Pour moi, Notre-Dame du Port est une basilique gauloise antique et elle ne doit rien au Moyen-Age.
Et je dis cela tout en sachant que les médias disent le contraire... qu’elle aurait été construite tout au long du XI ème et XII ème siècle, sur les ruines d’une ancienne église disparue dans les flammes des invasions normandes. Disparue, envolée, comme cela, sans laisser de traces, pschitt ! Une erreur de datation, selon moi, de six siècles, le fait est incroyable !
http://www.agoravox.fr/ecrire/?exec=articles&id_article=61085.
"Ecclesia" et "basilica", ce n’est pas la même chose.
Fait tellement incroyable qu’il en est même difficilement crédible. Suite à un commentaire d’Antenor, je lui avais promis, pour étayer davantage mes thèses, de me replonger dans la traduction et l’interprétation de l’ouvrage de Grégoire de Tours intitulé "Historia Francorum" (il s’agit plutôt d’une histoire des évêques gaulois). Promesse tenue !
Grégoire de Tours nous décrit le début de la christianisation de la Gaule, les premières "ecclesia" et les premières "basilica". De toute évidence, ces premières ecclesia chrétiennes étaient tout simplement des assemblées de convertis qui naissaient ici ou là, à l’initiative d’un catéchumène ou d’un évêque lequel voyait ainsi augmenter son troupeau. Or, à une assemblée, il faut un local pour s’abriter. C’est ainsi que les fidèles se sont construit des bâtiments, plutôt sommaires au début, mais qui cèderont progressivement la place à des édifices de plus en plus importants. Et voilà bien la première difficulté que le traducteur rencontre pour traduire le texte latin. Que veut dire en effet Grégoire de Tours quand il évoque ses premières ecclesia ? Des fondations de simples communautés ou les premières constructions dans lesquelles elles se rassemblaient ? Probablement les deux. Mais, bien que le premier sens soit toujours possible, c’est bien le deuxième qu’il faudra privilégier par la suite,
des bâtiments où l’on prie.
Bizarres les premières "basilica" qu’évoque également Grégoire de Tours ! Et d’autant plus bizarres qu’elles précèdent parfois l’apparition des premières ecclesia. Attention ! Nous ne sommes pas encore au temps des grandes basiliques. Ce sont des "domus", de grandes maisons spacieuses, que des notables romains mettent à la disposition de la communauté, des lieux où, probablement, l’on débat. Ce n’est qu’ensuite que des bâtiments/églises seront distingués des autres par ce qualificatif prestigieux de basilica.
Bien traduire et bien interpréter Grégoire de Tours.
Lorsqu’il devint évêque de Tours en 573, il avait déjà écrit sa chronique en Auvergne, à Brioude, là où il résidait. C’était un Arverne. Des environs de l’an 450, date où je vois s’élever Notre-Dame du Port, jusqu’à l’an 573, cela fait 123 ans. En outre, son texte ne nous est parvenu que par des copies du Moyen-Age. Des erreurs sont donc possibles.
M. Guizot traduit ainsi le passage qui nous intéresse particulièrement : Saint Namatius, après la mort de l’évêque Rustic, devint en ce temps-là le huitième évêque de Clermont. Par ses soins fut bâtie l’église qui existe à présent, et qui est la plus ancienne de l’intérieur de la ville. Elle a 150 pieds de long, 60 de large, et 50 pieds de haut dans l’intérieur de la nef jusqu’à la voûte ; par-devant, elle a une abside de forme ronde, de chaque côté des ailes d’une élégante structure, et l’édifice est disposé en forme de croix. Il a 42 fenêtres, 70 colonnes et 8 portes.
Pour moi, cette église, c’est l’actuelle basilique Notre-Dame du Port. Rien à voir avec la "basilica" que l’épouse de l’évêque édifia ensuite sous les murs de la ville et qu’elle aurait consacrée à saint Etienne.
Première observation : Alors qu’un document désigne l’empereur Avitus comme le fondateur de l’église (cf. mon article cité en lien ci-dessus), pourquoi Grégoire de Tours ne désigne-t-il que l’évêque. La réponse saute aux yeux. Grégoire de Tours n’aime pas Avitus auquel on reprochait d’avoir puisé dans le trésor religieux de Brioude. Il n’honore que l’évêque.
Deuxième observation : Les experts situent cette église de Namatius sur la hauteur de Clermont, là où se dresse actuellement la cathédrale. Grave erreur ! Les traces archéologiques mises au jour ne correspondent pas à cette description, ni ce qu’on peut retrouver dans la cathédrale actuelle.
Troisième observation : Les mesures données par Grégoire de Tours concordent à condition d’intervertir la hauteur et la largeur. Les premiers chiffres que je rappelle ci-après sont ceux de Grégoire de Tours, conversion en mètres et interversion hauteur/largeur faites : 44 m 4 en longueur contre 45 mètres actuellement ; 14 m 8 en largeur contre 13 m 30 ; 17 m 76 en hauteur contre 18 mètres. Tout cela concorde, la différence concernant la largeur devrait pouvoir s’expliquer.
Merci à l’internaute qui voudra bien se rendre sur place pour compter les fenêtres, les colonnes et les portes. Je continue.
La fameuse basilique de saint Martin dont on cherche en vain les vestiges archéologiques dans le sol de la ville de Tours ou à proximité, c’était, en réalité, Orcival, et elle est là, en Auvergne, et toujours debout (deuxième thèse de mon présent article).
