La conquête du pays de Canaan a-t-elle eu lieu ?
Si l’on en croit la déclaration d’un haut responsable du CNRS publiée dans la revue “La Recherche” n° 391, p. 32, de novembre 2005 et confortée depuis, il paraîtrait d’une façon générale, qu’aucun archéologue sérieux ne croit plus aujourd’hui que les événements rapportés dans le livre de Josué aient un fondement historique précis. Poursuivant dans mon raisonnement des articles précédents, je vais essayer de prouver le contraire.
Je vais essayer de prouver le contraire mais en essayant de suivre la datation que donne la Bible suivant l’interprétation traditionnelle et non pas en la corrigeant de plusieurs siècles comme on le fait aujourd’hui.
L’énigme de Pétra.
Après sa funeste défaite d’Horma qui a compromis son projet de conquérir la Shéphéla cananéenne - défaite qui a dû considérablement réduire ses effectifs combattants - Moïse s’est replié dans le désert jusqu’au golfe d’Aqaba. C’est là que Yahvé lui dit : « Assez longtemps vous avez contourné les montagnes (de Seir), tournez-vous vers le nord (Deut 2, 3). » Puis il lui dit de payer à Esaü sa nourriture et même son eau. Yahvé précise « à prix d’argent » (Deut 2,6). Il y a là une insistance particulière qui laisse entendre que Moïse a payé un loyer - un tribut - pour avoir le droit de stationner à cet endroit, un certain temps... et pourquoi pas quarante ans ? Je fais l’hypothèse qu’il s’agit de Pétra. Cet endroit est un passage important de
voies caravanières. Il existe des possibilités de pâturages ainsi que du gibier. L’eau de pluie est suffisante pour satisfaire une troupe importante. N’oublions pas non plus qu’ayant dépouillé l’Egypte (Ex 12, 36), Moïse était riche et qu’il pouvait acheter et se faire livrer son ravitaillement depuis le port d’Eilat. Capitale aux fabuleux monuments creusés dans le roc, il plane sur Pétra d’étonnantes réminiscences : réseau complexe de canalisations semblable à celui d’Alexandrie, trésor du pharaon, statue d’Isis, tombes aux obélisques, château de la fille du Pharaon, temple du Lion voué au culte d’Isis et d’Osiris, bref toute une architecture et une sculpture qui font penser à un acte de naissance égyptien qu’on ne peut attribuer, en toute logique, qu’à Moïse et à ses troupes (je n’ignore pas que ce que je viens d’écrire est contraire aux interprétations archéologiques qui ne font remonter les plus anciens vestiges qu’à quelques siècles avant J.C.).
Pour une armée au cantonnement, l’inactivité est la mère de tous les vices. Durant ces quarante années passées dans le désert, il est impensable que Moïse n’ait pas cherché à occuper ses hommes à une tâche physique, le travail de la pierre étant un excellent exercice pour se maintenir en forme. N’oublions pas que ces anciens esclaves possédaient une solide expérience de la taille de la pierre pour avoir édifié en Egypte des monuments tout aussi impressionnants. Et puis, il y a le génie de ces prêtres Osiris dont nous ne doutons pas de la foi religieuse, une foi religieuse qui les poussait à élever des temples grandioses à leurs anciens dieux, Isis et Osiris, ou à leur nouveau Dieu, Yahvé... et à construire pour eux-mêmes des tombeaux d’éternité.
L’évocation des « Shosu de Yahwo’ » aux côtés des « Shosu de Se’ir » au temps du pharaon Amenophis III - 1390/1352 - pourrait indiquer que des Edomites d’Esaü ont accompagné les Hébreux dans la conquête du pays de Canaan.
Vers l’an 1405 avant J.C., la situation était la suivante,
Après sa défaite d’Horma, Moïse est donc descendu à Petra pour remettre ses troupes en condition. Puis, quarante ans après la sortie d’Egypte, en 1405, il s’est remis en route, mais cette fois en direction des pays de l’est de la mer Morte. Les ayant conquis, il y installe ses tribus. Les rives du Jourdain sont atteintes. Le prochain objectif sera la ville de Jéricho, de l’autre côté du fleuve, puis la Shéphéla, la riche plaine du futur royaume de Juda qui lui avait précédemment échappé.
