jeudi 26 octobre 2006 - par Argoul

De République à Nation, le Français et l’étranger

Etudes_d_histoire_coloniale L’imaginaire colonial a construit socialement un « blanc » civilisé, moderne et raisonnable, opposé au « colonisé » irrationnel, imperméable à la modernité, enfermé dans des traditions arriérées. La colonisation n’a pas affecté que les pays musulmans, loin de là - mais c’est avec les pays musulmans que le contentieux de la République française est le plus lourd. La colonisation n’a pas obéi seulement à l’idéologie coloniale mais a été une constellation de réseaux sociaux, d’intérêts économiques, de désirs aventureux, moraux ou spirituels. La France particulièrement a eu à cœur de réaliser une « mission civilisatrice » qui opposait en quelque sorte la « religion séculière » issue des Lumières aux religions traditionnelles considérées comme « obscurantistes ». Il est vrai que l’islam n’a pas encore, comme le christianisme, réussi à séparer Dieu et César. Le musulman abdique sa liberté d’expression dans sa foi. Il reconnaît que Dieu existe, qu’Il a parlé au Prophète, et que son message est que l’homme doit lui obéir. L’islam contient à la fois une croyance qui règle les rapports de l’ici-bas et de l’au-delà, une idéologie politique qui régente la société des hommes, et une morale qui régente les mœurs des individus en collectivité. L’islam est totalisant, voire, s’il est appliqué fondamentalement, totalitaire. Tout comme le christianisme de Byzance ou le catholicisme de Cluny, le stalinisme ou le nazisme. Ce n’est pas mépris que dire cela : c’est énoncer un fait historique.

On ne juge point du passé à la morale du présent (bien que les députés français le laissent malheureusement croire) ; on ne juge du passé qu’en fonction du contexte passé. Et, comme il s’agit d’un temps définitivement révolu, la raison peut s’y appliquer avec le moins de passion possible. Ce n’est pas être historien que plaquer les sentiments du présent sur un passé lointain, au contraire : c’est être idéologue, inventer une image motrice pour agir sur la politique au présent, en bref mentir, faire croire, donner l’illusion du « comme si » - par pure démagogie. Ce n’est même pas de la politique, mais plutôt de la manipulation.Colonies_missions_fr

Or « la colonie et la métropole se sont construites l’une avec l’autre, et pas seulement l’une contre l’autre comme on voudrait nous le faire croire, et ce rêve a profondément modelé les pratiques culturelles et politiques des Français », écrit fort justement le trio Nicolas Bancel, Pascal Blanchard et Françoise Vergès dans un petit livre de 2003 réédité en Poche Pluriel, La République coloniale. «  La République ne fut pas « bafouée », trahie, trompée aux colonies, elle y imposa, bien au contraire, son utopie régénératrice, l’utopie d’une République coloniale. » p.13 Ni indignation (qui n’est qu’une bonne conscience de la morale présente pour un passé définitif), ni remords (qui instrumente « la mémoire » au nom d’intérêts bien actuels, en «  droits » communautaires ou en espèces « réparatrices »), il s’agit plutôt de replacer la République dans son histoire, avec ses bons et ses mauvais moments. La structure ne se sépare point de ses serviteurs... La République française n’est pas née tout armée du cerveau enfiévré de quelques conventionnels, elle s’est construite pas à pas, avec essais et erreurs, bonnes intentions et infernales dérives, parfois. Il faut sortir la pensée du monde platonicien des Idées, qui enferme toute réflexion dans un « déjà créé » imaginaire. La réalité est ce que les hommes font avec les contraintes de leur temps et de leur milieu (notamment la nation), pas des rêves qu’il suffirait de mettre au jour en poussant les nuages.

Republique_colonialeImpossible_citoyen

La République a toujours été (et reste encore) une utopie en construction. L’esprit une fois libéré par les Lumières, les hommes font reposer la politique sur la loi. La loi s’oppose au « bon plaisir », le droit discuté, écrit, objectivé, s’oppose aux caprices fantasques d’un despote de droit divin (ou du plus fort). La loi est issue du libre débat entre gens éclairés et approuvée par les plus larges représentants de la société (parfois par tous les électeurs lors des référendums). Cette souveraineté du peuple qui se manifeste dans la loi ne peut être immédiate, car le peuple doit être éduqué pour s’exprimer comme un citoyen vraiment libre. D’où la priorité donnée à l’éducation par la politique républicaine, la véritable «  mission laïque », si forte durant les premières décennies de la IIIe République en France. Seule l’éducation peut former des citoyens véritablement « égaux », en droits certes, mais aussi en « moyens » : d’examiner, de réfléchir et de faire. Et l’on voit que cette succession logique d’idées républicaines forme une constellation qui peut fort bien aboutir à la colonisation. Celle-ci ne serait donc pas négation des principes républicains, mais une « dérive » partie de bonnes intentions (et condamnable), une réalisation différée de leur idéal : le droit libère, mais seuls ceux qui sont « éclairés » peuvent dire le droit ; en attendant qu’ils le soient, ce sont ceux-qui-savent qui les commandent - pour leur bien... Sommes-nous d’ailleurs sortis, dans la France monarchique et énarchique, de ce « modèle » de gouvernement ? Le processus de démocratisation a intégré progressivement paysans, ouvriers et femmes dans la République. Manquent les ratés de l’école, les exclus économique et les fils et petits-fils de colonisés.

Republique_nation_metro Et c’est là que la Nation vient, en France particulièrement, interférer avec la République. La Révolution, unanimiste dans la « volonté générale », s’est toujours méfiée des « étrangers » : non pas initialement ceux qui ne sont ni blancs, ni chrétiens, ni francophones, mais tous ceux qui, par leurs particularités, ne manifestent pas la volonté claire « d’en être », menaçant ainsi l’ordre et l’harmonie de la communauté. Pas de «  multiculturalisme » en France, car l’étranger est autant un témoin des temps « d’avant » que d’un espace « ailleurs », donc doublement suspect pour le message révolutionnaire français « en avance » (ou «  progressiste »). L’impossible citoyen, de Sophie Wahnich, Albin Michel 1997, est une étude éclairante à cet égard. Les Français désirent l’unité nationale avant tout (le messianisme dans un seul pays), républicaine en second (cette fois à prétention universaliste). Le terme de « souveraineté du peuple » a cette ambiguïté. L’universalité se doit de rester avant tout française, elle est un idéal pour les étrangers qu’il faudra « convertir », mais repoussée dans le futur par l’abîme culturel, politique et religieux. « Les colons français sont donc à la fois les héritiers de Rome, de la chrétienté, des croisades et de la Révolution » (La République coloniale, p.88).

