Histoire du Christ, acte III, Paul
Comme je l’ai écrit dans mes précédents articles, Jean-Baptiste a lancé le mouvement, Paul l’a mis sur les rails. Si l’on veut vraiment comprendre l’origine du christianisme, ce sont sur ces deux personnages qu’il faut réfléchir. L’affaire est d’importance car elle a marqué un véritable tournant d’évolution dans notre histoire.
Le christianisme est un essénisme qui a réussi.
La formule de Renan est exacte mais prête à confusion. Le christianisme n’est pas issu d’une secte plus ou moins obscure. Il s’inscrit, bien au contraire, dans le courant du judaïsme le plus authentique revenu de l’exil de Babylone ; un judaïsme qui a poursuivi son cheminement spirituel en passant par les textes dits esséniens, jusqu’aux évangiles et jusqu’à Paul ; et cela avec un point de départ posé comme un postulat - à tort ou à raison - : le dieu d’Israël est présent dans son peuple, silencieux ou actif ; et avec un point d’arrivée à venir, abondamment prophétisé, qu’un jour il se manifestera, au moins par un signe.
L’évangile de Jean, Jean-Baptiste, s’inscrit dans le mouvement essénien comme une tentative de réforme et de relance. Marc lui donne son assise populaire. Luc le récupère et Matthieu signe le ralliement de la communauté en lui donnant le sceau du grand conseil essénien.
Saul qui, plus tard, prendra le nom de Paul, était au début un Pharisien hostile au mouvement. Et même plus, un chargé de mission, persécuteur de la nouvelle voie. Son renversement sur le chemin de Damas, sous le choc d’une vérité lumineuse, évoque d’une façon on ne peut plus claire qu’il a été converti au mouvement. Quel est le disciple portant le nom symbole d’Ananie qui lui ouvrit les yeux ? (Act 9, 11-19). La réponse, nous la trouvons dans le chapitre précédent des Actes (Act 8, 26 – 40). Comme en préfiguration de la conversion de Saul, c’est Philippe qui convertit l’Ethiopien. Philippe n’est pas un inconnu. Issu d’une communauté dite "babylonienne" dans l’arrière-pays de Damas, il était lieutenant du roi Agrippa, fils de Joachim, lui-même ancien commandant en chef de l’armée (d’après Flavius Josèphe, Guerre des Juifs). Dans les évangiles, Philippe est le quatrième apôtre, après Pierre, Jacques et Jean.
Je suis bien conscient que ma présente interprétation n’intéressera personne, ni l’institution religieuse, car, en ramenant la religion à de la politique, j’indispose la plupart des croyants, ni les laïcs, parce qu’en redonnant aux évangiles et aux épîtres un fondement historique, j’indispose les sceptiques qui ne veulent voir dans ces textes que des élucubrations.
Je poursuis donc mon raisonnement en solitaire. Combien de temps fallut-il à Saul pour qu’il ouvre les yeux sur les "vérités esséniennes" ? Probablement deux ou trois ans. Trois ans pour faire quoi ? Réponse : pour écrire l’évangile de Luc à la demande de Philippe (car Paul, ancien élève de l’illustre rabbin Gamaliel, était particulièrement bien instruit dans les Ecritures). Que les exégètes sceptiques aillent consulter mes ouvrages qui se trouvent en dépôt à la Bibliothèque Nationale !
Dans l’attente d’un Jésus du ciel.
Saul et Philippe, voici, parmi quelques autres, les personnages politiques-clés qui nous permettent de comprendre un peu mieux les évènements qui ont précédé la chute de Jérusalem.
De l’an 60 à l’an 63 et peut-être 65, Paul est à Rome, libre et non emprisonné comme on le prétend. Simon-Pierre a été crucifié à Jérusalem, en 48, par Tibère Alexandre. Ce n’est donc pas lui qui a envoyé de Rome (Babylone) cette fameuse épître sous le nom de Pierre. Ce ne peut être que Paul et c’est bien son style qu’on y trouve. Or cette lettre est un véritable appel à la mobilisation dans l’attente de la venue d’un Jésus en gloire, celui que d’autres Juifs ont également annoncé dans le texte faussement appelé "Apocalypse de saint Jean".
En 63, Paul est donc à Rome. En
Comment comprendre la dialectique de Paul ?
