jeudi 2 août 2018 - par Laurent Herblay

Ce service public qui recule sur tous les fronts

L’actualité est parfois extrêmement révélatrice sur l’évolution de nos sociétés. Coup sur coup, une enquête a révélé le profond malaise des policiersune autre a montré les carences de la sûreté nucléaire, avant que les résultats du CAPES démontrent une nouvelle fois le manque d’attrait du métier d’enseigant. Trois graves symptômes de l’affaiblissement du service public et du recul de l’Etat.

 

Une longue déconstruction au ralenti
 
Le recul du service public en France ne se fait pas à la manière, brutale et rapide, de Thatcher, mais de manière pernicieuse, lente, progressive, petit morceau par petit morceau, gouvernement après gouvernement, de droite, comme prétendument de gauche. Bien sûr, nous ne sommes pas encore allés aussi loin que les pays anglo-saxons, Londres ayant déjà privatisé son service public ferroviaire il y a des décennies, avec des résultats désastreux. Mais en France, on réduit le nombre de postes, gèle les salaires, dévalorisant une fonction essentielle, change un statut en promettant de garder le capital, puis vend une partie du capital, avant de supprimer des postes par milliers.
 
Le résultat est tous les jours plus apparent. Un récent rapport sénatorial, fruit du travail d’une trentaine de parlementaire, du PS aux dits Républicains, a détaillé « le grand malaise des flics  ». Le constat est effarant, à une époque où les forces de l’ordre nous protègent du terrorisme : 21 millions d’heures supplémentaires non payées et des moyens dégradés, de vitres cassées non réparées à des équipements si manquants que les policiers doivent parfois les acheter sur leurs propres deniers. La RGPP est passée par là, aggravée par des lourdeurs de procédure. Résultat : un profond malaise de ceux qui doivent assurer notre sécurité, dont le taux de suicide est le double de celui de la population.
 
 
Autre information témoin de la dégradation de notre service public : le manque de candidats au Capes, qui fait que tous les postes disponibles n’ont pas été attribuées, en français, grec, latin, maths ou allemand. Le ministère devra donc à nouveau avoir recours aux contractuels, qui représentaient 20% des effectifs sur l’année scolaire 2016-17  ! Un triste constat qui démontre que le statut d’enseignant n’attire plus, un état de fait effarant après des décennies de chômage de masse, la preuve éclatante du mauvais traitement que l’Etat inflige à ceux qui ont en charge notre jeunesse, mal payés, pas assez nombreux, privés d’autorité et mal formés. Pas étonnant que le niveau ne cesse de baisser.
 
 
Sécurité, énergie, éducation : sur trois domaines clés de notre service public, la situation est extrêmement dégradée. Les raisons sont tristement évidentes : des années de rationnement de ces grandes institutions, privées des moyens de remplir leurs missions, ont produit ces terribles résultats, notamment du fait de l’euro. Les responsables sont tous ceux qui se sont succédés au pouvoir depuis trop longtemps.


18 réactions


  • zygzornifle zygzornifle 2 août 2018 09:55

    Il recule tellement qu’on ne l’aperçoit presque plus ,d’ailleur on devrait le rebaptiser service pudique .....


    • Arogavox Arogavox 2 août 2018 14:19

      Premier point :
       oui, le devoir de ’service public’ est actuellement négligé par la République ( Chose publique)
       (Ne serait-ce que par la disparition des bancs, toilettes, téléphones publics jadis accessibles aux rien non motorisés ni smartphonisés ... et le remplacement des bancs et abris de bus par une signalétique pour handicapés qui ne permettra pas mieux la prévenance de leur laisser de la place pour s’abriter ou se reposer ...)
       
       Reste l’absurde incohérence, soulignée par le scandale actuel, de la non-égalité-en-droit entre subordonnés ’du public’ et subordonnés ’du privé’ ... et de la confusion problématique et inquiétante qui en ressort.
       
      ... mais, pour il ne suffit pas d’être d’accord pour dénoncer des turpitudes pour ne pas avoir à approfondir le débat sur les remèdes envisageables ...


    • Arogavox Arogavox 2 août 2018 14:49

      Cet article nous dit :
      " Le rapport de la Commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires est venu rappeler des carences pourtant connues depuis longtemps.
      Il rappelle notamment l’effarant recours à la sous-traitance par EDF pour assurer la maintenance des centrales nucléaires. 
      Selon le rapport, les exploitants, comme EDF, sont «  devenus dépendants de leur sous-traitance  » et ont perdu « la maîtrise technique de certaines opérations », dénonçant la «  dilution des responsabilités » et « une formidable pression exercée sur les prestataires ». « 

      pour conlure, ce que, par contre je ne saurais reconnaître comme principe logique :
       Il est clair que ce savoir-faire devrait seulement rester au sein de l’exploitant EDF. »
       
       Pourquoi ne pas laisser chaque Français tirer démocratiquement ses conclusions ?
      ( Parce que depuis un certain NON au référendum européen, les référendums recommandés par notre Constitution , c’est pour les chiens ?)

