jeudi 19 novembre 2009 - par LilianeBaie

Aveuglement volontaire ou les ressorts psychiques de l’aliénation

Il n’y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir, dit-on.
Je veux interroger ici le mécanisme psychique qui conduit parfois à ne pas tenir compte des témoignages de nos sens ou à ne pas utiliser les ressources de notre intelligence pour démêler le vrai du faux. Ce ressort interne participe au développement de l’emprise et à l’acceptation de la mise en place des régimes totalitaires par des citoyens qui vont pourtant en souffrir.

En-dehors de la simple nonchalance ou de la limite intellectuelle, il arrive en effet souvent que des signaux forts soient ignorés, longtemps, ou que des vérités soient niées, malgré l’évidence de leurs preuves. Il me semble important de comprendre comment un esprit éclairé peut s’abuser lui-même, car c’est de cette faiblesse que s’emparent tyrans, abuseurs et manipulateurs de tous ordres, et c’est aussi ce qui explique le silence qui accompagne le plus souvent la prise de pouvoir par les tyrans.
Je vais aborder cette question par différents exemples, décrivant des situations diverses où ce mécanisme est à l’oeuvre.

L’intégration dans le groupe

Imaginons un groupe. Notre société beaucoup moins structurée qu’autrefois, se réinvente des cadres structurants en multipliant les groupes. Mais un certain nombre d’entre ces groupes, sans histoire et à l’avenir incertain, fonctionnent comme des groupes pathologiques, c’est-à-dire dirigés par un ou plusieurs meneurs sans scrupules, et tirant leur cohérence de l’adhésion stricte à des valeurs communes, et de l’exclusion de ceux qui n’obéissent pas à la loi du groupe. Les groupes d’adolescents au collège en donnent un exemple triste, tant sont
nombreux ceux qui souffrent, soit de la peur de déplaire aux copains, soit d’être exclus et maltraités collectivement.
Que se passe-t-il pour quelqu’un qui est placé devant l’alternative d’entrer ou
pas dans ce type de groupe  ?
Plusieurs cas peuvent se produire :

Premier cas  : l’apprenti candidat partage entièrement les valeurs du groupe en
question. C’est rare, mais cela peut exister. Tout va bien. Ce n’est que quand une
dissonance surviendra que l’on passera dans le cas deux.

Deuxième possibilité  : le postulant partage un certain nombre de valeurs du groupe, mais pas toutes. C’est, de loin, le cas le plus fréquent. Que va-t-il faire ?

En fait, il devine vite que d’exprimer une opinion contraire à celle du chef le mettrait en danger d’être rejeté.
Il peut choisir alors de taire ses désaccord et de limiter ses prises de parole aux situations où il est en accord avec l’opinion officielle. L’hypocrisie devient sa stratégie, et ses capacités d’adaptation lui permettent de biaiser en permanence pour ne pas risquer être découvert. Mais sa situation est inconfortable. Il sait que son salut n’est dû qu’à l’ignorance qu’ont ses camarades de ses véritables pensées. Il ne se sent pas donc en terrain ami, ni en position stable.
C’est cette instabilité qui pousse, malheureusement, la plus grande partie des personnes placées dans cette situation à trouver une autre stratégie :
l’aveuglement volontaire.
En effet, devant la peur d’être rejeté, un grand nombre de personnes, par souci d’adaptation et d’intégration, va trouver plus confortable de modifier sa façon de voir les choses. Le sujet se met à penser de façon entièrement conforme au groupe. Comme l’enfant abusé dont parle Sandor Ferenczi en 1932 dans « Confusion des langues entre les adultes et l’enfant » la personne soumise à cette situation ( l’intégration dans un groupe potentiellement rejetant) va se mettre à voir les choses à la façon du chef. C’est le mécanisme de l’identification à
l’agresseur
, qui est décrit dans la littérature psychanalytique depuis longtemps, mais reprise dans d’autres corpus théoriques. On retrouve ce mécanisme dans le Syndrome de Stockholm, et c’est aussi ce qui est étudié en psychologie cognitive par rapport à la « dissonance cognitive » (mécanisme qui fait que l’on a tendance à ne pas tenir compte d’une information qui entre trop en dissonance avec son corpus de pensées antérieures. Placé dans cette situation-là, on a tendance à adhérer davantage aux discours de ceux qui donnent ces informations contradictoires : c’est bien expliqué ici ). La personne qui opte pour cette façon de se positionner se retrouve dans un état stable, guidant ses pensées et son action sur celles du leader du groupe. pour reprendre l’exemple de notre collégien, celui-ci va alors intégrer les signes extérieurs et les comportements des membres de son groupes, même si ceux-ci sont en complète contradiction avec sa façon habituelle de voir les choses.

Troisième possibilité : celui qui a la possibilité d’entrer dans le groupe ne veut pas renoncer à son droit à dire ses désaccords. Après une phase d’observation, et des tentatives pour le faire rentrer dans l’idéologie du groupe, par l’intimidation ou la séduction, il est rapidement exclu.

Quatrième possibilité : la position de celui qui, repérant le caractère aliénant du groupe, préfère rester à l’extérieur, ce qui le conduit souvent à l’isolement... jusqu’à l’éclatement du groupe pathologique.

Quels sont les mécanismes psychiques à l’oeuvre dans l’aveuglement volontaire ?

