jeudi 22 août 2013 - par Pharmaleaks

GSK Chine : Encore un coup de Jérôme Kerviel !

Après avoir payé 3 milliards de dollars aux Etats-Unis l'an passé pour s'acquitter à l'amiable des procès en cours sur une truanderie organisée, la firme GSK vient de se faire attraper cette fois en Chine pour des faits similaires. La Direction de Glaxo était probablement plus sensibilisée qu'aucune autre pour mettre en place des systèmes d'audit renforcés afin d'éviter un nouveau scandale de ce type. Selon ses dires cette récidive serait (encore) l'oeuvre de tireurs isolés qui ont trompé le système, à l'instar de ce que Jérôme Kerviel fit avec la Société Générale. Peut-on vraiment croire à une telle coïncidence vu le contexte ?

Le 11 juillet, nous apprenions que les autorités chinoises venaient d'arrêter 4 cadres de la branche chinoise de la firme britannique GSK, soupçonnés d'avoir offert des pots de vin à des fonctionnaires et des médecins pour accroître le prix des médicaments, leur prescription et par conséquent leurs bénéfices. La nouvelle fit l'effet d'une bombe puisqu'elle venait confirmer que les méthodes de GSK l'ayant contraint à verser 3 milliards de dollars pour régler ses litiges étatsuniens un an auparavant n'étaient pas l'acte d'un tireur isolé mais bel et bien le fruit d'une politique globale.

Selon la BBC, "GSK a rétorqué qu’aucune preuve ne validait l’hypothèse d’un vaste système de corruption qu'entretiendraient des employés de la compagnie en Chine. (...) Nous surveillons nos différentes agences dans le monde afin d’être certains qu’elles sont conformes à nos procédures très strictes ; c’est ce que nous avons fait en Chine et nous n’avons trouvé aucune preuve de corruption de médecins ou de fonctionnaires. Néanmoins, si la preuve de cette corruption est apportée, nous prendrons les mesures nécessaires".

Comprenez : "Encore de la propagande maoïste !"

Une grosse semaine plus tard, la Direction de la firme "balançait" ses cadres dirigeants en pâture à la police chinoise.

Accusé de corruption en Chine, GlaxoSmithKline (GSK) a admis, lundi 22 juillet, l'existence de pratiques illégales au sein de ses équipes. Le président du groupe pharmaceutique pour l'Asie-Pacifique, les marchés émergents, l'Europe et le Japon, Abbas Hussain, reconnaît que "certains hauts cadres de GSK ayant une bonne connaissance de notre fonctionnement semblent avoir agi hors de nos procédures et contrôles, en enfreignant les lois chinoises". (Source : Le Monde)

Le moins que l'on puisse dire, c'est que l'enquête interne n'a pas pris de temps ! La "célérité de la justice chinoise" aurait-elle fait des émules ailleurs que dans le Poitou-Charentes ?

Il n'aura fallu quelques jours à la Direction de GlaxoSmithKline pour "découvrir" qu'une filiale stratégique avait laissé filer près de 400 millions d'euros pour soudoyer médecins et fonctionnaires alors que l'arnaque aurait tenu en échec pendant des mois des services d'audit interne spécialisés. La phrase prononcée quelques jours plus tôt sur la "surveillance des agences dans le monde" et les "procédures très strictes" fait sourire... Elle a eu le mérite de convaincre la presse qui reprit docilement en coeur ces propos sans poser la moindre question.

Le 24 juillet, devant l'ampleur de la corruption, les autorités chinoises élargissent l'enquête et nous apprenons que 60 autres firmes pharmaceutiques dont AstraZeneca, Merck, Roche et Sanofi auraient usé du même intermédiaire financier que GlaxoSmithKline, à l'insu également imagine-t-on de la Direction Générale des labos concernés. Sacrés Chinois ! Et toutes ces firmes qui ne cherchaient pas à savoir d'où venait cet argent qui entrait à flots...

