samedi 18 octobre 2014 - par Laurent Herblay

Boutons l’anglais hors de l’espace public

« What did you expect ?  », « what else ?  », la gamme « make up  » de l’Oréal : lentement, mais sûrement, la langue anglaise gagne du terrain sur notre territoire, dans tous les domaines. Slogan publicitaire, noms de produits ou de magasins, noms des films. A quand le coup d’arrêt ?

L’anglais qui s’impose
 
Il est sacrément paradoxal de constater que depuis le vote de la loi Toubon, insidieusement, mais sûrement, notre belle langue perd des parts de marché dans notre espace public national. Tout le problème vient du fait que cette progression, aussi certaine soit-elle, est lente, et donc peu spectaculaire. Pourtant, pour qui parvient à se souvenir de la situation d’il y a 20 ou 30 ans, la situation s’est largement dégradée. Nous allions faire nos courses dans des Atac ou des Champion, et non des Simply Market ou des Carrefour Market. Le nom des films était presque toujours traduit dans la langue de Molière. Relativement peu de produits avaient des noms aux consonances anglo-saxonnes.
 
Mais le pire est sans doute atteint dans la communication, où il semble qu’aujourd’hui une communication sur trois comporte un mot d’anglais. On trouve « l’art de vivre, by Roche Bobois  ». On se demande bien quel est l’intérêt de mettre « by  » au lieu de « par  ». Et on ne compte plus les marques qui adoptent des signatures en anglais, certes traduites, mais le plus souvent de manière trop discrète. Schweppes demande « what did you expect ? », Nespresso, « what else ?  », Adidas affirme « get ready !  », Sony soutient « this is for players  » pour sa nouvelle console, Evian promet « live young  ». On ne voit pas bien l’intérêt qu’il y a à ne pas traduire en français ses slogans, qui ne sonnent pas moins bien qu’en anglais. Et passons sur le « motion and emotion  » de Peugeot, absolument incompréhensible.
 
De l’économie et de la politique

La raison pour laquelle les entreprises utilisent des slogans en anglais n’est pas idéologique mais seulement pragmatique et économique. Comme l’anglais est devenu la lingua franca du monde, il est plus simple de demander aux agences de trouver des slogans dans cette langue plutôt que de travailler sur des slogans locaux qui imposent traductions et validations. Encore une fois, il semble que le néolibéralisme rêve d’une planète qui serait plate et de consommateurs qui seraient plus globaux que locaux. Tout ceci permet des économies d’échelle et une facilité de gestion que les langues nationales compliquent grandement. La globalisation des affaires n’a que faire des langues et des cultures.

Pourtant, aussi lente soit elle, cette progression de l’anglais n’en est pas moins insidieuse et doit absolument être combattue. D’abord, parce que la langue officielle de notre République est le français, pas l’anglais, et qu’il revient à l’Etat de défendre l’espace public de cette invasion. Le Québec a montré la voie avec des lois volontaires. Par-delà le snobisme de certains anglophones à l’égard de ceux qui maîtrisent moins bien la langue de Shakespeare, pour qui l’anglais représente souvent une forme de rejet de ce qu’ils sont, la langue est un élément majeur de notre identité et de notre culture. En ne la défendant pas, nous laissons faire la déconstruction partielle de notre identité et de notre culture.
 
Bien sûr, les partisans du « laisser-faire » hurleront sans doute à la censure et à l’autoritarisme, mais parce que le français est notre langue officielle, il doit être défendu beaucoup plus fermement face à ces dérives. Cela doit passer par l’interdiction totale de l’emploi de l’anglais dans notre espace public.


11 réactions


  • Diogène diogène 18 octobre 2014 17:16

    C’est vrai que singer les Américains (et non pas les Anglais !) est une attitude énervante, et il devient pénible par exemple de regarder Canal plus adepte de cette manie avec le « before », l’« after », les « people », le « family », etc... mais aussi de contater que ceux qui veuelent valoriser leur image croient bon d’intituler leur raison sociale en américain comme M. Tirole et sa « Toulouse School of Economics » !


    Michel Jonasz chantait :
    « Le blanc qui chante Toulouse 
    Le noir chante : »I was born to lose« . 

    Macron déclare :
    « Nous sommes une société mature mais averse au risque où l’entreprenariat est insuffisamment considéré et où règne l’anarcho-syndicalisme. »
    Pour lui, »averse« est la traduction française du mot américain »adverse" !

    Là-haut on parle un sabir anglo-américain comme les clergé de l’église gauloise parlait latin pour formater les tribus conquises à la culture du maître.

    Dans quelques centaines d’années, le Français ressemblera autant à la langue d’aujourd’hui que les poèmes d’Aragon peuvent ressembles aux odes de Pindare !

    C’est toujours le conquérant qui impose sa langue.



  • coquecigrue coquecigrue 18 octobre 2014 18:06

    Nous assistons à la lente agonie du français... La pub n’est qu’un signe clinique précurseur, un symptôme de la mondialisation mortelle. 