L’identification à l’agresseur fait que l’on ne voit plus les choses de son point de vue, mais de celui qui agresse ou qui peut agresser. L’enfant abusé décrit par Ferenczi maintient le lien affectif avec le parent abuseur : il prend le parti de celui qui le met en danger. Mais il perd ainsi la confiance dans le témoignage de ses sens, et ne sait plus repérer ce qui est néfaste ( ce qui pourra l’amener par la suite, soit à se retrouver de façon répétitive dans des situations de victimes, soit à agir lui-même en bourreau, en omettant de tenir compte de la douleur de ses victimes ).

C’est ce qui se passe quand l’adhésion au groupe amène chacun de ses membres à « oublier » qu’il n’est pas tout à fait d’accord. L’esprit critique disparaît, et celui qui se met à intégrer complètement les valeurs du groupe ne sait même plus que ce qui a été déterminant à son changement de point de vue, c’était la peur d’être exclu. Il ne se souvient plus qu’il pensait différemment avant, ou alors il a l’impression d’avoir vécu une révélation, qu’il revendique. Affectivement, il se sent en sécurité parce que porté par le groupe. Psychologiquement, il s’est opéré un clivage psychique :
une partie de sa personnalité ne lui est plus accessible. De l’extérieur, on dira de lui « Je ne le reconnais pas, on dirait qu’il est sous une mauvaise influence ». Quand on est soi-même à l’extérieur du groupe et que l’on essaie de discuter avec lui, on se rend compte qu’il y a des questions pour lesquelles on ne peut pas obtenir qu’il fasse jouer son esprit critique : on touche là aux valeurs fondatrices du groupe, celles justement qui ne lui appartiennent pas en propre mais qui sont le signe de son « identification à l’agresseur » et qui sont le lien du groupe. Dans un apparent paradoxe, ce sont justement souvent les questions les plus contestables qui vont soulever de sa part les défenses les plus vives. Le nouveau zélote, en effet, défend les idées du groupe avec la force de sa peur d’être exclu. Le risque de constater qu’il s’est leurré lui-même, comporte deux aspects : humiliation de se découvrir aliéné, et danger de perdre la protection du groupe. Ces risques renforcent l’aveuglement volontaire.

D’autres exemples

Ce mécanisme d’identification à l’agresseur se retrouve dans le couple violent, la femme acceptant peu à peu sans s’en rendre compte, une emprise de son partenaire. Du fait d’un rejet répété, alternant avec des retours de flammes rassurants, elle va vivre dans la crainte de la réapparition des moments de rejets, et se mettre à voir les choses à la façon de son conjoint. Le clivage, ici, va être avec elle-même  : elle ne va plus prendre son propre parti, mais celui de son compagnon, jusqu’à accepter de rester dans une situation où sa vie même est en danger. Là aussi, les proches au courant (rares) ne comprennent pas comment elle peut dire aimer quelqu’un qui lui fait tant de mal.

Je pourrais multiplier les exemples : les sectes, pour lesquelles le nouvel adepte abdique toute liberté psychique, la barbarie de masse ( régime nazi et holocauste, génocide rwandais...). A chaque fois il y a les mêmes ingrédients  :
Un dedans et un dehors « On est avec moi ou contre moi ».
Une menace potentielle, menace mise à exécution de façon visible contre ceux qui ne sont pas entièrement d’accord. Donc un danger pour chacun d’être rejeté par le chef ou par le groupe, ou un danger pour sa vie ou son intégrité physique. Mais ce danger est sous-entendu plutôt qu’explicite, et il est bientôt nié par le “nouvel entrant”.
Une anhistoricité : les liens avec l’extérieur, ou avec le passé sont volontairement cassés par le système pathologique et parfois réinventés dans un système mythique ou délirant.
Le système marche sur le mode d’un fonctionnement clivé, qui est partagé par les membres et qui fait le lien entre eux. Cette façon de s’aveugler volontairement se transforme en agressivité tournée contre l’extérieur du groupe. Les exactions commises par les membres (tortures, méfaits divers...) attachent encore plus les membres entre eux, parce que le lien groupal vient libérer du sentiment de culpabilité désagréable, et parvient au contraire à légitimer le plaisir sadique. Ces actes augmentent encore la limite dedans-dehors. Le fait d’initier un nouveau membre en le faisant participer à un acte sadique, est une tactique souvent utilisée dans les groupes fonctionnant selon un type maffieux. L’aveuglement vient ici nier le caractère immoral de l’acte.

Comment cesse l’aveuglement volontaire ?

La fin de la cécité psychique survient à plusieurs occasions :
Soit quand un point vital du sujet est atteint : le mari violent blesse un des enfants du couple, et cela permet à la mère de réaliser la violence qu’elle subissait sans réagir. Ou les tortures pratiquées dépasse ce qui est supportable, même pour quelqu’un de conditionné, et le tortionnaire se met à dénoncer ce à quoi il participait lui-même. Ou encore, la secte exige une rupture amoureuse inenvisageable pour le sujet...
Parfois, les informations sont trop répétitives ou trop évidentes pour que le clivage puisse encore fonctionner : témoignage entendu sur les ondes, à l’occasion de l’anniversaire de la Chute du Mur, d’un allemand de RDA... qui a vite compris que le capitalisme n’était pas en train de s’effondrer quand il en a goûté les plaisirs. Cependant certains, contre toute évidence, ont continué à croire aux mensonges enseignés, même longtemps après la confrontation avec l’évidence.
Mais parfois, et la Chute du Mur en est un exemple, c’est l’éclatement du système pathologique lui-même qui sort les personnes aliénées de leur aveuglement.

