Le Coran et l’homosexualité masculine
Le Coran stigmatise l’amour entre hommes dans 11 chapitres ou sourates, par des reprises commentées de paroles attribuées à Loth, habitant de Sodome. La fin tragique de cette ville lors d’une éruption volcanique au XXVe avant Mahomet –, fut interprétée comme une punition divine dont le Coran, plus généralement, menace l’ensemble des incroyants.
Le Coran ignore le lesbianisme mais stigmatise l’amour entre hommes dans 11 de ses 114 chapitres ou sourates. En une seule occurrence cette condamnation, venant juste après celle de l’adultère féminin, est prononcée ainsi : « Si deux d’entre vous font une infamie (ou un acte), sévissez. S’ils reviennent et s’amendent, laissez-les. » (IV, les femmes, 16 ou 20 [suivant les éditions]. Dans les 10 autres, il s’agit de reprises commentées des paroles attribuées à Loth, neveu d’Ibrahim [Abraham] et habitant de Sodome, patriarche biblique promu dans le Coran au rang éminent de prophète. La fin tragique de cette ville sous un déluge de feu et de soufre – en réalité une éruption volcanique au XXVe avant Mahomet –, fut interprétée comme une punition divine (cf Genèse, XVIII et XIX) dont le Coran, plus généralement, menace l’ensemble des incroyants (notamment dans les sourates II, III, IV, IX, XXII et XXV).
Le christianisme a très tôt élaboré le concept de "contre nature" (des Épitres de Paul aux Confessions d’Augustin). La nature n’est jamais invoquée dans ces condamnations du VIIe siècle qui tombent sans aucune autre justification que l’autorité de celui qui les prononce, et le fait que le Seigneur aurait créé les femmes à l’usage des hommes (sourate XXVI). Le peuple de Sodome aurait inventé l’homosexualité : « abominations que personne n’a faites avant vous » (sourate VII) ; ces gens-la sont, selon Loth, des « effrénés » (sourate VII), des « transgresseurs » (sourate XXVI), des « ignorants » (sourate XXVII), des « pécheurs » (sourate 51). Loth veut protéger ses hôtes, des anges envoyés par Allah et qui plaisent trop aux Sodomites (sourates XI et XV) ; l’échange généreux qu’il propose, ses deux filles, est refusé (sourates XII et XV) ; on lui rétorque : « tu sais bien ce que nous voulons » (sourate XI). Le peuple de la ville se moque de Loth « qui se pique de pureté » (sourate XXVII), ignore son avertissement (sourate LIV), et reçoit en conséquence une « mauvaise pluie de pierres d’argile » (sourates XI, XXI, XXVI, LI) ; enfin, la punition par la cécité est mentionnée (sourate LIV). Dans ces dix sourates, plus de possibilité de pardon, mais on ne retrouve pas, hormis par le biais de la destruction de Sodome, la peine de mort expressément prévue par le Lévitique.
On aurait tort de réduire l’Orient à l’Islam, et l’Islam au Coran, d’une façon définitive. Dans Si le grain ne meurt, Journal du Maroc et Carnets d’Égypte, André Gide avait donné une image gay friendly de la civilisation arabe. Mais dans le Coran, le sentiment religieux est encore en manque d’élaboration. Mieux vaut savoir qu’aujourd’hui, en terres islamiques, l’homosexualité libérée de l’Occident – où les hommes commencent à pouvoir se marier entre eux – choque fortement. Le rappel fondamentaliste des injonctions de Loth entraîne pour les gays musulmans en France un conflit d’identité que ne connaissent pas ceux qui se rattachent au courant moderne des Lumières et du libertinage philosophique, et beaucoup moins, voire plus du tout, les chrétiens homophiles et les homos communistes ; l’islam ne connaît pas encore la pastorale individualisée … S’il devait y avoir un clash des civilisations et des mentalités sur la question gay, ce ne serait cependant pas entre judéo-christianisme et islam, mais bien plutôt entre la civilisation scientifique et humaniste gréco-latine et les trois religions asiatiques du Livre qui ne sont en phase ni avec la modernité occidentale, ni avec la rationalité ancienne des Grecs … »
Versets concernés :
« Si deux d’entre vous font une infamie (ou un acte), sévissez. S’ils reviennent et s’amendent, laissez-les. »
IV (les femmes), 16 ou 20.
« Loth disait à son peuple : Allez-vous faire cette infamie (ou ces abominations) que personne au monde n’a faite(s) avant vous ? Vous qui couchez avec des hommes au lieu de femmes, certes, vous êtes des effrénés. »
VII (l’A’araf ou les franges), 78-79 ou 80-81.
« Quand nos messagers vinrent chez Loth, il en fut affligé et oppressé. Il dit : C’est un jour terrible. Son peuple, coutumier d’infamies (ou d’actions infâmes), accourut. Il leur dit : O mon peuple, voici mes filles, ce serait plus pur pour vous, mais ne craignez Allâh et m’outragez pas dans mes hôtes. N’y a-t-il pas d’homme sensé parmi vous ? Ils répondirent : Tu sais bien que nous ne réclamons pas tes filles, tu sais bien ce que nous voulons. »
XI (Houd), 77-79 ou 80-81.
« Les gens de la ville venaient gais. Il [Loth] leur dit : Ce sont mes hôtes, ne me déshonorez pas. Craignez Allâh et ne me couvrez pas de honte. […] Il dit : Voici mes filles, si vous voulez. Mais, par ta vie ! ils étaient aveuglés d’ivresse. »
XV (Al-Hijr), 67-69, 71-72.
“Nous avons donné à Loth l’illumination et la science et nous l’avons sauvé de la ville infâme et de la race mauvaise et perverse (ou d’un peuple méchant et de mœurs ignobles). »
XXI (les prophètes), 74.
« Est-ce que vous irez aux mâles de ce monde (ou de tout l’Univers) et laisserez vos femmes que le Seigneur a créées pour vous ? car vous êtes des transgresseurs (ou un peuple transgresseur). »
XXVI (les poètes), 165-166.
« Loth disait à son peuple : Allez-vous faire cette infamie (ou commettre une action infâme), vous qui voyez ? vous désirez (ou vous avez commerce charnel avec) des hommes au lieu de femmes, vous êtes des ignorants ! Pour toute réponse, son peuple dit : Chassez de la ville la famille de Loth qui se pique de pureté. »
XXVII (la fourmi ou les fourmis), 54-56 ou 55-57.
« Loth dit à son peuple : Vous faites une infamie (ou une abomination) que personne au monde n’a faite avant vous. Est-ce que vous approcherez des mâles ? »
XXIX (l’araignée), 27-28 ou 28-29.
« Loth les avertissait que nous les saisirions (ou de l’action violente), mais ils en ont douté. Ils voulaient qu’il les laisse abuser de ses hôtes, mais nous avons aveuglé (ou crevé) leurs yeux. »
LIV (la lune), 36-37.
N.B. Ces références sont faites d’après :
1 : l’édition en coll. Points, au Seuil, en 1998 (réimpression de juin 2001) ; traduction de Jean Grosjean pour les Éditions Philippe Lebaud, 1979.
2 : l’édition en coll. PBP, chez Payot, en 2001 ; traduction d’Édouard Montet en 1958.
3 : l’édition en coll. Folio classique chez Gallimard, en 2001 : traduction de Denise Masson en 1967.