lundi 2 avril 2012 - par Automates Intelligents (JP Baquiast)

A propos du livre de Jean-Pascal Capp : Nouveau regard sur le cancer. Pour une révolution des traitements, Belin, 2012

NB. Un entretien avec Jean-Pascal Capp a été publié sur ce site (voir aussi lien ci-dessous). Nous y renvoyons le lecteur afin d'éviter les répétitions et aborder au plus vite l'essentiel.


Jean-Paul Baquiast - 2 avril 2012

Avertissement. Ce texte est provisoire, Il a été soumis pour avis à l'auteur et à Jean-Jacques Kupiec. JPB


Nous nous abstiendrons ici de la réserve qui consiste, pour un chroniqueur scientifique présentant un ouvrage intervenant dans un domaine sensible, à rapporter les propos de l'auteur, en évitant de prendre parti lui-même. Cette réserve paraît particulièrement nécessaire lorsque l'on ne dispose pas de compétences professionnelles particulières permettant de s'ériger en juge.

Nous ferons cependant une exception à propos du livre de Jean-Pascal Capp, qui vient de sortir en librairie : Nouveau regard sur le cancer. Pour une révolution des traitements. Nous seulement nous pensons que nous devons inciter le plus de lecteurs possible à lire ce livre, mais nous voudrions ne pas nous limiter à cela. Le nouveau regard proposé par l'auteur nous paraît effectivement si révolutionnaire, en termes non seulement d'analyse mais de thérapie, qu'il nous semble nécessaire d'inviter les chercheurs et médecins intéressés par cette thèse à se regrouper. Dans un premier temps ils pourraient ainsi mutualiser leurs réflexions, mais peut-être par la suite faire décider et financer une action de recherche exploitant les percées conceptuelles exposées dans l'ouvrage. Cela ne semble pas être encore le cas, du moins en France. Notre voix aura du mal à se faire entendre, dans un domaine dominé par des intérêts puissants peu favorables aux remises en causes, mais l'effort mérite d'être tenté.

Une révolution conceptuelle

Jean-Pascal Capp a pris un certain risque en évoquant la perspective d'une révolution dans les traitements du cancer. Nous prenons, à un moindre niveau, le même risque en contribuant à la diffusion de son propos. Le cancer est un sujet difficile, propice aux annonces ostentatoires se révélant ensuite sans fondements. Il ne faut donc pas faire naître, même d'une infime façon, de vains espoirs.

Un très grand nombre d'humains, que certains épidémiologistes évaluent à 1 sur 3, se heurteront personnellement au cancer, à un moment quelconque de leur vie et partout dans le monde. Peu seront traités avec un minimum d'efficacité. Parmi ceux-ci, les rémissions, nul n'en disconvient, sont rares, Plus encore le sont les guérisons réputées comme définitives. Le coût individuel et social des traitements ne cesse par ailleurs d'augmenter. Des projets politiques de grande ampleur ont été lancés à partir des années 1970 (National Cancer Act aux Etats-Unis, Plan Cancer en France) pour exploiter les perspectives que l'on croyait offertes par la biologie moléculaire, la génétique et l'étude des facteurs de risques environnementaux. Ce n'est pas faire de mauvais procès que constater leurs échecs relatifs. Si des avancées considérables ont été apportées dans divers domaines de connaissance fondamentale, les résultats thérapeutiques demeurent très insuffisants et incertains.

Les deux tiers du livre de Jean-Pascal Capp sont consacrés à présenter les différentes voies de recherche explorées depuis trente ans et plus particulièrement dans les dix dernières années, destinées à comprendre les causes du cancer, sous ses multiples formes. Cette première partie de l'ouvrage est très technique, malgré l'incontestable pédagogie déployée par l'auteur. Elle découragera certains lecteurs. Mais elle est indispensable à bien comprendre si l'on veut éviter de continuer à penser que des résultats-miracle de grande ampleur pourraient encore être espérés en provenance des démarches actuelles. D'autres sont en chantier, reposant systématiquement sur l'analyse génétique comparée (recherche de nouveaux bio-marqueurs). Mais des résultats nouveaux ne semblent pas avoir encore été publiés. Il est donc difficile de juger de leur efficacité éventuelle. La cellule cancéreuse apparaît, au terme de cette lecture, comme un démon malin qui trouve toujours une façon nouvelle de détourner à son profit les armes déployées contre lui.

Une nouvelle approche s'impose donc. Vu l'ampleur des difficultés à résoudre, elle s'inspirera nécessairement d'une véritable révolution conceptuelle.

D'où peut venir cette révolution ?
Selon Jean-Pascal Capp, elle découlera d'une exploitation de l'hypothèse fondatrice présentée depuis déjà une quinzaine d'années par Jean-Jacques Kupiec, sous le nom d'ontophylogenèse (ie "de la lignée à l'individu"). Dès le début, nous avions ici reconnu le caractère fondateur de cette hypothèse et donné la parole à son fondateur, le biologiste Jean-Jacques Kupiec. Longtemps considérée avec réticence, sinon avec hostilité, par les généticiens, l'ontophylogenèse fait dorénavant, sous des formes diverses, un nombre croissant d'émules.