En guise de conclusion

Je dirais que ce qu’il me semble important de comprendre, c’est qu’un certain degré d’inconfort psychique est nécessaire à notre liberté. Il faut pouvoir être capable de penser des choses apparemment inconciliables, en interrogeant cette dissonance, mais sans la réduire par la négation de la réalité. Il faut savoir qu’un certain degré d’hypocrisie est parfois nécessaire, et quelle est toujours préférable à l’effacement volontaire d’une partie de sa pensée, même si l’on est en danger.
La lucidité donne de la force, quand on sait ce que l’on va en faire.
Nous avons le droit d’être ambivalent, nous avons le droit d’avoir peur, nous ne sommes pas obligés d’être courageux : mais sans la liberté psychique il n’y a pas de liberté.



27 réactions


  • Monica Monica 19 novembre 2009 11:37

    Bonjour Liliane,


    Ce que vous décrivez ici peut être transposé dans les clans qui se forment à l’intérieur de certaines agoras d’Internet, où on revendique des « affinités sélectives », à partir desquelles on se permet d’ignorer, de mépriser ou d’exclure des personnes. 

    Ces clans fonctionnent en vases clos, ce sont des clans de l’entre-soi, échangeant en public des private jokes et des informations privées au nez et à la barbe des autres. Procédant à des exclusions subtiles, ils sont évidemment contre toute règle explicite de modération, car ils veulent avoir la liberté d’aller sur les fils des personnes « de leur non entre-soi » pour déglinguer les sujets ou les personnes qui les dérangent.

    Les thèmes qui dérangent sont ceux qui s’opposent, bien évidemment, à leurs propres normes de pensée. Et les personnes qui les dérangent sont celles qu’elles ne peuvent classer dans leurs catégories, et qui ont du « succès ».

    Ces clans ont ceci de pathologique qu’ils construisent des théories sur l’origine des conflits qu’ils ont sciemment créés en petit groupe, théories  parfois quasiment délirantes (prenant des personnes pour d’autres), qu’ils colportent par messagerie privée. L’hypocrisie dont vous parlez n’est absolument pas efficace, et tout le monde n’a pas le souhait de la mettre en oeuvre...

    La seule issue raisonnable peut être de partir. Car le résultat du processus est non seulement un harcèlement de la personne, mais également une forme d’interdit de penser. Il faut alors cesser de cautionner ces fonctionnements, comme le font les personnes subissant la violence subtile des « pervers narcissiques », qui s’en vont, sortent du cercle.

    Cette sortie permet de chercher ailleurs qui aimer, et où penser.



    • LilianeBourdin 19 novembre 2009 23:28

      Bonjour Monica
      Oui, des phénomènes de groupes se voient tous les jours sur les forums, avec l’effet multiplicateur lié à la virtualité, et donc à une plus grande place du fantasme et de la déresponsabilité. Si l’on est un peu extérieur au jeu on voit les meneurs entrainer les naïfs dans des spirales destructives (calomnies, moqueries, humiliations, etc.). Comme dans la vraie vie, ce sont souvent les personnes les plus authentiques et les plus créatrices ou innovantes qui sont attaquées.
      Mais, pour répondre à votre commentaire plus précisément, je ne voulais pas faire ici l’analyse de ces mécanismes de bouc-émissaire, je voulais interroger la position de ceux qui pourraient réaliser ce qui est en train de se produire, mais qui ne le font pas, et n’interviennent donc pas, abandonnant leur système de valeurs pour adhérer à cet idéal groupal qui est souvent sans foi ni loi. C’est cela qui me semble fondamental. Car sans une cour fidèle, un tyran n’est rien, sans le groupe reprenant et anticipant les attaques contre l’élève victime de bullying, celui-ci disparaitrait, etc.
      L’hypocrisie me semble une mesure d’hygiène salutaire pour ne pas réagir en direct à l’information reçue, mais réfléchir à sa réponse. Jouer stratégique, ce qui donne la possibilité de penser.
      Les politiques évoquent en permanence « la transparence », les managers reçoivent les salariés en tête à tête pour recevoir leurs confidences (dont ils pourront se servir éventuellement), les réseaux sociaux conduisent à se dénuder (au figuré et parfois au propre). Mais cette transparence, est-elle pratiquée par ceux qui la prônent ? La franchise se mérite : ceux qui, la main sur le coeur, disent « tu ne me fais pas confiance ! » avec une nuance de reproche, demandent implicitement qu’on les croit sur parole : cela me semble être le premier pas de l’aliénation.
      Il me semble que, sur les forums, on retrouve les mêmes attitudes de suivisme, avec la même peur inconsciente d’être celui qui est choisi comme victime, et donc le même plaisir à être du bon côté du manche. Des équivalents virtuels d’épisodes de folie collective ( moins graves, quand même... Encore que : j’ai reçu le témoignage d’un jeune qui s’était fait des ennemis sur un site et qui craignait des représailles dans la vraie vie...) se retrouvent, avec l’impossibilité temporaire pour les membres actifs, de repérer leur aliénation à la loi du groupe. Comment chacun pourrait-il choisir la voix étroite et inconfortable de la lucidité ? J’aimerais le savoir... Mais il y a toujours un moment où l’aliénation cède.


