Cour de Cassation : les participants des émissions de télé réalité ni esclaves, ni artistes
L’arrêt était très attendu dans le petit milieu de la télé réalité. La Cour de Cassation avait reconnu la relation de travail qui se dissimulait derrière les contrats de participation aux jeux de télé réalité. Elle s’est prononcée mercredi 24 avril 2013 sur le cas de 53 anciens participants de « L’île de la Tentation » et a refusé de leur accorder le statut d’artiste interprète.
En toute logique dirait-on. Même si Maître Spinosi, l’avocat des candidats, affirme que la Cour de Cassation « n’est pas allée au bout de sa logique » en ne reconnaissant pas le statut « d’artiste interprète » aux candidats, laissant par là un « vide juridique », et faisant desdits salariés des « salariés fantômes », il convient d’y voir clair. Les candidats ont un statut juridique. Ce sont des salariés ordinaires et non pas des artistes interprètes relavant d’un statut d’exception. À ce titre, ils bénéficient du statut juridique des salariés de droit commun. Ils relèvent des règles du code du travail comme tous les salariés. La télévision ne peut donc pas en faire des esclaves, mais il ne sont pas pour autant comédiens du simple fait qu’ils évoluent devant des caméras.
Les « jeux d’aventures » ont beau être truqués, les dés pipés, cela ne suffit pas à faire de ceux qui sont ainsi dupés par les sociétés de productions de télé réalité des comédiens. Comédiens, il le sont, mais à leur insu, et non pas statutairement. Puisqu’on leur demande seulement d’être « eux même ». Ce naturel fut-il altéré par la présence des caméras, le milieu artificiel dans lequel ils sont contraints d’évoluer, et l’existence de directives attestées par les « bibles » de production. Ces documents ne sont pas à proprement parler des scénarios, mais de simples plans de tournage. Ils établissent un carcan de contraintes et un cadre dans lequel les candidats seront contraints d’être eux même. Un emploi du temps certes coercitif et rythmé, avec épreuves, parcours à suivre, et une nomenclature d’obligations auxquelles ils doivent se soumettre sous peine d’être exclus. Ils répondent bien aux ordres de leur employeur par l’intermédiaire d’un présentateur ou des équipes techniques et éditoriales, mais pas un scénario qu’ils doivent apprendre par cœur, répéter de nombreuses fois, et jouer.
Les « bibles » de production, au moins celles qui nous a été permis de consulter, constituent bien des emplois du temps très détaillés des tournages qui s’étendent parfois sur 24 heures dans le cas de certaines télé réalité (Pékin Express, Koh Lanta, Secret Story). Les candidats étant en permanence filmés ou à disposition de la production sur leur lieu de travail. Mais ce sont bien des salariés qui travaillent 24 heures sur 24, et non pas des artistes interprètes. Les producteurs de télé réalité peuvent se réjouir. Cette menace écartée, ils trouveront désormais certainement beaucoup plus rentable de s’acquitter de quelques condamnations occasionnelles, aux termes de procédures qui prennent des années, que de payer à des centaines de salariés, fussent-ils au SMIC, des heures supplémentaires qui ne sont plus défiscalisées, et les lourdes charges sociales y afférentes.