lundi 23 novembre 2015 - par Nicolas Kirkitadze

D’où vient la « minute de silence » ?

Lundi dernier, à midi, la France s'est figée pour une minute... Une minute de silence a été observée sur l'ensemble du territoire afin de rendre hommage aux 130 victimes des attaques de Paris. Un hommage semblable avait été rendu aux victimes des attentats de Charlie Hebdo et de l'HyperCasher le 8, le 11 et le 12 janvier. Mais d'où vient cette tradition et que signifie-t-elle ?

Les états ont toujours été soucieux de rendre hommage à leur façon aux soldats qui laissaient la aux champs d'honneur. Ainsi, dans la France chrétienne on sonnait les cloches ou bien, on tirait au canon. Les révolutionnaires, dans un souci d'expurger la France de ses traditions chrétiennes, ont largement généralisé l'usage du canon au détriment de ces cloches, qui décidément, étaient plus bruyantes que les cris des innocents menés à la guillotine au nom de la liberté...

Les militaires haut-gradés avaient un "traitement de faveur" (si l'on peut dire) dans la mesure où ils étaient les seuls (avec les monarques et les princes de sang, en période de monarchie ou d'empire, avec les ministres et présidents en période républicaine) à avoir droit à une salve de canons en leur souvenir. Si le militaire en question était mort au champ de bataille, l'hommage était plus somptueux que s'il s'agissait d'un vieux général expirant dans son lit.

La Première Guerre mondiale change tout. Les soldats morts s'accumulent par milliers. "Il n'est pas une famille qui ne'ait été endeuillée dans la Grande Guerre" dira-t-on plus tard. La France aura perdu en tout un millions d'hommes.

Quand l'armistice est finalement signé le 11 novembre 1918, c'est une véritable bacchanale qui a lieu dans les rues de Paris et Londres. On célèbre la paix avec bruits et fracas. Un journaliste australien, Edward G. Honey (1885-1922) est présent ce jour là à Londres, et loin de s'extasier, c'est un malaise psychologique qu'il ressent. Car s'il se réjouit de la victoire, il n'est que trop bien placé pour connaitre les horreurs de la guerre, lui qui a servi dans la boue des tranchées à la fois comme soldat et comme reporter de guerre. Il connait la souffrance de ses camarades, souffrance qu'il a enduré lui-même, et plusieurs de ses amis sont morts au front.

Dans son flegme de gentleman anglo-australien, Honey se dit qu'une commémoration plus sobre serait mieux appropriée à l'avenir. Le 8 mai 1919, dans le London Evening News, il publie un article dans lequel il suggère "Cinq petites minutes seulement. Cinq minutes de commémoration nationale Communions avec ces glorieux soldats qui ont donné leurs vies pour que nous soyons en paix".

Cet appel serait resté sourd, si Honey n'avait eu pour ami un certain Percy Fitzpatrick, entrepreneur, et éditeur sud-africain, familier de la haute société britannique. ce dernier avait perdu trois fils dans la Grande Guerre et, tout comme Honey, s'il se réjouissait de la paix et de la victoire, il souhaitait une certaine solennité pour les soldats morts et leurs familles. Il fit part de ce sentiment au lord Arthur Stamfordham, secrétaire particulier du roi Georges V Celui-ci reçut Honey et Fitzpatrick, il leur arrangea un rendez-vous avec le roi. Georges V fut séduit par cette proposition mais trouva qu'un silence de cinq minutes serait trop pesant et réduisit la durée à deux minutes. La loi fut promulguée en octobre 1919.

Il en fut de même en France lorsque au matin du 25 octobre 1919 l'Assemblée adopta (à l'instigation de Poincaré et Clémenceau) une loi qui recommandait d'observer une minute de silence chaque 11 novembre en souvenir des soldats morts pour la France.

Une rivalité historiographique existe pour déterminer qui des Français ou des Anglais a le mérite de la création de cet hommage. Je ne rentrerai pas dans de tels débats. Mais, le fait est que ce sont bien les Britanniques qui, les premiers, en ont eu l'idée.

Que ce soit en France ou en Angleterre, la "minute de silence" était initialement destiné aux seuls militaires. Ce n'est qu'après la Seconde Guerre mondiale qu'il se démocratise, ce conflit ayant fait bien plus de morts civils que militaires. Les variations perdurent toutefois : en France il s'agit d'une minute, deux au Royaume-Uni et trois aux Etats-Unis. En Israël, une minute de silence est observée chaque 27 nissan (avril-mai) avec la main sur la poitrine, en mémoire des victimes de la shoah.

Sa signification est somme toute assez simple. Si à l'heure de la religion d'état, il était d'usage de célébrer les seuls offices religieux funèbres, la sécularisation a rendu cela difficile : comment célébrer un office religieux pour un athée ? Ou que faire si celui qui veut rendre hommage est athée ? La minute de silence est, par sa nature, un moment de recueillement, de méditation, une "prière laïque" comme le disent certains historiens. En effet, il s'agit là d'un rite civil dans lequel peuvent se retrouver des croyants de tous horizons (mais aussi des incroyants) mus par le désir commun de rendre hommage à une (ou plusieures) personne(s) disparu(s), et ce, au delà de leurs différences d'opinions.



11 réactions


  • howahkan Hotah 23 novembre 2015 12:10

    hello...
    On pourrait entendre cela à des siècles de silences...que les humains, moi compris évidemment nous la fermions TOUS enfin...