    • Salsabil 19 novembre 2009 23:59

      Dites donc, Monica !

      Vous êtes scandaleusement géniale, vous aussi.

      Tout autant limpide et tellement juste.

      Ben, juste pour vous dire que je vous aime bien, voilà.

      Amicalement.


    • Stupeur Stupeur 20 novembre 2009 17:37


      Bonjour Monica
      Tu as été toi-même victime d’un de ces clans pour en faire une description aussi juste ?
      Je suis aussi navrée que toi devant le comportement de ces individus. Pour ce que que j’ai pu en voir il semblerait que des groupuscules sur ce site correspondent exactement aux caractéristiques compilées dans ton commentaire. Toutes leurs interventions ayant pour but de brimer ou de faire taire des personnes qui ne sont pas à leur goût. C’est franchement nul et souvent du domaine du pathologique comme tu l’expliques. Des personnes à éviter si l’on veut discuter sereinement ici.
      Pour terminer je précise que je pense la même chose que Salsabil dans son commentaire au-dessus.
       


    • Stupeur Stupeur 20 novembre 2009 19:01


      Bonjour Liliane

      Je recopie une partie de ton commentaire pour y réagir :
      « je voulais interroger la position de ceux qui pourraient réaliser ce qui est en train de se produire, mais qui ne le font pas, et n’interviennent donc pas, abandonnant leur système de valeurs pour adhérer à cet idéal groupal qui est souvent sans foi ni loi. »

      Quand tu dis qu’ils n’interviennent pas, tu penses à quel genre d’intervention ?

      Si l’on est isolé-e face au groupe, on peut réaliser ce qui est en train de se produire sans oser intervenir. Et si l’on cherche à former un groupe pour franchir le pas on risque de tomber dans « cet idéal groupal qui est souvent sans foi ni loi ».


  • Voris 19 novembre 2009 11:56

    Pour bien connaître l’aveuglement volontaire, vivez-le de l’intérieur : adhérez à l’UMP !


  • clostra 19 novembre 2009 13:43

    Tout au long de la vie, il y a des prises de conscience qui permettent de se dégager de nos enveloppes (protectrices ?) par la pensée puis par l’action. Et puis des périodes de régressions. C’est le chemin vers la liberté.

    Un exemple qui devrait être cité. Il semble que la « délinquance » en bande du moins celle qui se voit (je ne parle pas de celle des accros au jeu que sont les traders) s’estompe, un peu comme par enchantement, vers 35 ans. Après avoir joué des années au gendarme et au voleur, le jeu perd de son intérêt. Une étape est franchie.

    Cette étape qu’il sera beaucoup plus difficile à franchir si elle - sous des formes atténuées*, j’en conviens - n’a pas eu lieu.

    *plutôt tolérante, sauf pour des petits détails, j’ai vraiment détesté retrouver ma cuisine repeinte au ketchup !


    • LilianeBourdin 19 novembre 2009 14:40

      @clostra

      Pour préciser ma pensée, et en réponse à votre commentaire, je dirais que, si je pense qu’expérimenter l’opposition est indispensable dans l’évolution d’un enfant, notamment vers deux ans et à l’adolescence (et là, je suis d’accord avec vous ) je ne suis cependant pas certaine que la récupération de cette capacité par les groupes pathologiques ( « tous ensemble contre... » ) soit un facteur de maturation. Le groupe est structurant à l’adolescence, mais quand il fonctionne sur ce système de soumission inconditionnelle au leader, et sur l’exclusion brutale sans empathie pour l’exclu, il freine au contraire l’évolution, par le clivage psychique qu’il implique.
      Le fait que la violence que l’on peut constater chez certains jeunes diminue le plus souvent vers trente ans ne veut pas dire, pour moi, que ce sont les passages à l’acte violents qui ont favorisé cette maturation. Et la violence peut prendre, plus tard, d’autres aspects, comme le harcèlement, ou la violence conjugale.
      Mais cet article ne visait pas la question de la violence, mais celle de l’adhésion aveugle à une violence ou un abus de pouvoir de groupe.


    • clostra 20 novembre 2009 11:11

      @l’auteur

      L’élément que je voulais apporter au débat est celui selon lequel l’étape du groupe est une étape très spécifique (des 15-18 ans), celle du « remplacement » d’une enveloppe (familiale, maternelle) où l’adolescent « nu » (voir le « Complexe du homard » de Françoise Dolto) doit absolument retrouver une enveloppe, cette fois qu’il a choisi lui-même. C’est l’âge des bandes.

      Ce qui donne par la suite d’ailleurs un réseau d’amis qui poursuivront leurs rencontres plus par affinité et selon leur évolution, par la suite.

      Cette étape franchie, d’autres sont à venir (vers « l’individuation » comme dirait Jung).

      Si cette étape n’est pas franchie, le groupe expérimenté avec ses joies et ses vicissitudes (celles dont vous parlez), si l’adolescent a vécu ces années-là (16-18 ans) dans la solitude, il ne peut pas franchir l’étape suivante.


    • clostra 20 novembre 2009 11:19

      Quant à « l’aveuglement volontaire » avouez que c’est contradictoire. A la place de « l’aveuglement », je dirais « l’acceptation de l’aliénation » s’il est « volontaire ».

      Nous connaissons tous ces aliénations que nous acceptons « faute de mieux » ou parce que « moins pire » ou parce que la vérité fait trop mal...Mais si c’est volontaire, c’est que nous en sommes conscients.