     Merci l’Europe !
    Voir le site : http://www.ema.europa.eu/ema/ = Agence Européenne du Médicament ! Même pas traduit, simple copier-coller des directives américaines provenant de la FDA ! Et à partir de la ratification (inéluctable) du Traité Transatlantique, le processus d’acculturation va s’accélérer...



  • Taharqa 18 octobre 2014 20:02

    Il y a plus de signes anglais dans l’espace public en France aujourd’hui (panneaux publicitaires, enseignes commerciales) que de signes allemand pendant l’occupation. Quant à Canal +, on peut considérer ni plus ni moins que c’est une chaine de collabos, le Radio Paris de notre époque. TF1 n’est pas en reste avec The Voice, etc.

    Un simple exemple : le budget participatif 2015 de la ville de Paris incluait le « coworking étudiant / entrepreuneurs » ainsi que du sport dans des « playground » et des « city stade ». Quand ce genre de dérive se produit, ne pas hésiter à harceler les élus sur les marchés, à la mairie pour leur demander des comptes.


  • quid damned quid damned 18 octobre 2014 21:56

    Salutations l’auteur.
    « Le Québec a montré la voie avec des lois volontaires. »
    J’ai entendu dans une émission radiophonique qu’un professeur de français passionné de Rabelais lisait les oeuvres de ce dernier à ses élèves avec l’accent québécois. Selon lui c’est de cette façon que s’exprimaient les français de l’époque (du moins ceux de la région de Rabelais).
    Je n’en serais pas étonné, car à l’instar des textes de ce grand écrivain le québécois a quelque chose à la fois de jovial, chaleureux, authentique, chantant, et j’en passe.
    (Amis québécois que je salue au passage, et ce n’est point flagorneries, je suis sincère)
    English Shall Not Pass.
    Et non je ne suis pas anglophobe, loin s’en faut, la langue de Shakespeare est très belle aussi, mais il est vrai que l’utilisation à outrance de cet idiome dans toutes les productions publiques est ridicule et affligeante.
    À noter aussi que le phénomène « reverse »  : ) se produit aussi outre manche mais à moindre échelle est essentiellement par snobisme.
    Sur ce j’men va attacher ma tuque avec d’la broche et faire un tour dehors.


    • sls0 sls0 19 octobre 2014 06:22

      Les québécois protège le le français c’est très bien. Au Canada si je me base sur cette page, 17% déclarent pouvoir suivre une discussion en anglais, c’est très bien aussi.
      J’habite à l’étranger (el español se habla localmente), c’est vrai que coté langue on est pas des pointures.
      Plus de connaissances dans les langues étrangères aiderait peut être mieux pour la défense de la langue française, il vaut mieux choisir que subir. 


  • Donbar 18 octobre 2014 23:52

    Une loi n’est qu’une petite digue de rien du tout, en ces domaines, si elle n’est pas appuyée par une forte volonté collective. Et si celle-ci est suffisante, la loi perd sa raison d’être.

    Qu’attendent les organisations de défense du français pour organiser des actions populaires, dans la durée bien sûr ? Les entreprises sont très soucieuses de leur réputation.


  • zelectron zelectron 19 octobre 2014 02:10

    ALEA JACTA EST !
    essayez donc de faire du commerce, de la technologie ou de la science, de la médecine ou de la diplomatie au plan international sans la langue de Shakespeare, vous m’en direz des nouvelles.
    A moins qu’il y ait dans vos plans une résolution de l’abrutissement des « masses laborieuses »


  • Mmarvinbear Mmarvinbear 19 octobre 2014 02:46

    La loi Toubon est une infamie qui a permis la médiatisation de « chanteurs » qui n’auraient jamais passé la porte des studios si les radios n’avaient pas été forcées de programmer un fort pourcentage de merde tricolore.


    Cali, Calogéro, Obispo sont trois raisons vivantes( et loin d’être uniques ! ) pour demander l’abrogation de ce texte ridicule au nom de la préservation du vrai talent.

    Quand aux caciques de la francophonie à marche forcée, qu’ils sachent que l’ anglais possède un tiers de son vocabulaire originaire du...Français !

    Et que donc, cette « invasion » n’est qu’un juste retour au bercail pour beaucoup de locutions.

    FYI...

    (^^)

  • jeanVidales jeanVidales 20 octobre 2014 16:21

    Rising star, Huffington Post, Free Mobile ... il n’y a pas que dans la publicité. Et tout ça n’a pas vocation a être vendu à l’international, mais c’est bien pour être vendu à un public Français. Il y a évidement des progrès à faire.
    L’autre problème c’est quand les anglophones invente de nouvelle chose qu’il faut traduire en français. Il ne faut pas dire email mais courriel. Mais parfois c’est plus dure, comment traduire en français Youtube ?


  • Xenozoid 20 octobre 2014 16:26

    et le francais,la langue,n’est elle pas une collection de plusieurs origines ?
    Pas que le francais ne doit plus être parlé ou écrit, mais une langue qui stagne est vouée a mourir,et vous le savez tous


  • enréfléchissant 20 octobre 2014 21:49

    Partagé sur le Comité de vigilance contre le tout-à-l’anglais :)


    On s’active, la sauce va monter !

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