Vers la levée d’un secret médical bien gardé
La transparence de l’information médicale, la qualité des soins et la démocratie sanitaire sont sur le point de bénéficier d’une avancée si la loi sur le financement de la sécurité sociale comprend l’obligation de publicité par le Conseil de l’Ordre des médecins des liens d’intérêt liant ses membres à l’industrie pharmaceutique.
Ce sera un signal fort adressé aux citoyens que les élus de la nation peuvent s’extraire des pressions des lobbies pour rester fidèle à l’intérêt général.
Le secret médical s’applique aussi aux petites et grosses combines entre l’industrie du médicament et les leaders d’opinion diffusant pour son compte de l’information aux médecins et dans le public. Ainsi il n’est toujours pas possible en France de savoir si un médecin s’exprimant en public sur un traitement médical est rémunéré en sous-main - ou pas - par le promoteur industriel dudit traitement. Il n’est pas possible de savoir qu’untel agit en sous-main pour le compte de telle firme P. ou qu’unetelle est rémunérée pour passer au Magazine de la Santé (pour citer une célèbre vitrine promotionnelle).
Il est clair que l’information diffusée dans ces conditions ne peut qu’être favorable au financeur, c’est-à-dire favorable à une consommation excessive et parfois inappropriée de traitements, médicaments, vaccins, etc. ... Une étude en date de 2008 réalisée par le Congrès des États-Unis tend à démontrer qu’une économie de 35 % pourrait être réalisée chaque année sur les dépenses de santé si les patients et les professionnels de santé disposaient de données non biaisées sur l’efficacité des traitements médicaux.
L’opacité de l’information médicale dissimule dépendances et compromissions des professionnels de santé avec l’industrie pharmaceutique et leurre patients et soignants en faisant passer de la communication promotionnelle pour de l’information scientifique. Cette opacité constitue maintenant un facteur de risque sanitaire avéré, mettant en danger la qualité de l’information, la qualité des soins (cf scandale du Vioxx), et aggravant inutilement les dépenses de santé et les déficits sociaux.
C’est donc une avancée considérable qui a été votée par le Sénat le 19 novembre dernier lors de la discussion du projet de loi de finance de la Sécurité Sociale (PLFSS) pour 2009. Les sénateurs ont adopté un amendement à la loi sur la transparence de l’information médicale (article L4113-13 du Code de la Santé publique) prévoyant que les conventions passées entre les médecins et l’industrie pharmaceutique soient considérées publiques par l’Ordre des médecins. En maintenant le secret sur ces arrangements financiers, l’Ordre des Médecins manque à la mission qui lui a été confiée de contrôle et de vérification de la loi : il empêche les français de s’assurer qu’ils disposent effectivement d’autre chose que de la communication promotionnelle des laboratoires pharmaceutiques.
Cela pose évidemment de nombreux problèmes. Le lobby médical est important à l’Assemblée Nationale et il y dispose de relais puissants et anciens. L’intérêt des patients et de la santé publique passe après celui des firmes et de leurs parties prenantes (dont les députés d’une circonscription comprenant un établissement pharmaceutique). Ainsi des scandales comme le Vioxx (30 000 décès aux USA), et plus récemment chez nous les traitements hormonaux de substition pour la ménopause, le dépistage du cancer de la prostate, etc. ont mis en évidence que plus de médecine se transforme sous la pression d’intérêts privés en dégradation de la santé publique, vous et moi compris.
La médecine s’est mise sous la dépendance de la puissance industrielle de l’industrie pharmaceutique. Avant le médecin prescrivait et le pharmacien exécutait ; aujourd’hui la médecine accepte d’exécuter les plans marketing d’une ’pharmacine’ toute puissante. Il convient de restaurer les conditions de la confiance envers ceux qui nous soignent et de mettre fin à ces pratiques dangereuses et fallacieuses.
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