  • robin 19 novembre 2009 13:48

    L’aveuglement volontaire est aussi parfois une réaction immunopsychologique pour protéger son intégrité mentale et morale devant l’inconnu et devant la nécessité pourtant vitalement impérative du doute , exemples :

    - accepter l’existence des extra-terrestres pourvu qu’ils restent chez eux,
    - refuser de voir dans les attentats du 11 septembre autre chose que ce qu’on en dit officiellement,
    - croire aux fantômes tant qu’ils restent dans les films,
    - refuser d’imaginer que les nuages de Tchernobyl ont osé passer les frontières
    - refuser d’imaginer que la vaccination contre la grippe A est autre chose qu’un acte de pure salubrité publique de la part des gouvernements aux gouvernés

    etc. etc.


  • Nicole 19 novembre 2009 15:09

    Est-ce que ce que vous décrivez n’est pas aussi la résultante d’un vide, et d’une relation à soi mal établie ? Il me semble qu’un des éléments les plus fondamentaux pour bien avancer dans la vie est la loyauté, la première loyauté étant celle que l’on a pour soi-même.
    Comment être loyal à quelque chose d’imprécis, et comment développer le sentiment de soi dans nos sociétés qui jouent sur la sur stimulation constante ?

    A l’occasion de la tragédie de Fort Hood, dedefensa a publié un article que je trouve très intéressant :

    http://www.dedefensa.org/article-l_ennemi_en-dedans_nous_07_11_2009.html

    cette partie : « La bataille de nous-mêmes contre nous-mêmes »

    Il me semble qu’il développe des éléments intéressants par rapport à votre thème.


  • Annie 19 novembre 2009 16:13

    @Bonjour,
    Votre article m’amène à évoquer la biographie d’Albert Speer de Gita Sereny, qui est fascinée par la capacité de Speer à faire le tri dans ses souvenirs et à oublier des événements marquants, comme la réunion où a été décidée la solution finale à laquelle selon l’évidence il aurait été présent, mais dont il ne conservait aucun souvenir et qu’elle attribue à un réflexe de survie, pour quelqu’un qui au départ semblait plutôt un homme honorable, se trouvant dans l’incapacité de vivre avec les conséquences de ces actions ou de ses décisions.


    • Avalon_Girl 19 novembre 2009 19:11

      Très belle réflexion complémentaire à cet article également constructif, merci Annie !


    • clostra 20 novembre 2009 13:38

      Ce qui est désagréable ne favorise pas la mémorisation. C’est d’ailleurs sur cette réalité que Freud a fondé la psychanalyse : faire resurgir les événements traumatisant enfouis profondément.

      Pour ouvrir sur un autre débat : les châtiments corporels notamment sur les enfants mais par extension sur des délinquants ou présumés délinquant ont, au final, un effet désastreux. Pour les responsables (parents, autres...) c’est un exutoire. Pour les « victimes » de ces châtiments : c’est contre-productif : l’enfant ne retient rien ! tout juste l’évitement comme on retire sa main du feu parce que ça brûle et fait mal.


  • ddacoudre ddacoudre 19 novembre 2009 22:46

    bonjour liliane

    "Nous avons le droit d’être ambivalent, nous avons le droit d’avoir peur, nous ne sommes pas obligés d’être courageux : mais sans la liberté psychique il n’y a pas de liberté.« 

    j’ai choisi ce passage parce qu’il indique que la vie n’est pas une ligne droite et qu’il ne faut pas avoir peur des bifurcations plutôt que de circuler sur des autoroutes rassurantes mais aliénantes.
    que la peur est un élément important pour sa survivance qui conduit plus à accepter le tyran qu’a le combattre, être courageux relève alors du défit du dominant. chacun de ces éléments est nécessaire à la stabilité d’une société qui peut être agressive, pour rester dans tes exemples pour ses membres au même titre qu’un homme pour une femme et vice versa etc.

    par contre la liberté psychique je ne connais pas, j’ai compris ce que tu veux dire, mais quand nous naissons avec notre bagage génétique qui va développer notre tempérament celui ci va forger son caractère au contact des structures sociétales qui vont lui borner son psychisme pour qu’il soit conforme à la société dans laquelle il va être ammené à vivre. c’est le poids du groupe. qu’elles sont les conditions qui font que de la satbilité obtenu par la peur, dont tu donnes différente representation, nous puissions évoluer. je pense que cela passe par ce commbat des chefs certainememnt, mais par quelque chose de plus fort qui est l’assimilation d’un savoir qui se compile par l’apprentissage et éssème avec difficulté pour se séparer du syndrome de stocolm dans lequel nous maintient notre société pour fournir une stabilité au développement du psychisme.

    c’est pour cela que je dis souvent que nous devons borner notre psychisme pour le structurer le nourrir de vérité pour le rassurer et enfin lui apprendre que tout ce de quoi nous l’avons nouri n’est qu’une illusion dont il faut qu’il prenne la mesure pour s’ouvrir au monde et à l’autre qui lui a fabriqué le carctère qui est le sien. il faut acquérir une capacité trangressive du jugement, et ce n’est possible que quand des événement se mettent en place à notre insus et ce formalisent par certains d’entre nous, auxquels nous attribuerons le mérite par ignorance du à notre méconnaissance du monde objectif.

    sinon comment comprendre que certains grec pensaient que leur condition de naissance faisaient d’eux des »esclave" génétique incontestable.

    cordialement.