Francophonie_carte_2004

Ce pourquoi votre Europe est muette, serait-on tenté de dire. La gauche, héritière avouée de la République progressiste (et volontiers missionnaire), veut faire plier l’étranger à sa loi qui est forcément « bonne » puisqu’universelle. Les « souverainistes » sont dans la même veine. L’abîme libéral, pragmatique et chrétien-démocrate des autres Européens repousse ce moment dans un futur indéfini. Le « chacun chez soi » se veut la norme, en attendant que « le modèle français » s’impose de lui-même, comme si la France était encore cette première nation européenne par sa démographie et sa puissance, comme au XVIIIe siècle...

Ce pourquoi aussi bonne intégration ne saurait mentir. Les jacobins (aussi bien de droite que de gauche) ne sauraient « voir qu’une tête  », la seule puisqu’éclairée. L’abîme régionaliste, communautaire ou d’outre-mer repousse ce moment dans l’éternel futur. Le « creuset républicain » vise à formater les individus en « citoyens » égalisés dans la tête et par les mœurs (à défaut de l’être économiquement), pas à les accepter tels qu’ils sont.

On peut même se demander si, au fond, la France ne sera véritablement nationale et républicaine que lorsqu’il ne restera plus qu’un seul Gaulois, retranché dans un seul village « qui résiste encore et toujours à l’envahisseur ». Etranger, l’envahisseur, forcément étranger.



14 réactions


  • panama (---.---.198.59) 26 octobre 2006 12:46

    Les colonies, c’est aussi l’ouverture sur un autre monde, des autres peuples, des autres civilisations. L’affiche de l’exposition coloniale de 1931

    http://www.alterites.com/element/actualite/image/actualite_i_1_1300.jpg

    montrait l’autre France : Afrique, Amérique, Asie.

    Vous montrez bien la dichotomie entre la théorie de la « mission colonisatrice » de la République, qui fut réelle : infrastructures dont les hôpitaux, arrêt des guerres tribales, protection des peuplades minoritaires, et celle l’opinion publique, pour qui les colonies sont à la mode, rien de plus, et à la rigueur font partie de la grandeur de la France au sens le plus prosaïque.

    Certes, des abus il y en eu, et des scandaleux. Mais relisez « un barrage contre le Pacifique » de M. Duras, un témoignage sur la vie dans les provinces oubliées des colonies, et des rapports entre colons et colonisés. Un témoignage sur la misère des uns et des autres.

    Passé la deuxième guerre, le cartièrisme a poussé la France a ne pas assumer ses responsabilités vis à vis de ses colonies. L’heure était à la reconstruction et à la participation au grand boom économique du nouvel ordre mondial.

    La France ne pouvait plus, ne voulait plus financer ses territoires lointains. On a choisi l’indépendance des colonies parce que ça coûtait moins cher, en argent, en énergie, et en hommes dont la France des trente glorieuses avait tant besoin.

    La France s’est repliée sur elle, sur « son » modèle gaulois et voltairien. Elle a oublié la diversité des cultures, des civilisations, des couleurs et des religions.

    Le processus a pris une année en Afrique noire, et deux guerres impopulaires en Asie et en Afrique du nord.

    Et maintenant, notre bonne conscience du pays des droits de l’homme ne veut se souvenir que du côté sombre de la colonisation. C’est pratique, cela permet d’oublier qu’en 1930, la plus grande star du music hall était noire, dansait presque nue sur scène en Artemis africaine, et chantait « j’ai deux amours, mon pays et Paris ».

    Mais quel scandale ce serait de part et d’autre, si en 2006, une chanteuse noire chantait « Douce France » !

    Cela permet d’oublier que la France dans ces années là célébrait la diversité des hommes réunies dans une idée commune de la civilisation.

    La colonisation française aurait dû évoluer vers une grande association francophone, fédérale et égalitaire. C’était sans doute plus facile de donner une pseudo-indépendance à des pays qu’on appelera bientôt : tiers-monde.


    • (---.---.166.56) 26 octobre 2006 16:04

      Voici ci-dessous le texte présenté par Rosa Amelia Plumelle-Uribe, auteur de « La Férocité blanche », le 15 juin à Berlin dans le cadre du Forum de Dialogue organisé par la section européenne de la Fondation AfricAvenir.

      Nous sommes réunis ici pour analyser ensemble le lien historique qui, comme un fil conducteur conduit de la barbarie coloniale à la politique nazie d’extermination. Il s’agit d’un effort visant à détecter au moins la plupart des facteurs qui, de manière directe ou indirecte, auraient favorisé le développement politique et l’épanouissement idéologique d’une entreprise de déshumanisation comme la barbarie nazie en Allemagne et au-delà de ses frontières.

      Cette contribution est utile à toute démarche qui voudrait mettre fin à toute sorte de discrimination d’où qu’elle vienne ; à commencer par cette discrimination qui consiste à trier parmi les crimes pour ensuite, suivant l’identité des victimes ou parfois l’identité des bourreaux, sélectionner le crime qu’il faut condamner. Cette hiérarchisation des crimes et donc de leur condamnation, demeure un handicap majeur dans la lutte pour la prévention des crimes contre l’humanité dont le crime de génocide.

      Il convient de préciser tout de suite que, les guerres de conquête et les crimes liés à la domination coloniale, ainsi que la réduction d’êtres humains en esclavage, étaient déjà une réalité dans les temps anciens. Par exemple, lorsque la domination des Musulmans arabes s’étend vers l’Europe, le commerce d’êtres humains est une activité millénaire parmi les Européens. Le règne de l’islam en Espagne, de 711 à 1492, a simplement dynamisé la traite d’esclaves intra européenne (1) faisant du continent un important fournisseur d’esclaves, femmes et hommes, expédies vers les pays de l’islam.

      Les prisonniers, majoritairement slaves, alimentaient le commerce d’hommes entre Venise et l’empire arabo-musulman du sud de la Méditerranée. C’est ainsi que dans les langues occidentales, le mot « esclave » ou « slave » se substitue au latin « servus » pour désigner les travailleurs privés de liberté. Autrement dit, pendant plusieurs siècles, des Chrétiens européens vendent d’autres Européens à des commerçants Juifs spécialisés dans la fabrication d’eunuques (2), lesquels étaient une marchandise très prisée et fort sollicitée dans les pays de l’empire musulman.

