mercredi 26 novembre 2008 - par Luc DUSSART

Vers la levée d’un secret médical bien gardé

La transparence de l’information médicale, la qualité des soins et la démocratie sanitaire sont sur le point de bénéficier d’une avancée si la loi sur le financement de la sécurité sociale comprend l’obligation de publicité par le Conseil de l’Ordre des médecins des liens d’intérêt liant ses membres à l’industrie pharmaceutique.
Ce sera un signal fort adressé aux citoyens que les élus de la nation peuvent s’extraire des pressions des lobbies pour rester fidèle à l’intérêt général.

Le secret médical s’applique aussi aux petites et grosses combines entre l’industrie du médicament et les leaders d’opinion diffusant pour son compte de l’information aux médecins et dans le public. Ainsi il n’est toujours pas possible en France de savoir si un médecin s’exprimant en public sur un traitement médical est rémunéré en sous-main - ou pas - par le promoteur industriel dudit traitement. Il n’est pas possible de savoir qu’untel agit en sous-main pour le compte de telle firme P. ou qu’unetelle est rémunérée pour passer au Magazine de la Santé (pour citer une célèbre vitrine promotionnelle).

Il est clair que l’information diffusée dans ces conditions ne peut qu’être favorable au financeur, c’est-à-dire favorable à une consommation excessive et parfois inappropriée de traitements, médicaments, vaccins, etc. ... Une étude en date de 2008 réalisée par le Congrès des États-Unis tend à démontrer qu’une économie de 35 % pourrait être réalisée chaque année sur les dépenses de santé si les patients et les professionnels de santé disposaient de données non biaisées sur l’efficacité des traitements médicaux.

L’opacité de l’information médicale dissimule dépendances et compromissions des professionnels de santé avec l’industrie pharmaceutique et leurre patients et soignants en faisant passer de la communication promotionnelle pour de l’information scientifique. Cette opacité constitue maintenant un facteur de risque sanitaire avéré, mettant en danger la qualité de l’information, la qualité des soins (cf scandale du Vioxx), et aggravant inutilement les dépenses de santé et les déficits sociaux.

C’est donc une avancée considérable qui a été votée par le Sénat le 19 novembre dernier lors de la discussion du projet de loi de finance de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2009. Les sénateurs ont adopté un amendement à la loi sur la transparence de l’information médicale (article L4113-13 du Code de la Santé publique) prévoyant que les conventions passées entre les médecins et l’industrie pharmaceutique soient considérées publiques par l’Ordre des médecins. En maintenant le secret sur ces arrangements financiers, l’Ordre des Médecins manque à la mission qui lui a été confiée de contrôle et de vérification de la loi : il empêche les français de s’assurer qu’ils disposent effectivement d’autre chose que de la communication promotionnelle des laboratoires pharmaceutiques.

Cela pose évidemment de nombreux problèmes. Le lobby médical est important à l’Assemblée Nationale et il y dispose de relais puissants et anciens. L’intérêt des patients et de la santé publique passe après celui des firmes et de leurs parties prenantes (dont les députés d’une circonscription comprenant un établissement pharmaceutique). Ainsi des scandales comme le Vioxx (30 000 décès aux USA), et plus récemment chez nous les traitements hormonaux de substition pour la ménopause, le dépistage du cancer de la prostate, etc. ont mis en évidence que plus de médecine se transforme sous la pression d’intérêts privés en dégradation de la santé publique, vous et moi compris.

La médecine s’est mise sous la dépendance de la puissance industrielle de l’industrie pharmaceutique. Avant le médecin prescrivait et le pharmacien exécutait ; aujourd’hui la médecine accepte d’exécuter les plans marketing d’une ’pharmacine’ toute puissante. Il convient de restaurer les conditions de la confiance envers ceux qui nous soignent et de mettre fin à ces pratiques dangereuses et fallacieuses.

En savoir plus : voir le site du Formindep



8 réactions


  • alberto alberto 26 novembre 2008 13:16

    Voilà une très bonne nouvelle M. DUSSART.
    Maintenant, attendons la suite, car on peut faire confiance au lobby de la pharmacie bien implanté dans les antichambres ministeriels pour détricoter une loi qui ne leur convient pas !
    Bien à vous.