  • curieux curieux 19 novembre 2009 22:46

    Excellent article.
    Dans tous les groupes, il y a des leaders plus convaincants que les autres et qui vont faire évoluer le groupe vers des dérives. Effectivement, le soumis va rester dans le groupe et appliquer la pensée des « chefs » ou bien il sera exclu.
    Un petit exemple est celui des YOUNG LEADERS
    Voilà ce que j’ai trouvé sur Internet :

    "La French-American Foundation - France et la French-American Foundation à NY souhaitent sélectionner les personnalités les plus brillantes dans leur secteur d’activité.« 

     »Personnalités les plus brillantes« . C’est très flatteur.
    On arrive à ce célèbre article de Rue89(Désintox sur le 11/9), écrit sous la Coupe de Richié(Young leaders) qui a »réussi" à convertir tout un groupe de jeunes journalistes. Je pense que ceux qui n’étaient pas d’accord se sont faits virer. Comment peut-on avoir l’unanimité absolue à part dans une dictature ?

    Je ne sais pas qui est à la tête des Young Leaders mais le but est probablement de faire adhérer et convertir le plus de monde possible à la politique ultra-libérale et conservatrice des néo-cons.

    L’inquiétant est que de nombreux politiques français y sont.

    Moi-même, il y a très longtemps, je suis entré dans un groupe qui, pourtant, ne faisait aucun prosélitisme mais je n’y suis resté que 6 mois. La liberté n’a pas de prix


  • Salsabil 19 novembre 2009 23:52

    A l’auteur,

    Votre article est d’une implacable lucidité.

    C’est sincèrement une petite merveille, comme on aimerait en voir plus souvent.

    Voilà une analyse éclairée, sans langue de bois, précise, limpide et accessible à tous.

    Madame, MERCI !


  • soi 20 novembre 2009 01:21

    ....et puis on en arrive à « la banalité du mal » d’Arendt. Je me permets de laisser ce lien de Françoise Sironi qui soigne victimes et bourreaux : http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/collegedeF.htm


  • Lucien Denfer Lucien Denfer 20 novembre 2009 13:08

    Bonjour,

    La majorité des gens veulent faire le bien, vivre de bonnes choses, avoir de bonnes pensées et prendre les bonnes décisions. Ils s’y efforcent en donnant le meilleur d’eux-mêmes, pourtant cela n’arrive pas et n’a que peu ou pas de répercussions dans le monde tangible.

    La croyance la plus naïve qui nous prédispose à des souffrances continuelles, consiste à vouloir considérer que tous les humains sont fondamentalement bon. En faisant allègrement abstraction des 4 pour cents de psychopathes qui vivent parmi nous, en cultivant notre ignorance des paramètres qui nous permettent de les reconnaître comme tels, nous sommes de fait les premiers responsables des méfaits qu’ils nous font subir. 

    Trompés par l’image classique du psychopathe violent véhiculée par la sous-culture Hollywoodienne (« Le silence des agneaux » entre autres), nous baissons facilement la garde lorsque nous sommes confrontés à des individus sans conscience, n’éprouvant ni culpabilité, ni remords, sans aucune moralité et avec un sens des responsabilités à vous glacer d’effroi. 

    La conscience de faire souffrir autrui et la capacité de restreindre nos actions et nos pensées selon cette conscience est la plus développée des fonctions d’humanisation, celle là même qui semble faire défaut aux « sociopathes » de tout poil. 

    Il apparait comme une évidence que les méthodes de terreur psychologique et l’arrogance pathologique dont font montre ceux qui sont résolus à nous dominer nous privent de notre capacité à réagir de façon adéquate.

    Tenir pour acquis inéluctable la présence de « sociopathes » parmi nous, et les intégrer comme composante de la normalité est une façon clinique subtile mais erronée d’envisager les choses. Les personnes malades ne sont pas celles qui subissent la torture psychologique et tentent tant bien que mal de s’en préserver, mais celles qui la font subir. 


    • Lucien Denfer Lucien Denfer 20 novembre 2009 16:48

      Pour enfoncer le clou, un extrait de « In Sheep’s Clothing : Understanding and Dealing with Manipulative People » de George K Simon Jr :

      Nous avons été préprogrammés à croire que les gens montrent seulement des comportements problématiques quand ils sont « dérangés » à l’intérieur ou inquiets de quelque chose. On nous a aussi appris que les gens attaquent seulement quand ils sont attaqués d’une certaine façon. Ainsi, même quand nos tripes nous disent que quelqu’un nous attaque et sans bonne raison, nous n’acceptons pas aisément la notion. Nous commençons d’habitude à nous demander ce qui dérange les personnes si gravement « au-dessous de tout » ce qui les fait agir d’une façon si inquiétante. Nous pouvons même nous demander ce que nous pouvons avoir dit ou fait qui les ai « menacés ». Nous ne pensons presque jamais qu’ils pourraient se battre simplement pour obtenir quelque chose, faire leur chemin, ou prendre le dessus. Ainsi, au lieu de les voir comme simplement en train de se battre, nous les voyons comme blessant principalement d’une certaine façon.