      Des chercheurs, spécialistes de l’esclavage en Europe au Moyen Âge, ont vu dans le système d’asservissement inauguré en Amérique par la domination coloniale, un lien de continuité avec les institutions esclavagistes de l’Europe. Jacques Heers dit que « C’est le mérite incontestable de Charles Verlinden, sur ce point véritable pionnier, que d’avoir marqué que la conquête et l’exploitation coloniales des Amériques s’étaient largement inspirées de certaines expériences toutes récentes en Méditerranée et s’inscrivaient en droite ligne dans une continuité ininterrompue de précédentes médiévaux » (3).

      J’ai néanmoins choisi d’aborder cette analyse, à partir de 1492 lors de l’arrivée des Européens dans le continent américain. Et j’ai fait ce choix parce que, malgré ce qui vient d’être dit, la destruction des peuples indigènes d’Amérique, l’instauration de la domination coloniale et le système de déshumanisation des Noirs sur ce continent, n’avaient pas de précédent dans l’histoire. Et surtout, parce que la prolongation de cette expérience pendant plus de trois siècles, a largement conditionné la systématisation théorique des inégalités y compris l’inégalité raciale dont les conséquences restent d’actualité.

      Les historiens du 20ème siècle, travaillant sur la conquête de l’Amérique, sont parvenus à se mettre plus ou moins d’accord pour estimer le nombre d’habitants du continent américain à la veille de l’invasion. Il a donc été retenu qu’à la veille du 1500, environ 80 millions de personnes habitent dans le continent américain. Ces chiffres furent comparés à ceux obtenus cinquante ans plus tard à partir des recensements espagnols (4).

      Il en ressort que vers 1550, des 80 millions d’Indigènes ne restent que 10 millions. C’est-à-dire, en termes relatifs une destruction de l’ordre de 90% de la population. Une véritable hécatombe car en termes absolus il s’agit d’une diminution de 70 millions d’êtres humains. Et encore, il importe de savoir que ces dernières années, des historiens sud-américains sont parvenus à la conclusion qu’en réalité, à la veille de la conquête il y avait en Amérique plus de 100 millions d’habitants. D’un point de vue européen, ces estimations sont inacceptables, et pour cause ! Si cela était vrai, nous serions devant une diminution de 90 millions d’êtres humains.

      Mais, au-delà du nombre d’Indigènes exterminés, le comportement collectivement adopté par les conquérants chrétiens a eu des conséquences qui perdurent. Par exemple, la justification postérieure de ce génocide a conditionné l’évolution culturelle, idéologique et politique de la suprématie blanche à l’égard d’autres peuples non Européens, et finalement à l’intérieur même d’Europe.

      La situation d’impunité dont bénéficiaient les conquistadores devait, fatalement, favoriser l’apparition très rapide de pratiques assez inquiétantes. Ainsi, la mauvaise habitude de nourrir les chiens avec des Indigènes et parfois avec des nourrissons arrachés à leur mère et jetés en pâture à des chiens affamés. Ou la tendance à s’amuser en faisant brûler vifs des Indigènes jetés dans des bûcher allumés pour les faire rôtir (5). Ce désastre fut la première conséquence directe de ce que les manuels d’histoire continuent à appeler ‘la découverte de l’Amérique’.

      Après d’avoir vidé le continent américain de sa population, les naissantes puissances occidentales ont fait de l’Afrique noire, une pourvoyeuse d’esclaves pour l’Amérique. Cette entreprise a désagrégé l’économie des pays africains et vidé le continent d’une partie de sa population dans ce qui demeure, la déportation d’êtres humains la plus gigantesque que l’histoire de l’humanité n’ait connue. Ici, il convient de rappeler la situation des pays africains au moment où ils sont abordés par les Européens.

      C’est un fait que, même si le mode de production en Afrique n’était pas fondamentalement esclavagiste, les sociétés y connaissaient certaines formes de servitude. Comme nous l’avons dit, au Moyen âge, l’esclavage ainsi que la vente d’êtres humains, était une pratique très généralisée et l’Afrique n’a pas été une exception. Depuis le 7ème siècle, l’Afrique noire, tout comme l’Europe depuis le 8ème siècle, approvisionne en esclaves les pays de l’empire arabo-musulman.

      Il semblerait qu’à l’époque, la dimension et les modalités du trafic d’esclaves n’auraient pas été incompatibles avec la croissance de l’économie dans les pays concernés par ce commerce d’êtres humains. Il est d’ailleurs couramment admis que c’est sous le règne de l’islam en Espagne que l’Europe a commencé à sortir des ténèbres du Moyen âge. Concernant l’Afrique, on notera qu’au 15ème siècle, malgré la ponction faite par la traite négrière arabo-musulmane, les pays de ce continent jouissent d’un bon niveau de développement social.

      Le dépeuplement du continent ainsi que la misère et l’indigence de ses habitants malades et affamés, décrits par les voyageurs qui abordèrent l’Afrique noire au 19ème siècle, contrastent avec les pays densément peuplés, l’économie fleurissante, l’agriculture abondante, l’artisanat diversifié, le commerce intense et surtout, avec le niveau de bien être social décrits par les voyageurs, géographes et navigateurs ayant abordé l’Afrique noire entre le 8ème et le 17ème siècle, et dont nous connaissons maintenant les témoignages grâce aux recherches de Diop Maes (6).

      Entre le 16ème et le 19ème siècle, les guerres et razzias favorisées par les négriers pour se procurer les captifs, ont provoqué la destruction quasiment irréversible de l’économie, du tissu social et de la démographie des peuples africains. Le caractère massif, voire industriel, de la traite négrière transatlantique, a causé en trois siècles, des ravages que le continent n’avait jamais connus malgré huit siècles de traite négrière arabo-musulmane. Ce nouveau désastre fut la deuxième conséquence de la colonisation d’Amérique.