Pour preuve le n° d'Avril 2012 de la revue La Recherche qui, contrairement à sa concurrente britannique NewScientist, n'a pas l'habitude de prendre de risques en évoquant les sujets de recherche encore marginaux. Or La Recherche consacre trois articles à l'ontophylogenèse, sans prononcer ce mot, dans son dernier numéro d'avril 2012, sous un titre plus général : Epigénétique, L'hérédité au-delà des gènes. Comment l'environnement modifie les chromosomes. Le principal article a été confié à Andras Paldi, professeur à l'école pratique des Hautes Etudes spécialiste d'épigénétique au généton d'Evry. L'auteur ne fait pas allusion aux travaux de Jean-Jacques Kupiec ni à ses applications à la compréhension du cancer, mais la référence est intéressante.

En quoi l'ontophylogenèse permet-elle une approche révolutionnaire du cancer ?

Revenons ici à la compréhension du cancer.
En quoi l'ontophylogenèse permet-t-elle une approche révolutionnaire de ce fléau ? La deuxième partie du livre de Jean-Pascal Capp, beaucoup plus facile à lire que la première, s'efforce de le démontrer. C'est cette partie qu'il convient d'étudier attentivement et, comme nous l'indiquions plus haut, de tenter d'exploiter.

Comment en quelques lignes résumer un sujet qui reste ardu pour les non-biologistes ? Une des bases de l'ontophylogenèse repose sur le principe de l'expression aléatoire (stochastique) des gènes. Les gènes sont les parties actives de l'ADN constituant le génome des organismes. Ils s'expriment par l'intermédiaire de protéines, les histones, avec lesquelles ils sont plus ou moins étroitement associés au sein d'un ensemble dit chromatine. La génétique classique considérait que les gènes s'exprimaient de façon linéaire lors de la reproduction et au cours de la vie de la cellule, selon le processus : "un gène, une protéine, un caractère". L'ontophylogenèse postule au contraire que, lorsque la cellule se reproduit, ses gènes peuvent s'exprimer de manière désordonnée, en conséquence du fait que chacun d'entre eux, ou plusieurs d'entre eux simultanément, peut faire appel pour s'exprimer à un grand nombre des protéines qui lui sont associées au sein de la chromatine. Il "choisit" entre les diverses protéines au terme de règles complexes, mal connues, d'une façon qui de ce fait paraît aujourd'hui encore relever de l'aléatoire. Autrement dit, le gène ne s'exprime pas de façon déterministe.

Ainsi, lorsqu'elle se reproduit, une cellule de foie, par exemple, ne donne pas obligatoirement naissance à une autre cellule de foie, mais à une cellule indifférenciée. C'est l'environnement de la cellule qui oriente son choix en l'obligeant à se reproduire de façon conforme à celle des autres cellules composant le tissu propre à cet environnement. De la même façon les cellules embryonnaires ne sont pas spécifiques. Ce sera leur emplacement dans le tissu embryonnaire qui en fera des cellules adaptées à la configuration des organes en développement. L'environnement qui joue un rôle ainsi déterminant dans la stabilisation de l'évolution initialement aléatoire de la cellule peut être constitué des autres cellules de l'organisme (micro-environnement), comme résulter des propriétés plus générales de celui-ci ou même du milieu général dans lequel évolue cet organisme.

On nomme généralement épigénétique un facteur extérieur aux gènes qui impose un choix déterminé à la reproduction génétique. Ce facteur, d'origine environnemental, peut se traduire par des caractères reproductibles s'associant aux gènes, responsables de l'évolution ultérieure des cellules et de l'organisme. Se transmettant comme l'ADN du génome, les ajouts épigénétiques sont responsables de caractères transmissibles, heureux ou néfastes pour la vie des cellules, qui se transmettent avec celles-ci.

La méthylation est une modification chimique de l'ADN résultant d'une interaction de la cellule ou de l'organisme avec l'environnement. Elle est donc un produit de l'évolution épigénétique. Un taux élevé de méthylation réprime l'expression des gènes, un taux bas la favorise. La méthylation peut se transmettre de celule à cellule ou d'individu à individu sans que le génome lui-même soit modifié. Ceci ne remet pas en cause la théorie darwinienne de l'évolution (mutation-sélection-ampliation) mais la complète. On a pu parler d'une résurgence partielle du lamarckisme ou transmission à l'espèce des caractères acquis par l'individu (le phénotype). Mais cette transmission peut ne pas être durable, au-delà d'un certain nombre de générations.