       Non seulement nous avons souvent des difficultés à reconnaître les manières dont les gens nous attaquent, mais nous avons aussi de la difficulté à discerner le caractère distinctement agressif de quelques personnalités. Le legs du travail de Sigmund Freud a beaucoup de rapport avec cela. Les théories de Freud (et les théories d’autres qui ont construit sur son travail) ont lourdement influencé la psychologie de la personnalité pendant une longue période de temps. Les éléments des théories classiques de la personnalité ont trouvé leur voie dans beaucoup de disciplines autres que la psychologie, aussi bien que dans nombre de nos institutions sociales et entreprises. Les principes de base de ces théories et leur marque de fabrique, la névrose, sont devenus assez bien gravés dans la conscience publique.

       Les théories « psychodynamiques » de la personnalité ont tendance à considérer chacun, au moins à un certain degré, comme névrosé. Les individus névrosés sont des gens excessivement inhibés qui subissent une crainte déraisonnable (anxiété), culpabilité et honte quand il s’agit d’assurer leurs désirs et besoins de base. L’impact malveillant de sur-généraliser les observations de Freud d’un petit groupe d’individus excessivement inhibés, dans un large jeu de suppositions des causes de mauvaise santé psychologique en chacun ne peut pas être exagéré. [...]

      Les médecins dont la formation les a excessivement endoctrinés dans la théorie de la névrose, peut « modeler » des problèmes qui leur ont été présentés inexactement. Ils peuvent, par exemple, supposer qu’une personne, qui a agressivement poursuivi l’indépendance toute sa vie et a démontré peu d’affinité pour les autres, doit nécessairement « compenser » « pour une crainte » d’intimité. Autrement dit, ils considéreront un lutteur endurci comme un coureur terrifié, ainsi ils percevront faussement la réalité fondamentale de la situation. [...]

      Dans ce contexte et vu que les agresseurs réclament rarement de se faire soigner, la plupart des traitements ne concernent que les victimes....


    • LilianeBourdin 20 novembre 2009 18:58

      @ Lucien Denfer
      Je suis plutôt d’accord avec ce que vous dites. Effectivement, un des aspects de la psychanalyse, s’occupant d’un patient en particulier et cherchant à l’intérieur de sa psyché la cause de sa souffrance, ne voit parfois la problématique interpersonnelle que par le petit bout de la lorgnette. Freud lui-même, quand il a énoncé avoir « abandonné sa neurotica » c’est-à-dire l’étiologie traumatique des névroses ( je fais court ) pour la remplacer par l’équivalence entre fantasmes créés de toutes pièces et conséquences fantasmatiques de traumatismes vécus ( trop synthétique comme résumé, mais il y de ça) a réduit la place de la réalité vécue, et donc des relations interpersonnelles vécues (et donc subies) dans l’enfance.
      Il y a donc un courant qui continue de relativiser les expériences de la réalité, au regard de la construction fantasmatique et des soi-disant bénéfices secondaires qui y sont trouvés, comme si ceux-ci étaient déterminants. Cela peut aboutir malheureusement à rendre la victime (névrosée) coupable de son fantasme, tandis que la réalité de l’agression, de l’abus de pouvoir, ou du harcèlement, est nié. Et cela nuit à la nécessaire reconnaissance des conduites prédatrices ou manipulatrices, nécessaires pour pouvoir s’en protéger et ne pas se sentir coupables à leur place.
      D’autres courants tiennent davantage compte de l’interaction réalité-fantasme, notamment en psychanalyse groupale et familiale. Les analystes ayant étudié la perversion narcissique sont de ceux qui étudient ces rapports et ne nient pas l’existence du « mal », c’est-à-dire de personnes capables de prendre du plaisir à asservir autrui, en leur faisant porter leur propre culpabilité ou un sentiment d’infériorité qu’ils n’envisageront jamais pour eux-mêmes.
      Le fait de vouloir être du côté du bien amène souvent, comme vous le soulignez, à ignorer délibérément que le mal puisse exister. C’est un problème. Peut-être faut-il admettre que nous avons tous une part d’ombre contre laquelle nous luttons, plus ou moins. Mais que certains ne luttent pas du tout, et entretiennent au contraire leur côté obscur, en en tirant une jouissance. Ne leur laissons pas le plaisir de notre naïveté : les prédateurs, les tyrans, avancent rarement à visage découvert. Il faut donc les repérer. Et ne pas les pardonner en disant qu’ils sont malades : ce sont des gens qui souffrent rarement et qui, d’ailleurs, ne présentent qu’exceptionnellement de vraies excuses.


  • Salsabil 20 novembre 2009 19:12

    Liliane,

    Votre réponse à l’excellent post de Lucien Denfer est interessant. J’aurais tendance à penser que les erreurs d’analyse psychanalytiques amenant le patient a se sentir coupable sont plus que fréquentes. Il me semble que c’est même une étape inévitable dans la compréhension du processus. La question se pose lorsque cette compréhension est acquise mais que l’analysé reste bloqué à cette image de lui-même, de son vécu, sans que quiconque ne l’en sorte (quelqu’en soit la raison).

    En ce qui concerne les « vrais nocifs », j’aimerais revenir sur cet extrait du commentaire de Lucien :

    « ....en cultivant notre ignorance des paramètres qui nous permettent de les reconnaître comme tels. »

    Qu’en est-il de la simple et totale confiance en son instinct ? Pour ma part il est le compagnon de route toujours présent, quasi infaillible. Qu’en dites-vous ?

    J’ajoute que je suis absolument en accord avec ce que vous affirmez concernant l’existence de personnes fondamentalement nocives tout en le sachant pertinemment. Les vicelards de ce genre sont malheureusement plus fréquents qu’on ne l’imagine !


