommes nouveaux. Peu de chances... Alors, bienvenu dans une France de tous les (im)possibles.

« J’ai bien entendu les français ». « On a compris les électeurs, et les messages d’impatience qu’ils ont envoyés….  » 

Les « vainqueurs » des régions, certainement heureux de prendre ou garder le pouvoir et tous les avantages liés pour leurs soutiens, ont certainement compris qu’il s’est passé quelque chose lors de ces élections.

 La question véritable pour les citoyens, les seuls qui devraient comptent vraiment dans ces échéances, est de savoir ce que veulent dire ces mots, et comment ils peuvent se transformer en actes.

Deux indices troublants éclairent cette question :

  • l’identité et l’âge politique des « gagnants ». M Bertrand (vainqueur en Nord Pas de Calais), M Estrosi (vainqueur en PACA), ont de très longs états de services, y compris ministériels, dans le système dont ils décrivent eux mêmes l’échec. Il en est de même pour Mme Pécresse (Ile de France), M le Drian (Bretagne), Rousset (Aquitaine), Bonneau (Centre), Richert (Alsace Lorraine Champagne Ardennes), Wauquiez (Auvergne Rhône Alpes), M Retailleau (Pays de Loire). Même Mme Delga (Midi Pyrénées), la plus récente des futurs présidents de région en termes d’accès à des fonctions électives (2008), a déjà pu exercer des fonctions de maire, de député, de conseiller départemental, et maintenant régional. Comment ces acteurs, qui ont eu toute latitude pour écouter les électeurs et agir en conséquence, qui reconnaissent ne pas l’avoir fait, peuvent ils le faire croire demain ? Et, pour cela, où peuvent ils trouver leurs ressources pour le faire vraiment ? 
  • la (non) profondeur des réflexions sur ce thème du « entendre vraiment » : sur ce sujet, rien à rapporter, hélas. Ce que les électeurs ont exprimé très clairement par leurs votes à ces élections, c’est qu’ils constatent que les promesses des élus n’ont abouti à rien qui les satisfasse depuis trente ans. On pourrait donc attendre de quelqu’un qui a compris les citoyens qu’ils aillent plus loin que des promesses sans contenu. Mais non, rien de tel. Seule innovation : le conseil territorial évoqué en PACA, qui ressemble à une chambre de compensation pour les professionnels de la politique qui ont été sacrifiés sous la pression du Front National. Nous avons avons entendu devient en fait « nous allons écouter les politiciens de l’opposition, nos semblables des partis du système historique ». (Presque) Aucun des ces politiciens n’ayant été capable, dans le passé, de convaincre les électeurs par leurs actions et leurs résultats, difficile de comprendre comment les citoyens seront mieux entendus, et in fine convaincus, grâce à ce dispositif.

 

Alors, franchement, on peut s’interroger sur la façon dont les citoyens vont bénéficier de ces élections qui ont ébranlé l’ordre ancien des forces politiques françaises. Or, au-delà des analyses politiciennes des media et expert du circus politicus, c‘est bien la question fondamentale pour nous, et donc pour le pays.

Avant de suggérer une réponse, rappelons quelques faits :

  • une fraction très significative des électeurs, de l’ordre de 30%, avec un taux de participation relativement élevé, a voté sa défiance pour les politiciens du système historique.
  • Cette fraction, qui ne se laissera pas convaincre par de simples paroles, va exercer, par son ombre électorale portée, une pression formidable sur les organisations politiques traditionnelles, et inquiètera chacun des élus/ candidats potentiels à quelque élection que ce soit.
  • La question première que chacun de ces électeurs/ candidats potentiels a en tête est « comment faire pour être réélu ou élu ? ». C’est cette question, portée par chacun des politiciens, qui a conduit les partis aux organisations et aux stratégies historiques, dont la logique est « mettons juste l’énergie qu’il faut pour construire des messages qui surfent sur les échecs des sortants, et investissons surtout notre énergie à assurer notre place dans l’équipe des candidats ». Cela amène, depuis très longtemps, le citoyen à être une préoccupation au fond mineure de ces hommes politiques.