Rappelons à ce propos que pour Jean-Jacques Kupiec et les autres théoriciens de l'ontophylogenèse, le mécanisme de la sélection darwinienne s'exerce à tous les niveaux de l'évolution, depuis les molécules, les gènes, les cellules jusqu'aux organismes et même à leurs productions sociales (ou culturelles). Ce mécanisme suppose, selon les termes de Monod, le hasard dans l'apparition des mutations et la nécessité imposée par les contraintes micro et macro-environnementales. Le cancer peut être considéré comme la face la plus sombre d'un tel mécanisme universel.

Un processus général

Selon l'ontophylogenèse appliquée à la compréhension de la cancérisation, on peut faire l'hypothèse que dans certains cas (la plupart des cas ?) l'apparition du cancer comme aussi celle de ses récidives pourraient provenir de perturbations dans l’environnement tissulaire ou organique qui empêchent les cellules de se stabiliser. Ceci maintient leurs capacités à s’exprimer de façon aléatoire, autrement dit les transforme en cellules cancéreuse, ou, plus dangereusement encore sous l'angle des métastases, en cellules souches cancéreuses (non différentiées). L'apparition des gènes dits du cancer, identifiés dans les cellules cancéreuses (oncogènes) ou la neutralisation des gènes qui devraient être répresseurs de la reproduction cancéreuse anarchique mais qui ne s'expriment plus, peuvent être les effets de cette épigénétique dévoyée.

Or Jean-Pascal Capp explique qu'une amorce de guérison, autrement dit la ré-expression des gènes de la différenciation, permettant à ces cellules de s’intégrer à leur micro-environnement cellulaire, pourrait être encouragée par des molécules identifiées comme pouvant jouer un rôle dans la stabilisation du caractère instable de la cellule. Il mentionne par ailleurs (p.224), ce qui rejoint des hypothèses insistant sur l'importance d'un milieu et d'une alimentation adéquate dans la prévention, l'existence de “molécules présentes dans certains aliments, favorisant l’expression de protéines impliquées dans la différenciation cellulaire”. Il cite des caroténoïdes et des rétinoïdes et propose une voie de recherche visant à sélectionner de futures molécules thérapeutiques sur ces bases. Il s'agirait d'une "thérapie par la différenciation, comme réponse à l'instabilité des cellules cancéreuses".

On devine que, vu la diversité extrême des sujets pouvant être atteints de cancer, comme celle de ces cancers eux-mêmes, il faudrait des recherches importantes, non pour découvrir une molécule anti-cancéreuse-miracle, mais pour proposer certaines des conditions permettant de favoriser la prévention et la guérison. Mais il ne s'agirait plus de recherches au hasard ou se dispersant dans de multiples directions, dans la mesure où un principe fondateur aurait été identifié. De plus ces recherches seraient à la portée d'une pharmacologie relativement simple, associée à des prescriptions en matière d'hygiène de mode de vie qui n'ont rien de révolutionnaire – génératrices au contraire de nombreuses économies dans le domaine de la consommation.

Initialiser une démarche collective

Que faire à partir de ces prémisses ? Nous pensons pour notre part que tous ceux, scientifiques, médecins, décideurs économiques et politiques s'étant convaincus de la pertinence des travaux et analyses résumés par le livre, ont un devoir. Il s'agirait de se regrouper et agir pour engager ou faire engager la stratégie de recherche et de thérapie esquissée par l'auteur, ou toute autre qui en serait proche par l'esprit..

Dans un premier temps, une association de la loi de 1901 pourrait être créée. Si cela était le cas, nous nous ferions un devoir de donner à ses travaux toute la diffusion compatible avec nos moyens. De toutes façons, dans la suite de cet article, nous informerons nos lecteurs des suites éventuellement données à cette suggestion.


A lire également :
Interview de Jean-pascal Capp
(2012)
Interview de Jean-Jacques Kupiec (2009)
Une apporche darwinienne de l'ontogenèse (article de Jean-Jacques Kupiec, septembre 2009)



1 réactions


  • ottomatic 2 avril 2012 12:22
    Je vais faire plus rapide :
    - les causes du cancer : pollution, nourriture de piètre qualité, onde électromagnétique...
    - solution : onde électromagnétique (cherchez Priore), de la nourriture de première qualité (avec des vitamines).

    Pour le reste ne comptez pas sur les labos pour vous soigner, je connais un chercheur qui bosse pour le grand laboratoire XXXXXX dans une unité « anti-cancer » , citation : « on ne veut surtout pas trouvr une molécule anti-cancer car ça serait tuer la poule au oeufs d’or, le but est de trouvé une molécule qui garde le patient vivant aussi longtemps qu’il la consomme et que les actionnaires s’engraissent ».

    Pour ce qui est de l’épigénétique, c’est le genre de découverte qui devrait vous faire prendre du recul sur la génétique : les scientifiques qui vous disent qu’on maitrise la génétique sont tout simplement des menteurs... alors que dire de ceux qui vous vendent des OGM « sure » avec une science qui n’en est qu’a son début...

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