      Dans le cadre de la domination coloniale sur le continent américain, les survivants indigènes, dépouillés de leurs terres furent refoulés et parqués dans des réserves. Dans le même temps, des millions de femmes, d’enfants et d’hommes Africains arrachés de chez eux et déportés dans l’Amérique, furent systématiquement expulsés hors de l’espèce humaine et réduits à la catégorie de bien meuble ou de sous-homme. L’infériorité raciale des non-Blancs et sa sœur gémelle, la supériorité de la race blanche, furent inscrits dans la loi, consacrées par le christianisme et renforcées dans les faits.

      Les puissances coloniales, Espagne, Portugal, France, Angleterre, Hollande, légiféraient pour se doter du cadre juridique à l’intérieur duquel la déshumanisation des Noirs devenait légale. En conséquence, chaque métropole avait un arsenal juridique pour réglementer sa politique génocidaire dans l’univers concentrationnaire d’Amérique. A cet égard, la codification la plus achevée aura été le code noir français (7). Promulgué en 1685, cette monstruosité juridique est restée en vigueur jusqu’à 1848 lors de la seconde abolition de l’esclavage dans les colonies françaises.

      Il est significatif que, au moins pendant les 16ème et 17ème siècles, pour autant que nous sachions, il n y eut pas une seule voix autorisée pour dénoncer et condamner l’expulsion légale des Noirs hors de l’espèce humaine. Même au 18ème siècle qui était pourtant le siècle des Lumières, aucun de ces grands philosophes n’a, formellement, exigé aux autorités compétentes la suppression immédiate, réelle, sans atermoiements, des lois qui réglaient ces crimes (8).

      On a l’habitude d’ignorer que grâce à la racialisation de l’esclavage dans l’univers concentrationnaire d’Amérique, la supériorité de la race blanche et l’infériorité des Noirs sont devenues un axiome profondément enraciné dans la culture occidentale. Il faut savoir que cet héritage pernicieux de la domination coloniale européenne, combiné aux effets néfastes de la manie des Lumières de tout ordonner, hiérarchiser, classifier, a stimulé l’émergence d’une culture plus ou moins favorable à l’extermination des groupes considérés inférieurs.

      Entre le 15ème et le 19ème siècle, toute la production littéraire et scientifique concernant les peuples indigènes d’Amérique, visait à justifier leur extermination passé et à venir. Après trois longs siècles de barbarie coloniale sous contrôle chrétien, un des principes validés par les catholiques espagnols, est la certitude que tuer des Indiens n’est pas un pêché (9). Cette conscience fut renforcée par les protestants anglophones, convaincus qu’un bon Indien est un Indien mort. Aussi, toute la littérature concernant la bestialisation des Noirs dans l’univers concentrationnaire d’Amérique, était une véritable propagande en faveur de la traite négrière et de l’esclavage des Noirs présentés comme un progrès de la civilisation.

      Lorsque finalement eut lieu le démantèlement de l’univers concentrationnaire d’Amérique, le changement provoqué par les abolitions de l’esclavage eut une portée assez limitée. D’abord parce que l’essentiel des structures et des rapports sociaux et économiques mis en place par la barbarie institutionnalisée, sont restés quasiment inchangés. Et aussi, parce que le triomphe de la pensée scientifique sur la foi religieuse a donné à la race des seigneurs et aux valeurs de la civilisation occidentale, une crédibilité dont la religion ne bénéficiait plus auprès des esprits éclairés.

      Désormais, la colonisation et les actes de barbarie qui lui sont consubstantiels, par exemple l’extermination de groupes considérés inférieurs, se feront ayant comme support un discours scientifique. Il serait utile une étude très serrée concernant le rôle des scientifiques occidentaux dans le développement de la culture d’extermination qui a prévalue au 19ème et au début du 20ème siècle dans les pays colonisateurs. Malgré son rapport étroit avec notre analyse, cela n’est pas le sujet central de cette communication. Mais, nous pouvons néanmoins dégager quelques pistes pour ceux qui voudraient reprendre le sujet et se renseigner davantage.

      Au milieu du 19ème siècle, les Associations scientifiques les plus prestigieuses semblent avoir été la Geographical Society et l’Anthropological Society à Londres et aussi, la Société de Géologie à Paris. Le 19 janvier 1864, eut lieu une table ronde organisée par l’Anthropological Society sur « l’extinction des races inférieures ». Il y fut question du droit des races supérieures à coloniser les espaces territoriaux considérés vitaux pour leurs intérêts.

      Suivra


    • (---.---.166.56) 26 octobre 2006 16:06

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      Dans le “journal of the Anthropological Society of London, vol. 165, 1864” fut publié un compte rendu des débats de la Conférence. Il s’agissait de savoir si dans tous les cas de colonisation il serait inévitable l’extinction des races inférieures, ou si jamais il serait possible qu’elles puissent coexister avec la race supérieure sans être éliminées (10). A l’époque, l’Angleterre avait déjà commis, outre le génocide des Indigènes en Amérique du Nord, celui des Aborigènes d’Australie dont les Tasmaniens.

      En France, Albert Sarrut, tenant discours aux élèves de l’Ecole coloniale affirmait : « il serait puéril d’opposer aux entreprises européennes de colonisation un prétendu droit d’occupation [...] qui pérenniserait en des mains incapables la vaine possession de richesses sans emploi (11). » . De son côté, le sociologue français Georges Vacher Lapouge, soutenait qu’il n’y avait rien de plus normal que la réduction en esclavage des races inférieures et plaidait pour une seule race supérieure, nivelée par la sélection.

      On remarquera que la plupart des anthropologues allemands, même convaincus de leur supériorité raciale, ne partagent pas avec leurs collègues britanniques, nord-américains et français, la conviction que les races inférieures doivent nécessairement disparaître au contact de la civilisation. Le professeur Théodore Waitz par exemple, développe entre 1859-1862 un travail pour contester le bien fondée des théories propagées par ses collègues occidentaux, engagés dans la justification scientifique des exterminations commises par leurs pays.

      Par la suite, son élève George Gerland fait en 1868 une étude sur l’extermination des races inférieures. Il dénonce la violence physique exercée par les colonisateurs comme étant le facteur d’extermination le plus tangible. Et affirme qu’il n’existe aucune loi naturelle qui dit que les peuples primitifs doivent disparaître pour que la civilisation avance. Le plaidoyer de ce scientifique allemand pour le droit à la vie des races dites inférieures est un fait rarissime dans cette période de l’histoire.