Le PDG de GlaxoSmithKline, Sir Andrew Witty, déclarait dans The Guardian qu'il n'avait aucune connaissance de ces histoires de corruption et de faveurs sexuelles accordées aux médecins et aux hauts-fonctionnaires, dénonçant une fois de plus des comportements isolés. Il ajoute que "GSK a une tolérance zéro pour ce type de comportement totalement contraire aux valeurs de l'entreprise"... (NDLR : tout au moins depuis l'an passé). "Aussi loin du siège, nous n'avions aucune connaissance de ces problèmes".

Il précise ensuite qu'un audit interne sur des histoire de corruption en Chine de 4 mois n'avait rien révélé tout en maintenant que "les systèmes de contrôle et d'audit de GSK sont extrêmement robustes" et en promettant que l'entreprise "tirera les leçons de cette affaire et apportera les changements qui s'imposent".

Ses déclarations ressemblent étrangement à celles qu'il tînt un an plus tôt suite aux histoires de corruption aux Etats-Unis ayant conduit des médecins à gaver d'antidépresseurs des enfants, et à la firme britannique à payer 3 milliards de dollars à l'Etat et aux plaignants (mais cette fois-ci légalement). Il déclarait alors : "Nous sommes déterminés à ce que cette situation ne se reproduise plus jamais"... (NDLR : tout au moins aux Etats-Unis !)

Le 25 juillet, Hervé Gisserot, Directeur Général de la filiale française de GSK et également numéro 1 du LEEM quitte ses fonctions et part reprendre en main le business en Chine. Celui qui a contribué à monter un gigantesque réseau d'influence avec les politiques français (lire nos nombreux articles sur le Club Hippocrate, le Club Avenir de la Santé et autres) et qui prônait lors de son discours d'intronisation au LEEM la nécessité d'un "lobbying éclairé" aura du pain sur la planche (NDLR : à billets ?) pour tisser de nouveaux liens avec les autorités chinoises.

Le 26 juillet, nouveau rebondissement : nous apprenons que des agents commerciaux du groupe pharmaceutique britannique GlaxoSmithKline (GSK) en Chine étaient "spécifiquement formés" pour verser des pots-de-vin aux médecins et veiller à "leur procurer de l'agrément". (Le Monde)

D'après la police, "entre 7 et 10 % du volume total des ventes réalisées atterrissait sur les comptes personnels des médecins".

Encore plus rentable que des dividendes ! Et net d'impôt !

"Il semble que certains hauts responsables (...) aient agi en dehors de nos processus et de nos contrôles et aient escroqué le groupe et le système de santé chinois", a déclaré Sir Andrew Witty, directeur général du groupe, assurant que GSK coopérait "pleinement" avec les autorités chinoises.

Ces propos rappellent ceux de la Société Générale contre l'ancien trader Jérôme Kerviel ! Tant que l'argent rentre, on ne pose pas de question. Au moindre pépin, indignation générale.

Le même jour, 18 employés de GSK sont arrêtés dans le cadre de cette affaire de corruption.

Le 21 août, le consultant britannique en risques Peter Humphrey, travaillant pour la firme GSK, a été arrêté avec son épouse.

L'affaire GSK Chine est une affaire de corruption tentaculaire, impliquant des centaines de millions de dollars, de nombreuses personnes dans la filiale, de nombreux autres labos, et à présent des consultants extérieurs. Les enjeux étaient gigantesques. Est-il raisonnable de penser une seconde fois que la Direction Générale en Angleterre n'était pas au courant de ces jeux sordides de pouvoir et d'argent au détriment des patients ? Où se tiendra le prochain scandale GSK ? En Europe ?

Sources :

GSK épinglée pour corruption en Chine, BBC, 11/07/2013

GlaxoSmithKline reconnaît des pratiques illégales en Chine, Le Monde, 23/07/2013

Pharmacie : le scandale de corruption en Chine toucherait plusieurs groupes internationaux, BFM Business, 24/07/2013

GlaxoSmithKline CEO : London HQ knew nothing of China scandal, The Guardian, 24/07/2013

Des agents commerciaux de GSK auraient été formés pour soudoyer des médecins, Le Monde, 26/07/2013

GlaxoSmithKline China scandal : British man arrested, The Guardian, 21/08/2013



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