 

Pour que les paroles « nous avons entendu les électeurs » se transforment en une réalité concrète vraiment différente demain, il faut donc que :

  • les partis changent leurs logiciels, c’est à dire la façon dont les candidats sont sélectionnés, et les critères appliqués pour ce faire. Il faudrait notamment que leur capacité à prouver qu’ils ont des propositions concrètes répondants aux attentes des citoyens
  •  cette recomposition se produise alors que chacun des membres de ces partis sent bien que c’est sa mort politique qui est à risque puisqu’il n’y a plus de place pour le même nombre qu’hier.
  • les caciques dont les egos bien trempés ont verrouillé ce système à leur profit utilisent leur influence pour changer le logiciel comme décrit pus haut.

 

En pratique, le défi pour les politiciens , c'est de conduire collectivement... Un suicide pour une bonne partie d'entre eux.

Alors, c’est clair, il n’y a aucune chance que ce scénario se produise. Nous sommes donc devant des années où, sauf exception individuelle, les écarts entre paroles et actes vont durer, où les frustrations des citoyens vont continuer à monter, et où les luttes de personnes vont s’intensifier, d’une part entre politiciens du système traditionnel, toujours aussi nombreux pour moins de places accessibles, et d’autre part les politiciens « hors système historique » et les tenants du système historique.

Le pays coule, lentement pour l’instant, avec des fondamentaux financiers, compétitifs éducatifs, et de cohésion sociale tous orientés dans la mauvaise direction. Il n’est pas impossible que les tumultes politiciens qui arrivent précipitent cette évolution, et nous mènent vers un scénario à la grecque, si les prêteurs internationaux prennent peur.

Il n’est pas invraisemblable que les frictions à venir dans les institutions politiques mènent à un blocage complet, avec des majorités instables à l’assemblée nationale, ou des actions de « communication transparente », menées par un front national maintenu en minorité, mais présent au cœur du système pour y observer dans le détail les dérives et petits arrangements qui y ont toujours eu cours.

Il est fort probable que la fatigue des citoyens, négligés dans les décisions publiques, finisse par atteindre le niveau où des éruptions violentes se produisent, sous l’effet d’un incident en apparence mineur, d’un leader local charismatique, d’une résonance avec le ras le bol populaire.

 

Les promesses, disaient les cyniques qui nous ont gouverné pendant trente ans, n’engagent que ceux qui les croient. Aujourd’hui, ces promesses, plus personne ne les croit, mais elles restent ce que les politiciens savent faire avant tout. Tant pis pour eux.

Le futur est à ceux, d’où qu’ils viennent, qui sauront s’exprimer par l’action et par les résultats. Quelle chance pout nous tous. 

 

F. Lainée

Fondateur des Politic Angels



3 réactions


  • Parrhesia Parrhesia 14 décembre 2015 17:27

    Voici des Angels qui, du moins sur le vu de cet article, nous changent agréablement des enfants de Satan de l’UMPS.


  • Enabomber Enabomber 15 décembre 2015 14:34

    « J’ai changé » Sarkozy 2007
    « Le changement c’est maintenant » Hollande 2012
    Si quelqu’un sait où trouver une liste complète des « changements » et des « Il faut écouter les Français », je suis preneur.


  • Job Morro Job Morro 16 décembre 2015 14:19

    Une des solutions ... commencer par valider le VOTE BLANC comme exprimé,

      au lieu de l’abstention ras-le-bol le citoyen pourrait « s’exprimer »
    et manifester son rejet de la classe des politiciens professionnels actuellement les seuls à pouvoir se « présenter » aux élections... y compris et surtout le FN, qui est en train de s’enrichir plus vite que les autres professionnels (que nous payons grassement)

    Job. 

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