      En 1891 le professeur allemand Friedrich Ratzel publie son livre « Anthropogeographie » et dans le dixième chapitre sous-titré « Le déclin des peuples de cultures inférieures au contact avec la culture », il exprime son hostilité concernant la destruction des peuples indigènes : « C’est devenu une règle déplorable, que des peuples faiblement avancés meurent au contact avec des peuples hautement cultivés. Cela s’applique à la vaste majorité des Australiens, des Polynésiens, des Asiatiques du Nord, des Américains du Nord et des nombreux peuples d’Afrique du Sud et d’Amérique du Sud.

      (...) Les Indigènes sont tués, chassés, prolétarisés et l’ont détruit leur organisation sociale. La caractéristique principale de la politique des Blancs est l’usage de la violence par les forts sur les faibles. Le but est de s’emparer de leurs terres. Ce phénomène a pris sa forme la plus intense en Amérique du Nord. Des Blancs assoiffés de terres s’entassent entre des peuplements indiens faibles et partiellement désintégrés » (12). Ce serait le dernier discours dans lequel le professeur Ratzel exprimerait un point de vue aussi peu favorable à l’extinction des peuples inférieurs.

      Les anciennes puissances négrières réunies à Berlin en 1884-1885, officialisent le dépècement de l’Afrique. L’Allemagne s’assure le contrôle du Sud-Ouest africain (c’est-à-dire la Namibie), de l’Est africain (correspondant aux territoires actuels de la Tanzanie, du Burundi et du Rwanda) et aussi le contrôle sur le Togo et le Cameroun.

      La rentrée de l’Allemagne dans l’entreprise coloniale marque un hiatus sensible entre le discours des scientifiques allemands avant les années 1890 et celui qu’ils auront après les années de 1890 sur le même sujet : l’extermination des races inférieures ou leur asservissement suivant les besoins des conquistadores et le progrès de la civilisation.

      En effet, en 1897 le professeur Ratezl publie son ouvrage « Géographie politique » dans lequel, l’auteur prend fait et cause pour l’extermination des races inférieures. Il affirme qu’un peuple en développement qui a besoin de plus de terres doit donc en conquérir « lesquelles, par la mort et le déplacement de leurs habitants, sont transformées en terres inhabitées » (13).

      La domination économique combinée à des méthodes racistes, a donné naissance à la suprématie blanche chrétienne. Son idéologie hégémonique règne sans partage sur la planète et connaît tout son splendeur entre la seconde moitié du 19ème et la première moitié du 20ème siècle. Même dans les anciens pays colonisés, l’extermination des races inférieures avait lieu de politique officielle.

      La plupart des pays d’Amérique sont devenus indépendants au 19ème siècle. Les classes dirigeantes de ces pays, se croient blanches parce qu’elles sont issues des aventuriers européens qui souvent violaient les femmes indigènes. Arrivées au pouvoir suite aux guerres d’indépendance, ces élites se sont toujours identifiées à leur ancêtre blanc. De fait, elles adoptèrent les méthodes d’extermination des Indigènes hérités de la colonisation.

      En avril 1834, les autorités d’Argentine, pays indépendant depuis peu, déclenchent la « Campaña del Desierto » (Campagne du Désert), dont le but est l’extermination des survivants Indigènes qui occupent la pampa. Dirigée par Juan Manuel de Rosas, devenu Président d’Argentine à partir de 1835, cette campagne fut coordonnée avec le gouvernement du Chili. Aussi, le premier gouvernement constitutionnel d’Uruguay, dirigé par Fructuoso Rivera, s’est joint à la Campagne qui devait transformer ces terres en espaces inhabités...

      Malgré la violence extrême de la ‘Campagne’, tous les Indigènes ne sont pas morts, au grand dam du président Rosas pour qui les Indiens se reproduisaient comme des insectes. Pour remédier à cet échec, en 1878, par initiative du Ministre de la Guerre Julio Argentino Roca, le Congrès National argentin vote et approuve la loi « de expansión de las fronteras hasta el Rio Negro » (expansion des frontières). C’est le point de départ de la seconde « Campagne du Désert » qui doit définitivement vider la Pampa de sa population indigène pour faire avancer la civilisation.

      La « Campagne » a lieu au moment où les survivants Indigènes sont traqués partout dans le continent. En Amérique du Nord ils sont massacrés et refoulés afin de libérer un espace devenu vital pour l’installation de familles civilisées, c’est-à-dire blanches. En Argentine, l’objectif avoué de la « Campagne » était le même : Remplacement de la population locale par une population civilisée pouvant garantir l’incorporation effective de la Pampa et la Patagonie à la nation de l’Etat Argentin.

      Quelques décennies plus tard, Heinrich Himmler défendrait le même principe de remplacement des populations lorsqu’il affirmait : « Le seul moyen de résoudre le problème social, c’est pour un groupe, de tuer les autres et de s’emparer de leur pays » (14). Mais, pour le moment, cela se passait en Amérique et au détriment de populations non-Européennes. Le Ministre Roca, qui est à l’origine de la seconde « Campagne du Désert », a même gagné les élections en 1880 et est devenu Président de l’Argentine.

      Bien sur ! Quelques voix se levèrent pour critiquer la barbarie des atrocités commises pendant la Campagne. Mais, dans l’ensemble, l’infériorité des victimes n’était pas contestée et le gouvernement de Julio Roca appelé le conquistador du Désert, est perçu comme le fondateur de l’Argentine moderne. L’histoire de ce pays a retenu surtout, que c’est sous la Présidence de Roca que le pays a avancé vers la séparation de l’église et l’Etat, le mariage civil, le registre civil des naissances et l’éducation laïque. Une des plus grandes villes de la Patagonie porte le nom de Roca.

      Il n’y a pas long temps, l’historien Félix Luna affirmait sans rire : « Roca a incarné le progrès, il a intégré l’Argentine dans le monde : je me suis mis à sa place pour comprendre ce qui impliquait d’exterminer quelques centaines d’indiens pour pouvoir gouverner. Il faut considérer le contexte de l’époque où l’on vivait une atmosphère darwiniste qui favorisait la supervivence du plus fort et la supériorité de la race blanche (...) Avec des erreurs, des abus, avec un coût Roca fit l’Argentine dont nous jouissons aujourd’hui : les parcs, les édifices, le palais des Œuvres Sanitaires, celui des Tribunaux, la Case du Gouvernement » (15).

