jeudi 10 novembre 2011 - par Pharmafox

L’ouragan Avandia s’éloigne des côtes américaines

On en parle depuis quelques temps, de l’Avandia, ce Mediator à la puissance 10. Enfin, on en parle… disons que certains en parlent, tandis que d’autres se taisent et se rendent complice d’un silence qui profite au laboratoire, et que d’autres enfin, sont ouvertement corrompus par ce même laboratoire. On se disait qu’un jour ou l’autre, l’affaire arriverait sur le devant de la scène, mais la perspective s’éloigne.

Avandia, le scandale

Je ne reviens pas sur la dangerosité de l’Avandia, et de son bon millier de mort chaque année, j’en ai déjà parlé ici même1.

On sait donc que le produit est dangereux, raison pour laquelle il a fini par être retiré du marché européen en 2010, alors que les risques étaient connu du de la communauté scientifique dès 2007, et du fabricant GlaxoSmithKline (GSK) probablement plus tôt encore.

Qu’à cela ne tienne, il a été vendu malgré tout, et les risques cardiaques ont été dissimulés. Pire, l’entreprise aurait vendu le produit hors-indication, c’est à dire pour des maladies qu’il ne soigne pas. On a donc fait courir aux patients un risque mortel pour rien (ah si, finalement, ça soignait le chiffre d’affaires)2.

Et cerise sur le gâteau, GlaxSmithKline a aussi escroqué l’assurance maladie américaine (le programme Medicaid) en sur-facturant le produit2.

Pour ces raisons, le gouvernement américain s’est constitué partie civile, et a porté plainte contre le laboratoire. Cette plainte vient s’ajouter aux plaintes individuelles de patients qui ont vus leur santé mise en péril par le produit.

Un coup dans l’eau

Or, on apprend, jusque dans la presse francophone (mais pas française, il ne faut pas rêver), que l’affaire se termine en queue de poisson : GSK verse 3 milliards de dollars au gouvernement, qui annule la procédure…2, 3

Dans nos esprits français, cela s’apparente à un aveu de culpabilité, d’une part à de la corruption d’autre part. C’est un peu plus subtil.

En effet, GSK aurait pu laisser la procédure suivre son cours. Il y aurait eu un procès, et déjà, des honoraires d’avocat se chiffrant en millions de dollars. Cette donnée seule explique qu’aucune des parties ne souhaitera reconnaître ses torts, et donc payer les frais. Quelque ait été la décision de première instance, il y aurait eu appel. Puis encore un appel, et peut-être encore une quatrième fois, avec, à chaque nouveau procès, une nouvelle facture des cabinets d’avocat.

C’est pourquoi, on préfère d’un côté comme de l’autre se mettre d’accord le plus tôt possible pour une somme assez importante pour satisfaire à la fois l’Etat et assez raisonnable pour l’entreprise.

On pourrait penser que le public y perd, mais le raisonnement est le suivant :

  • Les fonds sont immédiatement disponibles et peuvent aussitôt être investis dans la santé ;
  • Avec le temps, la somme espérée se déprécie (inflation, honoraires de justice…) ;
  • Les tribunaux restent disponibles pour traiter d’autres affaires, au lieu de rester engorgés ;
  • L’entreprise peut continuer à tourner, et ses salariés à gagner leur vie.

Mais ce que gagne surtout l’entreprise accusée, quelle qu’elle soit, c’est l’impact sur sa réputation. Car même si l’on devait percevoir ce genre d’accord comme un aveu de culpabilité, il est beaucoup moins dommageable de lire une fois qu’un accord a été conclu, que de lire 3 fois (sur l’hypothèse de 2 procès en appel) qu’elle est coupable et qu’elle doit payer 30 milliards.

Avandia, connaît pas !

A vrai dire, le système fonctionne bien. Aux Etats-Unis, cette annonce n’est guère plus qu’un entrefilet dans le journal quotidien, et seule la presse économique ou médicale lui consacre un article détaillé.

En France, on préfère nous parler du chiffre d’affaire du laboratoire, et combien il est malheureux que ce dernier chute à cause du retrait du marché de… l’Avandia4. On dit que la presse est un contre-pouvoir, je me demande quel pouvoir elle entend contrer. Pas celui de GSK en tout cas.

Quant à Zorro, le justicier démasqué qui signe ses exploits d’un GSK qui veut dire Gérardbapt Sans Konflitdintérêts, il a réussit le tour de force de critiquer l’Actos, petit frère de l’Avandia, sans mentionner ce dernier5.

J’attends toujours… Peut-être qu’avec un ministre de la santé intègre… Non, je ne suis pas assez dupe pour croire au père Noël.

 

1. Avandia, le tueur en série, Pharmafox, AgoraVox, 13 Juillet 2011

2. Proposed Avandia Settlement Would Pay U.S. $3B for Off-Label Marketing, About Lawsuits.com, 7 Novembre 2011

3. GSK va payer 3 mrd USD aux USA pour mettre fin à des poursuites sur l'Avandia, Romandie news, 3 Novembre 2011

4. GlaxoSmithKline renoue avec la croissance au 3e trimestre, Ben Hirschler et Natalie Huet, Le Nouvel Observateur, 26 Octobre 2011

5. Toucher Actos sans évoquer Avandia : un délicat slalom médiatique !, Sylvie Fretailli, CareVox, 6 Mai 2011



2 réactions


  • Furtive Sentinelle Furtive Sentinelle 10 novembre 2011 16:36

    @l’auteur

    L’AVANDIA a fait aussi l’objet d’un protologue thérapeutique Etude ASTER dans le cadre d’une recherche de traitement pour des malades atteints de NASH ou NASH FD ou Syndrome Métabolique Hépatique SMH avec les conséquences que vous dénoncez problèmes cardiaques sans aucun service rendu au regard de la pathologie primaire. A l’époque début 2002 et suite, les Rosiglitazones et les Pioglitazones étaient déjà mises en cause dans diverses études notamment aux Etats Unis ....Donc 8 ans de toxémie et de ravages cardiaques muets


    • Pharmafox 10 novembre 2011 17:36

      Merci de votre commentaire, qui m’a amenée à quelques recherches supplémentaires.


      Un article du British Medical Journal intitulé Rosiglitazone What Went Wrong, explique comment ce sont même 10 années de silence qui ont protégé le produit.

      En 1999, le produit est approuvé aux Etats-Unis, mais déconseillé aux patients souffrant d’insuffisance cardiaque. Le produit est refusé par l’EMEA.
      En 2000, le produit est approuvé en Europe, avec d’importantes restrictions. GSK est obligée de faire deux études, l’une sur le risque cardiovasculaire (étude RECORD), l’autre sur les effet du produit sur la structure cardiovasculaire. Mais comme c’est GSK qui fait les études, l’entreprise s’arrange pour les biaiser.
      En 2001, la FDA renforce l’avertissement à destination des patients fragiles.
      2004 : L’OMS averti GSK des risques.
      2007 : Les résultat de l’étude RECORD tombent, et identifient un risque réel et important. Pourtant, le produit reste sur le marché.

      Il y avait largement de quoi s’inquiéter ! Mais il faudra encore attendre 2010 pour que les autorités prennent leurs responsabilités.

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