De même que les évangiles, toutes les épîtres de Paul, sans exception, ont été écrites avant la chute de Jésusalem, dans l’espérance de la venue d’un Jésus qui serait descendu en gloire pour établir son royaume… mais qui n’est pas descendu. Alors, comment comprendre son Christ ressuscité ?
Quand il écrit " Christ Jésus qui a rendu témoignage sous Ponce Pilate par sa belle profession. Garde le commandement jusqu’à l’Apparition de notre Seigneur Jésus Christ…" (1 Th 6, 13-14), on peut penser qu’il n’évoque que le témoignage de la communauté de Jean dans laquelle vivait le Christ comme il vit encore aujourd’hui dans l’Eglise ; un Christ qui n’apparaitra que plus tard, qui ne se révèlera qu’au moment qu’il aura choisi, un moment que tout le monde attend. Et cela s’accorde avec mon interprétation de cet évangile http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=38064.
Mais quand il écrit : Si par la faute d’un seul (Adam), la multitude a subi la mort, à plus forte raison… dans la grâce d’un seul homme, Jésus-Christ, se sont-ils répandu sur la multitude (1 Ro 5, 15), on devrait en déduire, en revanche, qu’il prend aussi l’évangile de Jean à la lettre, et qu’il y a bien eu, selon lui, crucifixion d’un Christ individu, ressuscité, dont il attend le retour.
Avec toutefois, un doute certain : Si Christ n’a pas été relevé, vide alors est notre proclamation, vide aussi notre foi (1 Co, 14).
Avec, en outre, la franchise de reconnaître que l’évangile est voilé, ce qui voudrait dire que ne compte que le sens caché que, seuls, les instruits comprennent (ce qui irait dans le sens de mes thèses)... Si notre évangile est voilé, c’est pour ceux qui se perdent qu’il est voilé, pour les incrédules … (2 Cor 4, 3-4).
Quand il écrit Son fils qu’il a relevé d’entre les morts, Jésus (1 Th 1, 10), il reprend ce que l’on trouve dans l’épître aux Hébreux. Or, comme je l’ai expliqué, ce fils était le conseil de Dieu des Esséniens - ses membres - mort sur la croix, dans lequel était descendu le Jésus du ciel pour "goûter" la mort. http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=37815
Et cela nous renvoie à l’image du ciel astrologique antique, avec le Père, immobile au centre, le Fils, en dessous ou à sa droite, l’homme sur terre, la femme et ainsi de suite Le chef de tout homme, c’est le Christ ; le chef de la femme, c’est l’homme ; et le chef du Christ, c’est Dieu. (1 Cor 11, 3).
Avec en plus, les correspondances ciel/terre que les Esséniens ont imaginées, ce qui explique que sur terre, l’Eglise soit le corps du Christ qui est dans le ciel (Col 1, 24), que les disciples le soient (1 Cor 12, 12), qu’ils puissent être engendrés en Christ Jésus ( 1 Cor 4, 15).
Car Paul s’inscrit indéniablement dans le prolongement complexe de la pensée essénienne. Son style, sa façon de jouer avec les mots et les concepts l’indiquent ; ses références aux parfaits et aux saints le prouvent quand on sait que les Esséniens se désignaient en réalité par ces qualificatifs et non par celui d’essénien.
Mon interprétation de la première épître de Jean.
L’esprit de Jésus, esprit essénien de justice mais aussi d’amour, est bien descendu dans le monde avec l’évangile de Jean. Les trois épîtres adressées à des communautés d’Asie Mineure sous le sceau de Jean l’affirment (1 Jn, 2 Jn, 3 Jn). Leur longue digression opposant l’esprit de lumière à l’esprit des ténèbres est dans la droite ligne du fameux prologue sur le logos et en complet accord avec la doctrine des Esséniens.
Selon la première de ces épîtres, cet esprit de Jésus est bien descendu dans la chair du monde (dans la chair des communautés esséniennes de la mer Morte et aussi dans celles de Galilée converties aux idées de Jean-Baptiste : Jean, André et Simon/Kephas). C’est ainsi que ces communautés ont "connu" ce Jésus lorsqu’il s’est "manifesté". C’est ainsi que Jésus a souffert dans les membres de ces communautés qui ont porté, comme des missionnaires, sa bonne parole dans le monde jusqu’au sacrifice de leur vie. Ils sont le Fils de Dieu, Fils de l’homme, que le Père a envoyé au monde pour le sauver et nous sauver. Témoins que nous avons été de leur amour pour nous jusqu’au sacrifice suprême, nous savons enfin, par ce sang versé qui lave nos péchés, que Dieu nous aime. Dieu, personne ne l’a vu, mais eux nous l’ont fait connaître. Ils nous ont donné de Son esprit. C’est ainsi que Dieu est en nous et qu’Il y demeure si nous continuons à nous aimer les uns les autres. C’est ainsi que nous aurons la vie éternelle.