      On remarquera que depuis le premier génocide des temps modernes, commis par les chrétiens en Amérique à partir de 1492, la situation des peuples non Européens en général et des Noirs en particulier, se trouve rythmée par les exigences de la suprématie blanche. Dans l’univers concentrationnaire d’Amérique, le Noir expulsé hors de l’espèce humaine en tant que sous-homme ou bien meuble, ne fut jamais réintégré ou réinstallé dans son humanité. Et les survivants indigènes étaient massivement massacrés pour rendre inhabitées leurs terres.

      En Afrique, le peuple congolais, sous l’administration de ce bourreau qui fut le Roi Léopold, est soumis à des formes d’asservissement causant la destruction de la moitié de la population qui est passée de vingt millions à 10 millions d’habitants (16). Dans ce même continent, l’Allemagne aussi, comme d’autres avant elle, appliquera les bons principes de la colonisation. Entre 1904 et 1906, soit en l’espace de deux ans, les Allemands exterminèrent les trois quarts du peuple Herero. Sans compter les morts des Nama, Baster, Hottentots, etc (17).

      Dans le cadre de la domination coloniale allemande en Namibie, le professeur Eugen Fischer va étudier en 1908, chez les Baster installés à Rehoboth « le problème de la bâtardisation chez l’être humain ». Les recommandations du chercheur sont sans détour. On lit dans son traité à propos des métis : « Qu’on leur garantisse donc le degré précis de protection qui leur est nécessaire en tant que race inférieure à la nôtre, rien de plus, et uniquement tant qu’ils nous sont utiles -autrement, que joue la libre concurrence, c’est-à-dire, selon moi, qu’ils disparaissent. (18) »

      Ce travail dans lequel le professeur Fischer considérait avoir démontré scientifiquement l’infériorité des Noirs, fit la gloire de son auteur dont le prestige alla au-delà des frontières du pays. Des années plus tard, lorsqu’en 1933 Adolf Hitler arrive au pouvoir en Allemagne, tout naturellement, le professeur Fischer mettra au service de la politique raciale du nouvel Etat le prestige et l’autorité que lui conférait sa condition de scientifique de renommée mondiale. En fait, ce fut le cas de l’establishment scientifique dans l’ensemble (19).

      C’est un fait vérifiable, à la fin du 19ème et pendant les premières décennies du 20ème siècle, l’extermination d’êtres inférieurs ou la programmation de leur disparition, était une réalité qui ne soulevait pas de grandes vagues de solidarité à l’égard des victimes. C’est pourquoi les dirigeants nazis s’appliquèrent à convaincre les Allemands que les Juifs, ainsi que les Slaves et autres groupes, étaient différents et en conséquence étaient inférieurs.

      C’est dans ce contexte si favorable à l’extermination des inférieurs, que les conseillers scientifiques du plan quadriennal chargé de planifier l’économie de l’Allemagne nazie, poussant la logique de l’anéantissement plus loin que leurs prédécesseurs, et dans une combinaison aussi terrible que sinistre entre les facteurs idéologiques et les motivations utilitaires, ont programmé l’extermination à l’Est, de 30 millions d’êtres humains.

      Dans leur essai « Les architectes de l’extermination », Susanne Heim et Götz Aly soulignent que les planificateurs de l’économie, choisis non pas en fonction de leur militance politique mais de leur compétence professionnelle, fondaient leur dossier sur des considérations purement économiques et géopolitiques, sans la moindre référence à l’idéologie raciale. Ils rapportent le procès-verbal d’une réunion pendant laquelle, les conseillers économiques ont expliqué en présence de Goebbels leur plan d’approvisionnement alimentaire.

      Ce dernier nota dans son journal le 2 mai 1941 : « La guerre ne peut se poursuivre que si la Russie fournit des vivres à toutes les forces armées allemandes durant la troisième année de la guerre. Des millions de personnes mourront certainement de faim si les vivres qui nous sont nécessaires sont enlevés au pays. (20) » En effet, ce plan devait faire mourir environ 30 millions de Slaves dans un premier temps. Mais cela devait assurer l’approvisionnement des vivres pendant une année et en plus, rendre inhabitées des terres où des familles allemandes seraient installées.

      Ainsi, Hermann Göring, dont le père fut le premier gouverneur allemand en Namibie, pouvait dire en 1941 à son compère le ministre italien des Affaires étrangères, le comte Ciano : « Cette année, 20 à 30 millions de personnes mourront de faim en Russie. Peut-être est-ce pour le mieux, puisque certaines nations doivent être décimées. (21) » Ceux qui, dans une association extrême de l’idéologie raciste et la motivation utilitaire, programmaient l’extermination de 30 millions de Slaves, pouvaient programmer sans état d’âme, l’extermination d’un autre groupe considéré aussi inférieur, dans l’occurrence les Juifs.

      Il n’est pas un hasard que le Professeur Wolfang Abel : « Chargé par le haut commandement des forces armées de réaliser des études anthropologiques sur les prisonniers de guerre soviétiques, proposa entre autres options la liquidation du peuple russe. (22) » Le professeur Abel fut l’élève du Professeur Fischer avant de devenir son assistant. Ensemble, ils formèrent les premiers experts scientifiques chargés de sélectionner ceux qui, coupables de ne pas être Aryens devaient être exterminés à Auschwitz ou ailleurs (23).

      Quant aux Soviétiques : « Au 1er février 1942, sur les 3,3 millions de soldats de l’Armée rouge fait prisonniers, 2 millions étaient déjà morts dans les camps allemands et au cours des transports, soit 60%. Si l’on enlève les trois premières semaines de guerre, au cours desquelles les premiers prisonniers purent puiser dans leurs réserves corporelles, ce chiffre correspondait à un taux de mortalité de 10 000 hommes par jour » (24).

      La très grande majorité des Allemands, heureuse de se trouver du bon côté, accepta le fait accompli, c’est-à-dire l’exclusion des non-Aryens, et en retira tout le bénéfice possible. Il va sans dire qu’à l’époque, la solidarité à l’égard des groupes considérés inférieurs ne faisait pas vraiment recette dans la culture dominante. Plusieurs siècles de matraquage idéologique pour justifier l’écrasement des peuples colonisés et asservis, n’avaient pas certainement favorisé l’humanité de ceux qui en profitaient (25).