M. Guizot traduit ainsi le passage qui nous intéresse : (L’évêque) Perpetue, voyant qu’il s’opérait de continuels miracles au tombeau du saint (saint Martin), et qu’on n’y avait bâti cependant qu’une chapelle, la jugea indigne de miracles si fréquents. Il la supprima et éleva à sa place la grande basilique qui existe encore aujourd’hui et qui est située à 500 pas de la ville. Elle a 160 pieds de longs et soixante de large ; sa hauteur jusqu’à la voûte est de 45 pieds. Il y a 32 fenêtres dans la partie qui entoure l’autel, 20 dans la nef, et 41 colonnes. Dans tout l’édifice on compte 52 fenêtres, 120 colonnes et huit portes, dont 3 autour de l’autel et 5 dans la nef.
Première erreur : "à 500 pas de la ville de Tours" est une traduction manifestement erronée. Le texte latin dit ceci "basilicam... quae habetur a civitate passus 550". Il ne faut pas traduire civitas/civitate par ville mais par cité (la ville est l’agglomération enserrée dans ses murs, la cité, c’est le territoire sur lequel Tours exerce son autorité et c’est aussi l’ensemble des citoyens). La bonne traduction est la suivante : "une basilique que possède la cité". Quant à "passus 550", c’est une définition de la possession. Je récapitule : une basilique, qui est possession de la cité, 550 pas.
Interprétation : 550 pas, cela ne peut indiquer que la circonférence du terrain plus ou moins circulaire qui entoure le monument, une enclave, une concession qui se trouve en dehors du territoire de la cité de Tours et donc sur le territoire d’une autre cité. Compte tenu des liens qui existaient alors entre la cité arverne et celle de Tours, voici un premier indice en faveur d’une localisation de la basilique sur le territoire de la cité auvergnate, à Orcival.
Deuxième grave erreur de M. Guizot : Il ne fait pas de différences entre les termes ecclesia et basilica comme je l’ai expliqué au début de cet article. Il ne pouvait donc pas comprendre que lorsque Grégoire de Tours parle de la basilique de saint Martin, c’est Orcival, en Auvergne. Quand il parle de l’église de saint Martin, c’est l’église de Tours, à Tours.
Interprétation, suite. Là aussi, les mesures données par Grégoire de Tours présentent des concordances très convaincantes à condition toutefois d’intervertir la hauteur et la largeur. Les premiers chiffres que je donne sont ceux de Grégoire de Tours, interversion faite. En longueur 47 m, 36 contre 41 m 35 actuellement. En largeur 13 m 32 contre 14 m 15. En hauteur 17 m 7 contre 17 m 40. Merci à l’internaute qui voudra bien compter les fenêtres, les colonnes et les portes, mais d’après les photos que j’ai consultées et les plans, cela devrait concorder.
Une nouvelle et étonnante page d’Histoire (traduction résumée du texte de Grégoire de Tours par M. Guizot. En italiques, ma traduction et mon interprétation).
Saint Martin fut le troisième évêque de Tours. Il mourut à Candes. Transporté à Tours par eau, le Tourangeau fut enterré dans le tombeau où il est maintenant adoré (à Orcival)... Le quatrième évêque Brice bâtit sur le corps du bienheureux Martin, une très petite basilique dans laquelle lui-même a été enseveli (Sidoïne Apollinaire la qualifie d’édifice de style commun). Le cinquième évêque fut Eustoche. Il bâtit une église à l’intérieur des murs de la cité (à Tours). Il fut enterré dans la basilique qu’avait élevée l’évêque Brice sur le tombeau de saint Martin (à Orcival). Le sixième évêque fut Perpetuus. Il abattit la basilique que l’évêque Brice avait élevée sur le tombeau de saint Martin et en fit construire une autre plus grande et d’un travail merveilleux (vers 470), dans l’abside de laquelle il transporta le corps bienheureux du vénérable saint (Sidoïne Apollinaire dit que l’ouvrage pouvait rivaliser avec le temple de Salomon, la septième merveille du monde))... Il fut enseveli dans la basilique de saint Martin (à Orcival). Puis, pratiquement, tous ses successeurs suivirent jusqu’à l’avènement de Grégoire de Tours.
Etonnant va-et-vient de l’évêque Grégoire de Tours entre l’église de Tours et la basilique de saint Martin (Orcival) (ma traduction en résumé).
En arrivant à Tours, le nouvel évêque trouva l’église de la ville de Tours brûlée et détruite suite aux exactions des Normands. Il la rebâtit. C’est là qu’il apprit de la bouche de vieux prêtres qu’on y avait rassemblé anciennement les reliques d’Agaune (saint Maurice et ses compagnons de la légion thébaine). Pensant que la châsse devait se trouver dans le trésor de la basilique de saint Martin (donc à Orcival), il s’y rendit pour la visiter. Le gardien du trésor lui ayant montré un sarcophage fermé, on l’ouvrit et l’évêque y trouva une châsse en argent contenant non seulement les reliques de la légion thébaine, mais celles de nombreux autres saints et martyrs, y compris des apôtres. Plein d’admiration et rendant grâces à Dieu, il les ramena dans l’église de Tours dans l’intention d’en distribuer une partie aux églises de son diocèse.
Ayant remarqué, à cette occasion, que les murs de la basilique (Orcival) avaient été salis par les flammes d’un incendie, il ordonna de les repeindre et de les parer comme ils étaient auparavant. (La basilique avait été en effet endommagé par un incendie allumé par Wiliacharium lors d’un conflit familial entre Clotaire et son fils. C’est à la suite de cet incendie que Clotaire fit recouvrir d’étain le toit de la basilique).
Il faut essayer de mieux comprendre notre patrimoine car c’est une grande richesse pour notre pays.
J’ai fini d’écrire cet article ce mercredi 11 novembre. Puis je me suis aperçu que c’était le jour de la fête de saint Martin... bizarre... bizarre !