    L’Univers ne parle pas LUI enfin pas comme nous...et pourtant il est encore « achement » plus balaise que nous

    salutations......


  • Le p’tit Charles 23 novembre 2015 12:26
    D’où vient la « minute de silence » ?...heu..d’un problème de pendule.. ?

  • YvesProvence 23 novembre 2015 15:36

    Un article très intéressant mais il me semble que « plusieurs » ne se féminise pas, même si on parle de plusieurs personnes qui lui est bien féminin.


    Dernière ligne de l’article :
    « (ou plusieurs) personne(s) disparu(s) »

    et non pas
    (ou plusieures) personne(s) disparu(s)

    Et Nicolas sera content de voir qu’une personne, au moins, est allée jusqu’au bout du sujet ! smiley


  • Fergus Fergus 23 novembre 2015 16:49

    Bonjour, Nicolas

    Merci pour cet article instructif déjà lu en modération.


  • Abou Antoun Abou Antoun 23 novembre 2015 21:45

    La minute de silence a un avantage, elle permet de se compter ...
    Quand elle est sifflée et huée, il faut en tirer les conséquences, les vociférateurs approuvent les assassinats.


  • EpiqueTête EpiqueTête 24 novembre 2015 07:58

    La minute de silence c’est gênant et hypocrite, pour toutes ces larves émotives et conformistes ça convient, mais l’homme libre n’a pas besoin d’un moment pour se recueillir et compatir. 


    • Fergus Fergus 24 novembre 2015 08:56

      Bonjour, EpiqueTête

      « l’homme libre n’a pas besoin d’un moment pour se recueillir et compatir. »

      Certes ! Mais la dimension collective est également importante, chacun ayant besoin de mesurer la force de la solidarité dans un moment dramatique. La minute de silence répond symboliquement à ce besoin.


    • Rensk Rensk 24 novembre 2015 12:30

      @Fergus

      Moment chef... vous avez un État qui vous promet une assurance et vous prend du fric tous les mois d’office pour cela...
      Il vous refuse toute couverture en cas d’incident assuré... Obligé de passer 16 fois au tribunal de toutes les instance du pays avec toujours un retour a « l’assureur obligatoire » de l’État qui continue de vous ignorer malgré les procès perdus depuis 2000...

       Être collectivement solidaire avec un État qui ment sans vergogne aux procès, qui ignore la justice et qui en plus est le principal responsable de ce qui arrive en France... faut quand-même oser


    • jean-marc D jean-marc 24 novembre 2015 18:41

      @Fergus
      Bonjour Fergus,

      Voui, mais moi aussi j’ai depuis longtemps trouvé ce que j’appelle « le syndrome Gicquel » vraiment rédhibitoire (vous savez, le présentateur TV qui, à chaque catastrophe, avait un avion écrasé sur les pieds comme disait Coluche).
      C’est bien beau les marches blanches, les p’tites bougies, les p’tites fleurs, les p’tits drapeaux maintenant, les têtes d’enterrement d’apparat, les commentaires larmoyants, les slogans soi-disant populaires et rassembleurs style « je suis Charlie » (sans savoir si le verbe être ou le verbe suivre était utilisé) , « je suis Paris » (tiens, voilà une copie du premier, quels seront les prochains, Londres, Rome, Berlin .... ?), alors que chaque quidam lambda ne pense qu’une chose : « ouf, pas pour ma pomme cette fois.....et pourvu que ça ne m’arrive pas demain ».
      A quand une minute de silence pour chaque attentat, chaque innocent tué dans chaque pays victime de folie meurtrière ? Ces pays sont-ils trop éloignés, trop petits ou sans grande importance économique pour qu’on s’y intéresse de près ? Loin des yeux, loin du coeur, c’est bien connu.
      La force de la solidarité ? J’ai ouï dire qu’il y a seulement quelques jours, quelques pétards ont éclaté à Paris, j’en ai surtout retenu que nombre de gens se sont éparpillés dare-dare pour sauver leur peau, sans trop penser il me semble à sauver celle des autres. 
      C’est normal, c’est un simple et fréquent réflexe animal donc aussi humain, c’est tout.
      Toutes ces manifestations d’intentions louables ne sont que de la manipulation médiatique bien orchestrée, ça n’a malheureusement rien à voir avec une solidarité collective. 
      Et ça n’est pas non plus une forme d’hypocrisie de la part de ceux qui sont ainsi manipulés. Il suffit de booster quelque peu une seule des rares lueurs d’humanité qui subsiste en nous, prétendre désigner un but d’intérêt national pour opérer un rassemblement, tout en souhaitant ardemment que cela fasse pencher la balance en faveur de l’une ou autre politique bien calculée. Et surtout en ces temps ou le calendrier devient vital.......La coïncidence des circonstances est troublante n’est-il pas ?.
      Le monde n’a pas besoin de symbole(s), il a surtout besoin d’actes.Mais malheureusement, toutes les catastrophes autres que celles naturelles ou industrielles ont toujours été provoquées par volonté politique, directe ou indirecte.
      Mais ça n’est que mon humble avis, il semblera horrible à beaucoup, mais il n’est que pragmatique et réaliste, le gentil monde des bisounours (si tant à compter qu’ils soient aussi gentils qu’il n’y paraît) n’est pas pour demain.
      Bien à vous,

       

  • raymond 27 novembre 2015 16:30

    Pourquoi avez vous modifié votre cv ? vous n’êtes plus au fn ?


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