lundi 18 juin 2007 - par Sylvain Rakotoarison

Mgr Jean-Marie Lustiger : quand un Immortel prépare sa propre mort

Cardinal, académicien, Jean-Marie Lustiger est avant tout malade, et vient d’organiser sa sortie.

Il y a quelques semaines (le 24 avril 2007), on avait entendu que Monseigneur Jean-Marie Lustiger, cardinal et ancien archevêque de Paris (de février 1981 à février 2005), 80 ans, avait indiqué qu’il avait été conduit dans un service de soins palliatifs tant son traitement était douloureux.

Sa maladie, elle est vaguement dite comme étant une "terrible maladie" ou une "longue maladie", plus communément appelée cancer de nos jours.

Ce mal qui le ronge, Jean-Marie Lustiger sait qu’il aura beaucoup de mal à le vaincre.

C’est donc avec beaucoup d’effort et très affaibli qu’il a quitté brièvement la maison médicale Jeanne-Garnier et a été conduit en fauteuil roulant au sein des grands immortels, parmi ses collègues de l’Académie française, car Monseigneur Lustiger est aussi un académicien (peu assidu sauf lors des élections de nouveaux académiciens), élu le 15 juin 1995 au siège de Monseigneur Albert Decourtray, archevêque de Lyon.

Il est hélas arrivé trop tard, Max Gallo ayant déjà été élu par ses nouveaux pairs.

Mais il était venu sous la Coupole surtout pour annoncer aux académiciens que ce serait la dernière fois qu’ils le verraient, ajoutant : « Au ciel les premiers sont les derniers, donc je pense que je serai là-bas le premier à m’occuper, à prier, à avoir tous les soins possibles et tous mes voeux vis-à-vis de l’Académie. ».

Jean-Marie Rouart, autre académicien, a expliqué le 1er juin 2007 sur RTL que Monseigneur Lustiger « avait pris certainement beaucoup sur lui-même, mais on sentait une ferveur. (...) Les paroles que l’on prononce dans ces moments, devant des amis que l’on ne reverra plus, elles ont un poids. (...) Cela serre le coeur, je ne vous le cache pas, mais je pense que cette scène était un moment de communion. ».

Mettant ainsi en scène sa propre disparition, de façon quasi mitterrandienne, Jean-Marie Lustiger, qui a été le curé de l’église Sainte Jeanne de Chantal (à la porte de Saint-Cloud à Paris) de 1969 à 1979, puis évêque d’Orléans, a conquis avec l’émotion son auditoire et sans doute sa postérité.

Ce converti au catholicisme le 25 août 1940, dont la mère, arrêtée et déportée à Drancy, laissa la vie à Auschwitz, avait eu aussi la force de concélébrer à la cathédrale de Paris avec son successeur, Mgr André Vingt-Trois, la messe d’enterrement de l’Abbé Pierre, le 26 janvier 2007.

À noter que son prédécesseur, Monseigneur François Marty, eut à 89 ans une fin tragique le 16 février 1994 dans un banal accident de la route, se retrouvant avec sa 2 CV coincé dans un passage à niveau au moment où un train passait.

Bref, c’était cette émotion que je voulais transmettre, malgré le déferlement des résultats locaux des élections législatives, qui replace la hiérarchie des choses importantes dans la vie.



5 réactions


  • Bill Bill 18 juin 2007 16:03

    Eh bien oui, c’est un personnage tout à fait intéressant que ce cardinal, et j’avais lu son discours tout à fait émouvant.

    Et puis cet homme avait une véritable élégance, c’est un personnage qui s’en ira.

    Bill


  • fjr 18 juin 2007 17:54

    A première vue, il y a quelque chose qui choque dans cette mise en scène de sa propre mort au milieu des fastes académiques. Quelque chose de grandiloquent, d’apparemment artificiel, qui paraît en décalage avec la simplicité et la sincérité qu’on espère d’un homme de foi et de conviction.

    Mais à bien y réfléchir, on se dit que peut-être Jean-Marie Lustiger, à l’instar de Jean-Paul II, a cette dernière ambition de transmettre un message à travers sa façon d’accueillir la mort. Et ce message, dans son cas, serait visiblement l’absence de peur, la confiance dans le fait que la mort n’est pas une fin. Le decorum et la pompe ne sont là que pour frapper les imaginations...


  • Utaupix 18 juin 2007 20:24

    J’ignorais que Monseigneur Lustiger était aussi souffrant.

    Qu’il veuille saluer ses camarades d’Académie, pourquoi pas ? Et pourquoi non ?

    Cet homme est un Cardinal et un Académicien, pourquoi, parce qu’il est malade, lui interdirait-on d’avoir ce dernier sursaut et ces civilités, avant que la maladie ne l’emporte ? C’est un homme avant tout.

    Personnellement, je ne vois rien à redire, je trouve même cela courageux.

    Merci pour cet article


  • claude claude 19 juin 2007 09:53

    mgr lustiger fait une visite d’adieu à ses amis et collègues, quoi de plus naturel avant de partir pour un grand voyage ?

    mgr marty était connu pour conduire de manière non orthodoxe... et longtemps une escouade de st christophe veillait sur lui... jusqu’au jour ou ils ont oublié que les passages à niveaux existaient... mgr marty avait 90 ans...


  • Lohengrin Lohengrin 23 juin 2007 23:46

    Nous savons depuis quelques mois la maladie de Jean-Marie LUSTIGER.

    Etant parisienne, chaque fois que je l’ai pu, j’ai assisté à la célébration de ses offices. Ses homélies étaient très souvent applaudies

    Sa naissance dans la religion juive et sa conversion à l’âge de 14 ans lui donnent une dimension particulière. sa mère fut exterminée à Auswitz... Haut dignitaire de la religion catholique, cette double culture religieuse, lui confère une dimension exeptionnelle.

    Comme si il n’appartenait à personne et à tous les hommes en même temps

    Chahuté lors de sa visite à la Knesset Jean-Marie Lustiger accompagna jean-Paul II lors de sa visite en Israél .....A nos frères aînés.....et la lettre déposée dans le mur du temple. Un homme de coeur s’en va .....et sa visite d’adieu à ses pairs académiciens ne me choque vraiment pas.

    je pense à lui.

    Lohengrin


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