    • LilianeBourdin 20 novembre 2009 19:31

      Très souvent, quand on interroge la victime d’un pervers narcissique, ou d’une maltraitance, professionnelle ou autre, on apprend qu’en fait celle-ci s’en était rendue compte tout de suite, et avait ensuite oublié volontairement ce vécu. En banalisant, en mettant en doute ses perceptions qui semblaient si contraire à la réalité. Ou en laissant à l’autre la possibilité de s’améliorer.
      Des mois ou des années après la victime s’en mord les doigts.
      Donc, oui, faire confiance à son instinct, écouter sa première impression : dans ce domaine, c’est souvent la bonne. Mais je précise que je ne veux pas parler de critères objectifs et visibles, mais d’un ressenti : un malaise diffus, une envie de partir, l’impression d’un décalage entre ce qui est dit et le fond de la personne, comme un mensonge, le sentiment d’une méchanceté cachée sous les sourires, la peur inhabituelle de ne pas savoir quoi dire, la peur de se tromper, l’impression d’être nul, une sensation un peu écoeurante, le sentiment d’être mal après avoir vu la personne, le besoin d’une prise en charge de l’autre et le fait que sa pensée soit obsédée par cette personne entrevue une fois, etc. Il faut se méfier quand on a envie de balayer cette impression : pourquoi le fait-on ? Attention à la séduction teintée de menace du manipulateur. Ce qui est important c’est de repérer les deux temps :
      1 : une alerte au niveau de ce qui est ressenti
      2 : une tentation de ne pas tenir compte de sa première impression et de ne voir que l’aspect positif de l’autre.
      Un conseil alors : rester en alerte. Ou fuir.


    • Salsabil 20 novembre 2009 19:56

      Liliane,

      Merci beaucoup de confirmer avec des mots, une fois de plus accessibles à tous (et c’est là que je vous trouve particulièrement excellente !), ce que je pensais et sous-entendais dans ce post.

      Nous avons oublié ?, on nous a appris ?, à ne plus nous fier à ce que notre instinct nous dit. Etouffés que nous sommes par l’acquis (l’éducation, le savoir-vivre, l’exemple de notre entourage, la condition sous laquelle nous pouvons vivre en société, etc...) qui nous a fait mettre de côté l’inné.

      Pourtant nous devrions avoir l’humilité de nous rappeler que nous sommes des animaux comme les autres, ou presque ! smiley

      Mon instinct ne m’a jamais trompé, jamais ! Mais parfois je ne l’ai pas écouté... Je m’en suis mordue les doigts !!!

      Je trouve qu’on pourrait peut-être rapprocher le mot « instinct » du mot « bon sens » dans l’idée que ce dernier est sans doute plus humain dans sa connotation et donc plus admissible par tout un chacun.

      Mais dans notre époque même le bon sens fait souvent défaut, c’est désespérant.

      Merci encore pour ce que vous faites et pour tout l’intérêt que j’y prends.

      Cordialement.


  • Salsabil 20 novembre 2009 19:19

    Pardon, je rajoute une question.

    Si un individu est malade, sa nocivité envers les autres étant le signe le plus distinctif, et toujours dans l’idée qu’il sait parfaitement le mal qu’il produit, quelle est la raison profonde d’une telle attitude ?

    Je veux dire que certains naissent ainsi, c’est comme « inscrit dans leur chromosomes », ils n’ont pas été sujets à un traumatisme spécifique expliquant leur dérive. Alors pourquoi sont-ils ainsi ? Quelles sont les connaissances scientifiques à ce propos précis ?

    Merci.


  • Qaspard Delanuit Gaspard Delanuit 30 novembre 2010 13:04

    @ L’auteur


    Excellent article dont je partage les intuitions (en mettant de côté les références à la théorie freudienne que je considère comme une manipulation de type sectaire), mais qui m’amène à poser une question simple (du moins dans sa formulation) : Que faire ?

    Les individus qui n’ont pas l’intuition de la liberté, ne comprendront tout simplement pas ce que vous exprimez. D’ailleurs, par les commentaires, le sujet a commencé à chavirer dans les eaux crapoteuses du victimisme (tout ego se sent victime d’un dangereux manipulateur qui est toujours l’autre), alors que votre article parle plus essentiellement de la nécessité d’abandonner l’illusion d’un confort psychologique possible. Illusion qui réduit les êtres humains à des esclaves, des poules en batterie, des êtres sans magie. Quant à ceux qui ont la saveur de la liberté dans le coeur, et qui donc sont déjà libres psychiquement, ils auront envie de vous embrasser pour vous remercier de soulager un peu leur solitude philosophique. Mais après ?

    Comment transmettre l’amour de la liberté à un adulte qui l’aime moins que sa paresse mentale et qui préfère laisser sa conscience dans la ouate publicitaire ? Nous ne pouvons RIEN faire pour sa conscience, à part refuser nous-mêmes de participer aux entreprises de lavage de cerveau. 

    Que faire si nous sommes un petit nombre d’individus en quête de cette liberté psychique que nous sommes prêts à payer de notre inconfort psychologique ? Comment transformer cette communauté de conscience en projet social ? Et comment inscrire ce projet dans un processus démocratique quand il est si manifeste que le gros de la population veut être rassuré par des promesses dorées et non inquiété par la vérité ?

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