Les prêtres Moïse sont montés au sommet du mont Nébo. Une phase est terminée, une autre va commencer. La génération qui est sortie d’Egypte a conduit le peuple jusqu’au fleuve sacré. Elle a rempli la mission que Dieu lui avait fixée. A la nouvelle génération qui n’a connu que le désert, revient dorénavant la tâche d’installer Israël dans le pays de Canaan, nouvelle mission. Moïse, l’homme de la première mission, va maintenant mourir sur le mont Nébo. Cela signifie que ce conseil a décidé de se dissoudre et qu’il transmet le pouvoir à Josué, le conseil essentiellement guerrier qu’il a formé à l’exercice du commandement. Moïse meurt à l’âge de 120 ans, ce qui le fait naître vers l’an 1525. Il est né en tant que conseil de la résistance pour défendre ses frères opprimés en Egypte. Cette année 1525 est une bonne date. Elle nous fait remonter à l’époque où les Hyksos ont été vaincus par les pharaons de Thèbes. Quant à Josué, il est né en tant qu’armée de l’ombre lorsque Moïse a fait tomber sur l’Egypte les dix fléaux de Yahvé. C’est un conseil de guerre que Moïse a mis sur pied pour le seconder dans sa tâche difficile. Peut-être n’avait-il qu’un an à la sortie d’Egypte ? C’était un « jeune », ce que confirme la Bible (Ex. 33, 11). Josué va mourir à l’âge de 110 ans lorsque le pays de Canaan sera conquis et les tribus installées, même s’il existe encore des poches de résistance. Cela nous amènera à l’an 1336 (1445 moins 110 plus 1). Cette période de conquête et d’installation des tribus s’est donc faite de 1405 à 1336 avant J.C., soixante-neuf ans en tout.
De 1405 à 1336, quatre pharaons se sont succédés en Egypte,
Quatre pharaons qui, durant cette période, vont se manifester par une quasi absence diplomatique et militaire dans le pays de Canaan. Qu’on en juge par les tragiques lettres de Tell el-Amarna adressées comme un appel au secours à Akhénaton (1353 - 1335) mais qui restèrent lettres mortes.
... Le gouverneur d’Hazor a abandonné sa ville et s’est allié aux Apirou...Que le Pharaon délivre sa terre hors des mains des Apirou...Que le Pharaon, mon seigneur, soit au courant de la guerre qui sévit sur ses terres et qu’il sache que la terre du Pharaon mon seigneur, est ruinée et s’est vendue aux Apirou...Que le Pharaon, mon seigneur, délivre sa terre des mains des Apirou sinon ils ne pourront pas être détruits...Que le Pharaon entretienne sa terre. Sinon la terre du Pharaon sera perdue. Tout lui sera pris. Maintenant les Apirou s’emparent des villes du Pharaon ! Il ne reste plus un seul gouverneur au Pharaon ; tous sont perdus... mais le Pharaon n’a pas réagi.... Les esclaves ont rejoint les Apirou...Maintenant les Apirou nous dominent. Puisse le Pharaon, mon seigneur, me nommer loin de la terre des Apirou, afin que ceux-ci ne nous détruisent pas... Le gouverneur de Jérusalem écrit que la ville est menacée par Eenhamu, un Apirou. Mais le pharaon était certainement trop occupé par sa réforme religieuse. Il a tout de même averti Abi-Milki, gouverneur de Tyr, pour qu’il soit sur ses gardes face à un certain « Ia-we ». (extraits cf. site internet, faire philo-zine, connaissances, la terre promise).
Ce mot « Apirou » ou « Hapirou », d’autres que moi ont reconnu qu’on aurait pu tout aussi bien le traduire par le mot « Hébreu ».
Les vestiges archéologiques confirment-ils la campagne de Josué ?
En ce qui concerne Haçor, la capitale du nord, le livre de Josué, tel que je l’interprète, et une lettre d’el-Amarna se rejoignent pour situer sa prise et son incendie par les Hébreux au XIV ème siècle avant J.C.. Le problème se trouve dans le fait que les archéologues ne voient sa fin brutale qu’au XIII ème siècle, à l’image de tant d’autres villes du pays (La Bible dévoilée, éditions Gallimard, page 132). En revanche, les traces d’un sinistre à Lakish pourrait s’accorder au point de vue datation. Quant aux murailles de Jéricho, il semble que deux thèses s’affrontent. Enfin, si les fouilles ne révèlent aucune trace de sinistre à Megibdo, cela ne peut que confirmer le texte biblique puisqu’il y est dit que Josué ne s’empara pas de la ville. Les archéologues de la Bible dévoilée prétendent que si la conquête de Canaan avait eu lieu comme la Bible l’explique, on devrait en retrouver des traces sous forme de vestiges « israëlites ». Je me demande si leurs traces n’étaient pas plutôt de type égyptien.
Cet article est inédit. Je m’attends à ce qu’il soulève une vague de protestations tant les spécialistes sont attachés à vouloir attribuer les merveilles architecturales de Petra à une peuplade locale de caravaniers qui se seraient amusés à tailler la pierre durant leurs loisirs.
E. Mourey
Site internet : http://www.bibracte.com
En remerciant M. Jean-Pierre Dalbera d’avoir bien voulu m’autoriser à reproduire les deux photos qui figurent dans cet article. [email protected]