      Comme le dit si bien Aly : « Le gouvernement nazi suscita le rêve d’une voiture populaire, introduisit le concept de vacances pratiquement inconnu jusqu’alors, doubla le nombre des jours fériés et se mit à développer le tourisme de masse dont nous sommes aujourd’hui familiers. (...) Ainsi, l’exonération fiscale des primes pour le travail de nuit, les dimanches et les jours fériés accordés après la victoire sur la France, et considérée, jusqu’à sa remise en cause récente comme un acquis social. (...)Hitler a épargné les Aryens moyens aux dépens du minimum vital d’autres catégories » (26).

      L’argent spolié aux Juifs d’Europe et aux pays sous occupation allemande a bien servi au gouvernement nazi pour financer sa politique sociale visant à favoriser le niveau de vie de la population aryenne. On comprend qu’après la guerre, tant d’Allemands pouvaient admettre en privé, avoir vécu la période la plus prospère de leur vie sous le gouvernement nazi y compris pendant la guerre...

      La domination coloniale sur d’autres peuples a toujours fourni les conditions indispensables pour la mise en place de systèmes d’asservissement et déshumanisation froidement réglés. Ce fut le cas dans l’univers concentrationnaire d’Amérique, où les puissances coloniales ont inventé un système juridique à l’intérieur duquel, la bestialisation des Noirs parce que Noirs, se faisait en toute légalité. Au 19ème siècle, la colonisation britannique en Australie a renoué avec le génocide commis en Amérique du Nord.

      En Afrique, les peuples congolais ont souffert leur Adolf Hitler incarné par le Roi des Belges qui non satisfait de faire mourir la moitié des populations, faisait couper la main à ceux qui chercheraient à fuir les travaux forcés (27). En Namibie, l’Allemagne coloniale a commis son premier génocide et, je peux continuer mais je peux aussi m’arrêter. Il y a assez pour comprendre que l’entreprise nazie de déshumanisation, s’inscrit dans une continuité, jalonnée sans interruption par la barbarie coloniale.

      A la fin de la guerre, les puissances coloniales, victorieuses, ont décrété que le nazisme était incompréhensible et effroyable parce que derrière ses atrocités il n’y avait aucune rationalité économique. La motivation utilitaire ayant toujours servi à cautionner les entreprises de déshumanisation menées contre d’autres peuples non-Européens, il fallait absolument que l’entreprise nazie de déshumanisation soit dépourvue de toute motivation utilitaire. De là, cet approche réductionniste qui a historiquement isolé le nazisme, et focalisé l’attention sur les atrocités commises par les nazis, en faisant abstraction des facteurs sans lesquels, chacun devrait le savoir, ce désastre effrayant n’aurait jamais atteint la disproportion que nous savons.

      Rosa Amelia Plumelle-Uribe


    • panama (---.---.198.59) 26 octobre 2006 17:34

      Bien, bien.

      Deux remarques toutefois :

      1. Vous faites la confusion entre esclavagisme et colonisation, ce qui est une malhonneteté intellectuelle. Le sujet est la colonisation, pas l’esclavagisme. Ce n’est pas la même chose.

      2. vous hiérarchisez la souffrance des peuples réduits en esclavage, ce qui est inadmissible.

      - les blancs sont des esclavagistes féroces et sans pitié, comme de bien entendu.
      - les africains forment des « sociétés (qui) connaissaient certaines formes de servitude » (je cite). « Certaines formes » de « servitudes » ? Que voilà un bel aphorisme !

      Et si nous parlions de la traite des noirs organisée depuis le haut moyen âge par les arabes, et de la piraterie barbaresque en méditerrannée, qui a perdurée jusqu’au début du XiXème siècle ?

      On pourrait également parler de la situation de l’esclave dans la grèce antique, protégée par des lois garanties par la Cité.

      Mais votre démonstration tient au racisme le plus primaire, qui veut que l’homme blanc soit mauvais de nature. Parce qu’il est blanc et parce qu’il est chrétien. En plus, beaucoup de vos affirmations sont approximatives, voire fausses. Cela porte le nom de propagande.

      Quant à moi, j’attends toujours des communauté arabes un quelconque mea coulpa sur les 5 siècles d’esclavagisme perpétués en Afrique et en Méditerranée.

      Les communautés noires d’Afrique ont eu au moins le courage d’admettre qu’elles avaient participé de façon active à la traite négrière.


  • Marsupilami (---.---.60.228) 26 octobre 2006 14:45

    Analyse lucide. On est mal.


  • miteny (---.---.165.158) 26 octobre 2006 15:43

    C’est vrai que c’est une analyse pertinente. Mais ne pourrait-on pas tomber la « nation » pour se diriger vers « une république universelle » qui va finir par être inévitable...


  • Argoul Argoul 26 octobre 2006 18:02

    Le message de Rosa Amelia Plumelle-Uribe est certes intéressant, mais plutôt « hors sujet ». Ce n’est pas parce que vous lisez « colonisation » qu’il faut refaire l’histoire. Ni confondre la colonisation 19ème avec le nazisme et la Shoa... Il y a peut-être « filiation », mais assurément pas « confusion » !

    Le sujet, grave, de ma note est le « modèle français ». On peut être patriote ET républicain, être progressiste ET animé de bonnes intentions, tout cela se suffit pas. Au contraire ! République et Nation paraissent peu compatibles : si la première ouvre, la seconde enferme. Ou plutôt, « pourrait » enfermer si l’orgueil national devient majeur. Alors, au nom de la République Universelle (voir Hugo), on « civilise ». Les colonisés sont (dans cette vision) comme les prolétaires ou les enfants : ils ne sont pas assez « mûrs » pour savoir ce qu’ils font, donc on tente de « faire leur bien » malgré eux (bien parfois réel, comme l’a noté justement Panana). Le national républicain éduque, discipline, cultive (la terre comme les hommes).

    Mais, dans le même temps et au nom de la Nation, on réserve « la souveraineté » aux seuls citoyens nationaux, ceux qui acceptent « le contrat social » et l’harmonie qui va avec (aujourd’hui par ex. un gros Etat financé par de gros impôts, redistribués par une caste autoproclamée de missionnaires du Service Public - je caricature volontairement, pas par phobie du fonctionnariat, mais pour faire comprendre une actuelle « dérive » selon laquelle « le salut » ne pourrait venir que du « toujours plus » d’Etat, d’impôts, de fonctionnaires). Les colonisés ne sont pas « éclairés », donc ils ne sont pas « citoyens » mais seulement aspirants-citoyens, ce pourquoi on les a exploité plutôt que de les avoir considérés en égaux. Et tout cela est vu comme « républicain » puisque « national ».