Ce Jésus qui s’est "manifesté" et qui peut se manifester encore, il faut se tenir toujours prêt à l’accueillir. Dans l’évangile de Jean-Baptiste, il nous a promis la vie éternelle. Ayons confiance, car il se tient, dans le ciel, à la droite du Père, et il sera pour nous un avocat (Paraclet), même s’il nous arrive de pécher.
Les exégètes se sont assez peu intéressés à cet épître. Dommage ! Car la question qu’il fallait poser, par delà les siècles, à l’auteur de ce texte - un peu trop évasif - est la suivante : « Cet esprit de Jésus s’est-il révélé dans le membre par excellence d’une communauté ? » Je reformule ma question : « Jésus/individu s’est-il révélé comme Dieu ou fils de Dieu en ressuscitant (dans un corps humain) comme on le lit "littéralement" dans l’évangile de Jean ? » A la lecture de cet épître, il ne semble pas. L’auteur n’évoque nulle part le miracle capital de la résurrection du Christ qui sera pourtant le fondement de la foi de saint Paul. Il ne parle, en ce qui concerne Jésus, que de "manifestations". Pour lui, l’événement capital sera le moment où Dieu, en personne, se manifestera. Nous Le verrons alors comme Il est, et notre joie sera grande de constater que nous sommes semblables à Lui.
Paul est prisonnier de l’héritage théologique qu’il a reçu et qu’il doit transmettre.
Cela explique son langage souvent équivoque et ambigu qui le fait naviguer entre la vision réelle des choses et la vision des yeux de la foi.
Que dit-il dans la première épître aux Corinthiens, chapitre 15, que le Christ m’est apparu, à moi aussi, comme à un avorton (1 Co 15, 8). Il s’agit, bien évidemment, de sa fameuse conversion où Philippe/Ananie lui a fait "voir" la présence de Jésus dans la communauté essénienne. Tous les Juifs instruits pouvaient le comprendre. Comme il l’affirme, il ne ment pas (1 Tm 2, 7). En effet, on peut l’admettre quand il s’adresse à des Juifs instruits, mais s’adressant à des Corinthiens, c’est autre chose. Est-ce pour cette raison qu’il prend soin de mettre en avant d’autres témoignages qui circulaient alors dans son entourage, écrits ou oraux (Képhas, les douze, cinq cents frères, ont vu également Jésus... mais avec quels yeux ?).
Nous reprenons notre postulat de départ : Yahwé est présent dans Israël (postulat certes discutable).
Le premier doute apparait dans le célèbre psaume de David "Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?". David s’étonne de ne plus bénéficier de l’intervention divine alors qu’il lit dans ses Ecritures que son peuple en bénéficiait largement jadis. Au peuple impatient, il était certes facile aux prophètes qui lui ont succédé d’expliquer cela en raison des péchés d’Israël mais il a bien fallu trouver une autre explication au silence de Yahwé pour justifier un peu mieux le postulat pré-cité. Il me semble que les prophètes ont rebondi sur le thème d’une "présence" dans un Israël qui souffre. Il me semble également qu’ils sont passés d’un Israël, fils de l’Eternel, premier-né (Ex 4, 22), qui souffre, à un Christ, fils du Père, qui s’incarne dans le peuple qui souffre (à défaut d’un Yahwé-Père qui reste immobile dans son ciel), renouvelant ainsi le thème forcément limité du serviteur souffrant... un Christ qui s’incarne pour souffrir et racheter ainsi le péché d’Israël. Un Christ qui souffre mais qui agit anonymement au sein des communautés saintes. Un Christ qui se "manifeste" ou qui "apparait" ou qui "se révèle" dans les bonnes actions des membres de la communauté. Un Christ qui meurt avec eux mais qui "se relève" ou qui "ressuscite" dans une autre communauté sainte. Bref un Christ Jésus dont on peut raconter l’histoire jusqu’au jour très attendu où il "apparaitra", cette fois, en pleine gloire, descendant du ciel avec son cortège d’anges.