       Ne saurait-on, en France, opter qu’entre deux ’solutions’ dépassées lorsqu’aucune ne laisse entrevoir une efficience crédible dans un contexte qui appelle plutôt à un changement de paradygme.
       
       L’appel à la ’prestation de service’ (et tous les corllaires qui vont avec ...) est un phénomène qui ne touche pas qu’EDF !
      Même la Grande Muette y est et y restera fatalement confrontée ...
       Nul ne peut ignorer non plus, maintenant, que même la garde rapprochée d’un Président de la Chose Publique y a eu recours !

       Alors, si même un Jupiter se trompe sur la nature de la hauteur à prendre, ou du recul nécessaire pour aborder la question, ne devient-il pas indispensable de laisser intervenir ce
       « grand nombre de petites différences » dont (selon JJ Rousseau) « résulteroit toujours la volonté générale » !


    • Arogavox Arogavox 2 août 2018 15:01

      correction :
      https://fr.wikipedia.org/wiki/Paradigme  : « une manière de voir les choses »


  • JC_Lavau JC_Lavau 2 août 2018 10:13

    Louis Ducatel avait donné la solution aux présidentielles de 1969 : continuer à râler contre les impôts, en attendant les commandes de l’Etat.


  • Clark Kent Clark Kent 2 août 2018 10:25

    Il ne faut pas confondre :

    - service public et secteur public : si SNCF et EDF appartiennent au secteur public par suite de nationalisations de compagnies privées déficitaires, les deux notions sont indépendantes l’une de l’autre. Un service public peut être rendu par des entreprises privées ou des associations. C’est le cas de la distribution de l’eau, ou celle des soins médicaux, et même de l’enseignement (écoles privées sous contrat et subventionnées par l’État) . Inversement, une entreprise publique ou même une administration peut mener des activités étrangères au service public pour équilibrer son budget.

    - service public et système monopolistique : un service public peut être exercé dans un cadre concurrentiel (télévision, courrier, médecine).

    - service public et « au service du public » : certaines administrations publiques n’ont pas pour objet de fournir des prestations directes à des usagers. C’est le cas des inspections du travail qui assurent le respect du code du travail mais n’offrent pas de prestations à proprement parler.

    - service public et puissance publique : qu’il s’agisse des rois, puis à leur suite les états de toute nature qui leur ont succédé, la classe dominante assure la pérennité de son pouvoir à travers l’exercice des activités dites régaliennes, l’armée, la justice et la police. L’affaire Benalla est un symptôme évident de troubles physiologiques de la puissance publique de l’état dans un pays où certaines fonctions régaliennes sont susceptibles de passer soit au privé, soit à une superstructure européenne.


    • Zolko Zolko 2 août 2018 15:21

      @Clark Kent : commentaire excellent et nécessaire. Merci


    • Arogavox Arogavox 3 août 2018 10:13

      @Clark Kent

      "la classe dominante assure la pérennité de son pouvoir à travers l’exercice des activités dites régaliennes, l’armée, la justice et la police« 

       Dans ce cas, il est d’autant plus clair que le régime de pouvoir actuel n’a pas grand chose de démocratique, mais surtout qu’il ne respecte pas la Constitution en vigueur qui prétend viser à l’égalité en dignité !
       
       Pour ce qui est de la Justice (plus particulièrement, quoique l’affaire Macron semble ne narguer que la police, après l’armée) se pose une question de timing pour un objectif paradoxal.

       Si le gouvernement déviant a programmé une privatisation de la Justice, celle-ci devrait vouloir s’en protéger en destituant le monarque. Mais, ce faisant, elle s’écarterait de la »classe dominante" : dilemme ! Si elle empêche cette destitution, alors elle accepte sa mise à mort programmée !
       
       Donc, si cette Justice, déjà fort habituée à des délais de prises de décision irresponsables, suit ici son incurable penchant à faire traîner sa décision finale, ce ne pourra être que pour profiter d’un ultime délai pour sauver quelques meubles avant de quitter le navire en perdition.


    • Zolko Zolko 3 août 2018 11:51

      @Arogavox : je pense que ClarK Kent a voulu montrer la confusion de l’article entre service public et secteur public.

