mercredi 16 mai 2018 - par Jean Beaumont

Adoption par les homosexuels : relatif échec

Il y a cinq ans exactement, après 136 heures de débats animés au Parlement, le 23 avril 2013, la loi n°2013-404 du code civil était promulguée et ouvrait le mariage aux couples de même sexe. Depuis cinq ans, les couples d’hommes ou de femmes peuvent donc se marier ou adopter des enfants au même titre que les couples hétérosexuels. La France devenait ce jour-là le 14ème pays au monde et le 9ème en Europe à autoriser le « mariage pour tous ». Depuis, 40 000 couples homosexuels se sont dit « oui » devant monsieur le maire. Aujourd’hui, environ 7 000 mariages entre personnes de même sexe sont célébrés chaque année, soit 3 % de l'ensemble des mariages. Mais la loi dite Taubira (du nom de la guyanaise qui a porté le projet) ouvre également l'adoption aux couples de même sexe, ce qu’on oublie souvent.

Patatras ! Voilà que dans une enquête fouillée publiée ces jours-ci, la radio publique France Info se plaint de la difficulté pour les homosexuels (hommes ou femmes) d’adopter.

Dossier motivé, série d'entretiens avec une assistante sociale, un psychologue et un psychiatre... Rien n’y fait, il règnerait, d'après cette enquête, un ostracisme diffus. Cinq ans après le vote de la loi, l'accès à l'adoption – en général déjà ardu – semble encore plus compliqué pour les couples gays. Depuis 2013, plusieurs centaines, voire milliers, de personnes de même sexe, ont certes pu adopter l'enfant de leur conjoint, se félicitent les spécialistes du sujet, mais d'après Alexandre Urwicz, président de l'Association des familles homoparentales (ADFH), à peine "quelques familles" ont pu accueillir dans leur foyer un enfant pupille de l'Etat et "moins de dix" un enfant né à l'étranger. 

France Info prend pour exemple Julien, ingénieur informatique, et son mari : pour eux, l'attente dure depuis près de trois ans. Ce couple, marié dès 2013, a pourtant reçu l'agrément pour adopter un pupille de l'Etat. Mais depuis 2015, rien n'avance. Leur dossier a été présenté une première fois à un conseil de famille des pupilles de l'Etat. Cette commission, qui réunit des conseillers départementaux, des membres d'associations familiales, mais aussi des professionnels de la protection de l'enfance, décide de l'adoption de ces enfants. Or, le projet du couple a été rejeté. "Je savais que ce serait long", philosophe notre Julien. Un cousin hétérosexuel a adopté, cela a pris quatre ans." L'ingénieur se veut tout de même optimiste. Mais les assistantes sociales l'accompagnant le sont beaucoup moins. "Elles nous expliquent que les conseils de famille sont assez conservateursDans de nombreux cas, ils vont privilégier des dossiers de couples hommes-femmes."

D'autres témoignages recueillis par France info confirment ces réticences : sous couvert d’anonymat un membre d’une commission d’approbation va jusqu’à dire : "tant qu’on aura des couples avec un père et une mère, on les privilégiera". Nicolas Faget, porte-parole de l'Association des parents gays et lesbiens (APGL), dénonce "une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle" dans plusieurs départements. Contacté par les enquêteurs de France info, Jean-Marie Muller, président du conseil d'administration de la Fnadepape, une fédération regroupant des membres de conseils de famille de pupilles de l'Etat, répond sans filtre : « les conseils de famille sont libres de leur choix et n'ont pas à le justifier. Quand nous pouvons présenter à l'adoption un jeune couple père-mère, c'est le choix que les conseils de famille font ». Il ajoute :  "tant qu'on aura des couples jeunes, stables, avec un père et une mère, on les privilégiera ». 

Cinq ans après la bataille pour le mariage et l'adoption pour tous, "le droit est là, mais on ne s'est pas donné les moyens de l'appliquer", résume Dominique Boren, coprésident de l'APGL. « Si vous êtes un couple d'homosexuels, vous avez une chance résiduelle pour que votre adoption aboutisse. L'adoption pour les homosexuels est de plus en plus considérée comme une voie de garage. Elle décourage tellement nos adhérents qu'ils se tournent aujourd'hui vers la PMA et la GPA à l'étranger » analyse Nicolas Faget, porte-parole de l'APGL .

On le voit, le législateur est parfois plus en avance sur son temps que ses administrés...



101 réactions


  • Antoine 17 mai 2018 12:52

    Le mariage pour tous a permi de faire du mensonge le fondement de la justice.

    Pourquoi ?
    Parce qu’il est aujourd’hui possible d’écrire dans un acte d’état civil, qui est l’acte de justice de base, qu’un enfant peut être né de deux mères, ce qui n’a jamais existé et n’existera jamais.
    Nous sommes devenus fous.

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