  • patovite 26 novembre 2008 13:23

    voici le mail que nous venons d envoyer à tous les Députés
    Nous avons été confrontés directement à ce problème, lors de l’avis du Conseil Scientifique de l’AFSSAPS, concernant l’étude sur la myofasciite, certains des experts avaient des liens d’interets avec les labos, mais attention on vous repondra que ce ou ces médecins n’ont pas de liens d interets avec le médicament concerné, oui, ce qui n’empeche pas ces médecins de recevoir des fonds pour d autres recheches, provenant des memes labos, donc, en un mot, je ne pense pas qu ils reconnaitront un ou des effets secondaires à des médicaments, puisque indirectement il n’obtiendront pas ces fameux fonds pour leurs recherches.


    Madame, Monsieur le député, Madame, Monsieur le sénateur

    En tant que citoyen et au nom de tous les malades que je représente,
    je demande le maintien de l’amendement à la loi sur la transparence de l’information médicale
    voté par le sénat le 19 novembre lors de l’examen du PLFSS 2009, et
    rédigé ainsi :

    Après l’article 33, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

    Après le premier alinéa de l’article L. 4113-13 du code de la santé
    publique, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

    « Les conventions conclues entre les membres des professions médicales
    et les entreprises ou établissements mentionnés au premier alinéa
    doivent être rendues publiques.

    Les conditions d’application du présent
    article sont fixées par décret en Conseil d’État. » qui autorise les
    ordres professionnels à rendre publiques les conventions passées entre
    les médecins et l’industrie pharmaceutique.
     
    Cette possibilité accordée aux citoyens de prendre connaissance des
    liens d’intérêts des professionnels de santé avec l’industrie serait
    une avancée considérable pour nous tous.

    L’adoption de cet amendement est indispensable à l’application de
    l’article 26 de la loi relative aux droits des malades (article L.
    4113-13 du code de la santé publique qui prévoit que tout professionnel
    de santé – médecins, pharmaciens – s’exprimant auprès du public doit
    déclarer ses liens d’intérêts avec les entreprises commercialisant ou
    fabriquant un produit de santé)

    Bien à vous,
    Patricia Baslé


  • Jason Jason 26 novembre 2008 16:03

    Que les ronds de jambe procéduriers sont agréables par les temps qui courent, appuyés sur notre bon gros jésuitisme républicain. Trève de bavardages, il faut et il suffit de libérer la parole en France, et permettre d’exposer sur la place publique tout ce qui ressort du conflit d’intérêts, preuves à l’appui. En une semaine le dossier serait bouclé.

    Le reste n’est que bavardage puéril, et faire-valoir pour les personnages politiques fiers de leurs décisions ineptes. Ah, j’oubliais, penser sérieusement à fermer l’ordre des médecins et à envoyer qq charlatans en prison. Ca fera réfléchir les autres.

    Libérons la parole. C’est tout !


  • Pierre JC Allard Pierre JC Allard 26 novembre 2008 20:24

     L’industrie pharmaceutique et la recherche qui en est la partie noble doivent être nationalisées. Point. Barre.

     Pierre JC Allard

    http://nouvellesociete.org/S55.html

     


  • nello 27 novembre 2008 00:33

    Enfin la vérité commence à être diffusée au public c’est le moment. cela dure depuis 50 ans. amitiés.


  • Luc DUSSART Luc DUSSART 27 novembre 2008 17:19

    Nous apprenons que la Commission Mixte Paritaire sur le PLFSS 2009 a rejeté l’amendement voté par les Sénateurs, à la demande du député Yves BUR, UMP Alsace, chirurgien dentiste de profession et président du groupe d’études Médicament et produits de santé. Nous aurons rêvé de transparence durant quelques jours...


  • Luc DUSSART Luc DUSSART 28 novembre 2008 09:29

    Voici le contenu des débats parlementaires ayant abouti à la continuation de l’opacité des liens entre les médecins relevant du Conseil de l’Ordre et leurs généreux donateurs :

    Article 33 bis A - Publicité des conventions conclues entre des membres des professions médicales et des entreprises pharmaceutiques Quand un médecin prend la parole ou s’exprime en public, s’il ne déclare pas spontanément une absence de lien d’interêt c’est qu’il est rémunéré - directement ou indirectement - par un industriel. N’est-ce pas M. BUR ? Honneur à nos honnêtes représentants, honte aux ripous !

  • MJO MJO 3 décembre 2008 21:40

    Dommage ! mais opacité officielle ou oculte... je ne sais pas si cette loi peut être efficace...c’est pas en privatisant insidieusement le système de santé qu’on va le mieux pouvoir intervenir et exiger des informations...


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