       
      L’eau potable est un service public, dans le sens qu’il est vital pour la survie même de la société et que 100% de la société l’utilise, et pourtant ce service est fourni par des organismes privés ou publics, selon la localité, mais vous ne pouvez pas vous-même choisir le fournisseur (car vous n’avez pas 3 robinets chez vous). A l’inverse la SNCF est une entreprise du secteur public, dans le sens qu’elle appartient à l’état, et pourtant elle fournit un service qu’on peut aussi obtenir par d’autres moyens : taxi, bus.... D’ailleurs, Air France ou France Télécom avaient été des entreprises du secteur public, qui ont été privatisées et mises en concurrence, et personne ne s’en porte plus mal.
       
      C’est cette malhonnêteté de confusion volontaire qui est malsaine.

    • Arogavox Arogavox 3 août 2018 14:58

      @Zolko

       Pas de confusion entre service et secteur public dans la question, orthogonale, d’une confusion d’aurorité par le Président actuel n’empêchera pas ces dux cas de confusion de se produire ’en même temps’, par accumulation de confusion.

       La confusion d’autorité qui devra conduire à sa destitution est une confusion entre l’autorité de l’Etat, et une vision arbitraire d’une autorité personnelle émanant de sa personne.

      En France, officiellement, aujourd’hui, l’autorité étatique est exercée par des agents publics (fonctionnaires) organisés en institutions ayant un droit propre, le droit public.

       Le fait que ce droit public doive aujourd’hui être mobilisé à cause d’une confusion d’autorité occasionnée au niveau du Cabinet Présidentiel par le Président lui-même prouve déjà, à lui seul, que ce Président ne sait pas incarner l’autorité de l’Etat.

       
       La preuve que cette incapacité est incompatible avec l’exercice de son mandat est apportée par les réactions rencontrées dans la Presse étrangère, témoignant de la perte de crédibilité de la représentation française
       (entre autres ,
       - en Espagne : selon le quotidien La Vanguardia, le président français est « vulnérable », voire « fragile ». « Macron peut certes étouffer des motions de censure, mais il ne peut pas éteindre le feu du scandale, écrit le journal El Pais. Ce qui est en jeu, et sur le tapis, c’est sa façon de gouverner, régalienne et peu à l’écoute des gens. »
      - en Allemagne : Un président a tout à fait le droit d’exiger le respect des bonnes manières, mais il faut qu’il soit aussi pointilleux avec lui-même et les siens », indique le Süddeutsche Zeitung, repris par Courrier international. Le quotidien munichois « a du mal à comprendre pourquoi l’Élysée a cru que cet incident disparaîtrait comme ça, sans choquer personne »)


  • Clark Kent Clark Kent 2 août 2018 12:38

    « Le niveau baisse partout, »


    en même temps, avec la canicule, ça s’explique ! 
    vous verriez la rivière, chez moi...

  • Venceslas Venceslas 2 août 2018 12:44

    Merci, Monsieur Herblay pour cet article. On se demande comment on a pu en arriver là. 


    • Clark Kent Clark Kent 2 août 2018 13:02

      @Venceslas

      en votant comme des manches !

    • Allexandre 2 août 2018 18:54

      @Clark Kent

      Bonsoir
      Vous pensez que cela a à voir avec le vote ? La baisse du niveau, tous genres confondus, ne cesse de baisser depuis quarante ans et s’est accéléré depuis 2010.
      Droite ou pseudo-gauche, le résultat est le même. Présidents et gouvernements ne font que ce qu’on leur impose de faire depuis Bruxelles, où la Commission est aux ordres des lobbies de toutes sortes.
      Et je pourrais continuer, mais je m’arrêterai là. Le problème, c’est de voter tout court !!!

    • Venceslas Venceslas 2 août 2018 22:54

      @Clark Kent
      Et maintenant, du balai !


  • Odin Odin 2 août 2018 14:35

    Triste constat que cette situation de la perte de notre secteur public.

    Nos gouvernants successifs, depuis Pompidou, ne font que suivre les directives de l’U.E. pour établir les États Unis d’Europe dans un premier temps.

    A qui la faute ? Aux mougeons qui ont mis à l’Élysée une nouvelle marionnette de l’oligarchie financière sans comprendre la finalité des objectifs, plus de régalien, l’état c’est l’U.E. 

    Et en 2022, rebelote dans la continuité de ce dépeçage, on peut faire confiance aux médias pour que les veauxtants ne fassent pas d’erreurs et choisissent le bon candidat ultra européiste. 


  • zygzornifle zygzornifle 2 août 2018 17:20
    Ce service public qui recule sur tous les frontson pourrait aussi se dire que depuis l’élection de Macron : ce service public t’en....le sur tous les fronts ....

  • devphil30 devphil30 2 août 2018 18:21

    Un bon livre explicatif sur le sujet


    Antisocial de Thomas Guenolé

    https://livre.fnac.com/a11267115/Thomas-Guenole-Antisocial

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