samedi 19 novembre 2005 - par Michel Monette

L’assurance pour tous d’être soigné, ce n’est pas demain la veille...

Je ne voudrais pas être ministre de la santé dans un pays en voie de développement. Les ressources sont limitées, et les besoins tellement criants. Sans compter les fortes pressions pour privatiser le financement et les prestations des soins de santé.

Dans son manifeste La santé pour tous - un projet réaliste, le réseau suisse Medicus Mundi soutient que « la santé pour tous est un projet réaliste si la communauté internationale et les États fixent judicieusement les priorités et octroient au secteur de la santé les moyens requis ».

Pour Medicus Mundi, il est essentiel « d’axer les prestations sur les besoins réels des couches sociales les plus pauvres et de définir des conditions générales d’utilisation garantissant l’accès de tous à la santé ». Pendant ce temps, les systèmes de santé se privatisent à vue d’oeil, abandonnant les plus pauvres à leur sort.

Ne jetez pas trop vite la pierre aux ministres de la santé des pays en voie de développement. Il n’est point besoin d’aller dans ces pays pour constater les ratés d’un système de santé fortement privé, qui ne garantit pas l’accès de tous à la santé.
Devinez de quel pays il s’agit :

The present complex system of health care financing, with multiple streams supporting varying levels of care, is inherently inequitable and cannot be made to adhere to the simple demands of health care justice.

The National Health Care for the Homeless Council, Mainstreaming health Care for Homeless people. Page 4.

La devinette est facile. Vous aurez tous compris qu’il s’agit des États-Unis. Dans ce pays, de loin le plus riche de la Terre, « it is ultimately the streams of financing that determine who gets care, and who does not. »

Résultats ?

Although the U.S. health care system has made remarkable advancements, it is costly and wasteful, and it leaves many people without appropriate care.

Health Affairs, The Policy Journal of The Health Sphere, Making Markets Work : Five Steps To A Better Health Care System.

Malgré cet échec, les Américains pèsent lourdement sur les choix que font les pays qui dépendent de l’aide internationale pour une bonne part du fonctionnement de leur système de soins de santé.

Car, voyez-vous, les mêmes compagnies d’assurance qui dominent le financement du système de santé américain (the streams of financing) ont à l’oeil le marché mondial des assurances destinées à la couverture des frais et des médicaments en matière de santé.

L’Accord général sur le commerce des services leur a créé de belles opportunités d’affaires. Une des plus prometteuse des opportunités est l’offre de « soins administrés » (managed cares). Dans cette offre, elles vendent de l’assurance et prennent des contrats d’exclusivité avec des unités de livraison de services.

Où interviennent les États dans ce marché de « soins administrés » ? Mystère. En Afrique, en particulier, « l’entrée de tels services [...] risque plutôt de provoquer le démantèlement et la privatisation de ce qui reste du système public. » (Rémi Bachand. Les sources systématiques des violations du droit à la santé en Afrique. Page 17.)

Plus le modèle américain de financement privé de la santé s’impose, plus on s’éloigne d’un accès pour tous aux soins de santé. Non, vraiment, je ne voudrais pas être ministre de la santé dans un pays en voie de développement...




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