mardi 13 novembre 2018 - par Carlo Marino

Quel genre de relation diplomatique derrière l’accord Chine-Vatican ?

Le 22 septembre 2018, la République Populaire de Chine et le Saint-Siège ont signé à Pékin un "accord provisoire" sur la nomination des évêques. https://www.vaticannews.va/en/vatican-city/news/2018-09/china-holy-see-agreement-appointment-bishops.html La méthode par laquelle l'accord a été signé est sans aucun doute extraordinaire. Le représentant du gouvernement chinois, H.E. M. Wang Chao, vice-ministre des Affaires étrangères de la République populaire de Chine, est un représentant de haut niveau et a signé un accord avec un État avec lequel Pékin n’a pas de relations diplomatiques. Plus atypique est le fait que l'accord n'entraîne pas explicitement de modification de la stricte application de la nouvelle loi sur les religions, en vigueur depuis février dernier. La signature de l'accord et sa mise en œuvre réussie spécifient la position de sept évêques illégitimes nommés sans l'approbation de Rome, dont trois excommuniés. Ils ont été réconciliés avec le Saint-Siège après avoir officiellement après avoir demandé pardon pour avoir péché.

Ainsi, le Pape a accepté le processus « démocratique » chinois d’élection des évêques. Les prêtres, les religieux et les laïcs de l’Association patriotique participeront aux élections des évêques. Leur candidat sera ensuite présenté à la Conférence épiscopale chinoise. L’accord stipule clairement que le candidat élu doit être présenté au Saint-Siège pour l’approbation finale par le Pape. Le Pape peut alors exercer un droit de veto si le candidat est contestable. La préfecture apostolique de Chengde, dans la province de Hebei, a été élevée avec cet accord au rang de diocèse avec droit de vote de Pékin. L’accord présente ce changement comme une volonté du Pape. Ce serait une première ingérence du pontife dans le destin des diocèses de Chine depuis des décennies. Chengde accueille le palais d’été des empereurs chinois. C’est dans ce palais que, au début du XVIIe siècle, l’empereur Kangxi reçut le délégué du Saint-Siège, Mgr. de Tournon. A l’époque l’empereur n’avait pas compris les demandes du délégué mais il s’est rendu compte que le pape s’était introduit dans les affaires intérieures de la Chine. Peu après cette audience, Mgr. De Tournon fut exilé à Macao, où il reçu le chapeau de cardinal du pape. L’honneur rendu aujourd’hui à l’évêque de Chengde pourrait être compris comme une revanche historique des demandes romaines, toujours considéré comme une ingérence politique mettant en cause le pouvoir absolu du Parti. Pour le Pape François, la diplomatie est un instrument privilégié pour surmonter les idées politiques opposées, les différentes conceptions religieuses ou les différentes idéologies. Le cardinal Pietro Parolin, secrétaire d’État du Vatican, a récemment expliqué cela lors d’une conférence intitulée « Diplomatie des valeurs et du développement », organisée par l’Association de la charité politique au Vatican. Dans son discours, le secrétaire d’État du Vatican a souligné que la valeur de l’équilibre devait également régir les relations internationales actuelles, et ceci afin de garantir une coexistence pacifique, le respect des personnes et des droits en faveur du développement solidaire. La diplomatie n’existe pas et ne doit pas travailler pour maintenir le statu quo ou pour maintenir le pouvoir, mais elle est plutôt chargée de développer des idées originales et des stratégies novatrices, en recherchant des solutions nouvelles et durables. Le cardinal Parolin a défini la diplomatie comme une alternative solide aux armes, à la violence et au terrorisme, comme un vecteur de dialogue et de réconciliation. La Chine, l’autre partie de l’accord, est de plus en plus connue pour sa capacité de tout adapter à ses intérêts, à partir du modèle socialiste devenu « socialisme à caractéristiques chinoises » afin de préciser son éloignement progressif du socialisme et l’insertion d’éléments de l’économie de marché, toujours sous le contrôle du gouvernement central. Et puis « socialisme avec des caractéristiques chinoises pour l’ère nouvelle », une nouvelle définition inventée par le président Xi Jinping lors du XIXe Congrès du Parti communiste chinois, en octobre 2017 . Le socialisme n’est pas la seule chose à avoir des « caractéristiques chinoises », même le système diplomatique chinois présente des aspects particuliers qui semblent vouloir contester l’approche « généraliste » répandue dans les pays occidentaux. La différence avec le reste du monde du modèle chinois concerne les postes les plus élevés dans les ambassades des pays considérés comme les plus importants par le gouvernement de Pékin tels que : la Russie, les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, le Japon, l’Allemagne, le Brésil, l’Inde et le Canada, la Corée du Nord. Dans ce cas, la figure de l’ambassadeur « généraliste » est sur le point d’être éliminé. Le président Xi Jinping a mis en exergue un autre facteur clé dans la sélection des plus hauts responsables de la diplomatie chinoise : la loyauté envers le Parti, rappelant que tous les diplomates sont avant tout des « cadres du parti ».

La particularité des ambassades chinoises, combinée à la connaissance de la langue des pays de destination, confère à la Chine une position forte, notamment lors de réunions vis à vis. C’est peut-être dans ce type de structure diplomatique que la naissance de l’accord Chine-Vatican doit être recherchée.



2 réactions


  • njama njama 13 novembre 2018 13:12

    Ainsi, le Pape a accepté le processus « démocratique » chinois d’élection des évêques. Les prêtres, les religieux et les laïcs de l’Association patriotique participeront aux élections des évêques.

    Une révolution historique dans le paysage catholique ! les chinois sont les champions pour les révolutions culturelles !

    Ici les fidèles sont des moutons depuis des siècles et des siècles... pas de voix au chapitre, l’architecture de nos églises et cathédrales était d’ailleurs conçue pour mettre le peuple sous la nef, les élites sous le transept, et les hiérophantes parfois isolés derrière un chancel, dans le Chœur, l’espace « sacré ». Une architecture façonnée à l’image des classes sociales.

    Ces chinoiseries apporteront-elles un vent frais dans cette vieille Église romaine ?


  • zygzornifle zygzornifle 22 novembre 2018 12:42

    ça s’appelle le pognon et la lutte souterraine contre l’islamisme ....


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