    La Nation enferme aussi quand la quête de l’identité prime sur le message apporté à l’humanité : c’est le cas aujourd’hui (en France comme aux Etats-Unis et en Russie). La Nation alors se renferme sur ses petits Zacquis et mandate la République pour les défendre d’autorité à l’intérieur des frontières : contre l’étranger, contre l’optimisme missionnaire (la repentance a probablement cette origine), contre le libre débat (« on n’en parle plus », « on ne veut plus en entendre parler »), mandatant ainsi la loi pour faire taire (les lois « mémorielles » entrent probablement dans cette démagogie).

    Compliqués, les rapports de République et Nation, non ? Tous les messianismes ont vécu la même histoire : les révolutionnaires français renfermés par Napoléon dans l’Hexagone puis par De Gaulle rapatriés en métropole ; les Soviets, renonçant à la Révolution mondiale pour se replier sur le stalinien « socialisme dans un seul pays » ; et même les Etats-Unis, qui alternent ouverture missionnaire (la SDN, le plan Marshall, la démocratie imposée par la guerre) et isolationnisme (années 30, après 11-Sept).

    Il faudrait probablement être pragmatique comme les Anglais ou les Espagnols, c’est-à-dire humble devant la réalité, pour faire taire son messianisme en proposant plutôt son « exemple » : « qui m’aime me suive » (nation) serait préférable à « je sais ce qui est bon pour vous » (messianisme républicain). La France à l’ONU, sur la guerre en Irak, a su trouver les mots ; en revanche, sur l’économie et le modèle « social » qui va avec, rien ! Et sur les rapports avec les voisins, pour bâtir une Europe qui prenne sa place dans le monde, rien non plus.


  • haina (---.---.21.26) 26 octobre 2006 18:46

    Reconnaitre un tort, s’il a ete verifie, n’est pas avancer qu’il n’y a eu que des torts.

    A l’echelle de l’histoire mondiale ceux-la memes qui refoulent le « sanglot de l’homme blanc » le font bien vite. Qui sait si dans deux-cents ans les habitants de l’actuelle France ne venereront pas Hitler le conquerant ? Le colonialisme est paragraphe aujourd’hui, historiquement boucle. Mais l’histoire de demain pourrait voir ce mot ressurgir si le sanglot ne s’avale plus et n’emet plus ce son de douleur et de peine qui veut que nous devenions responsables tardivement.

    En verite le parallele offert plus haut avec l’esclavagisme reste interessant. On s’accorde a dire que ce dernier a change de forme et il me parait evident que comme lui le colonialisme actuel porte des noms differents mais que sa definition (induire un territoire etranger a sa dependance politique economique et culturelle) est helas toujours calcable au faits observes hors de nos frontieres.

    Si notre coeur est celui de l’exploiteur qui ne peut pas s’apitoyer alors attendons sagement de voir Hitler ou son renouveau nous preter son buste et nous guider vers le chemin de la fierte

    Pour les amoureux des lettres anciennes, ils auront tot examine que les revolutions de la pensee sont toujours en attente d’autres revolutions, pour les autres (je pense a l’auteur) je rappelle simplement que Tintin et son pere sont de tristes racistes (et qu’il est lu dans de nombreux pays ou memes les enfants ne s’y trompent pas...) mais que son altruisme d’epoque etait deja une petite revolution.


    • faxtronic (---.---.183.158) 26 octobre 2006 18:52

      Beaucoup de sous-entendus, rien de clair. Quel forme a aujourd’hui le colonialisme ou l’esclavagisme. Serait la mondialisation et les echanges economiques. Oui,mais il n’y a pas de colons dans ton histoire. Je comprends rien a ce que tu dis, c’est du prechi precha.


  • haina (---.---.21.93) 27 octobre 2006 07:20

    @faxtronic

    La colonie change, les colons de-meme. Car rares sont ceux qui s’installent a vie, colons est un terme qui ne correspond plus aux realites actuelles. Pourtant la colonisation ne se verifie en aucun cas par l’existence de « colons » (descendant des immigres d’une colonie)> Peut-etre vouliez vous parler de « colonisateurs » et dans ce cas nous pouvons en effet commencer a croquer leur nouvelle silhouette ? Je suis tres mal renseigne, n’ayant comme experience que mes annees passees en Chine. Je pense cependant que les nouveaux colonisateurs sont les memes en Asie, en Afrique, qu’en Amerique du sud (ceci du au systeme contractuel des ambassades francaises notamment). Plus particulierement la vente hier de 150 Airbus effectuee par notre president en « Visite » a Pekin demontre une certaine force d’exploitation economique et politique. Les entrepreneurs francais « a la conquete de la Chine », le CIO, l’OMC, les medias contribuent a une forte dependance culturelle du peuple chinois. Ceci sans parler de l’esprit colonial qui resiste encore ici, meme si beaucoup de riches francais regrettent une domination de moins en moins flagrante dans la vie de tous les jours. Je n’osais parler dans mon commentaire de la mondialisation et des echanges economiques mais cette nouvelle forme de colonialisme est trop evidente...(legitimer et legiferer l’inegalite economique est le fait de l’Europe colonisatrice qui hurle a l’invasion des produits chinois ou bresiliens qui fausseraient la competition). Je ne vous reponds pas sur les nouvelles formes d’esclavagisme ; d’autres articles ayant tres tot soulever et analyser le sujet. J’avoue par ailleurs ne pas maitriser ce qui n’est qu’un ressentiment de ma part, mais je sais que ce que je voulais vous faire comprendre, c’est que l’histoire n’est pas figee, qu’elle est aussi actrice de la culture, que cette culture influence directement la lecture de l’histoire et que tomber dans le cercle pernicieux comme nous y invite l’article point de depart du debat est tres facile.

    Je ne suis simplement pas accro a la fierete nationale et je n’aime pas entendre des « ouh les fiotes » quand certains proposent de se responsabiliser en tant que nation.

    Vive la republique (populaire ou pas ) ! ;-0


    • panama (---.---.198.59) 27 octobre 2006 10:08

      je ne comprends pas votre comparaison entre colonialisme et commerce mondial.

      Les immigrés chinois qui viennent en France sont-ils des colonisés ? Les expatriés français installés en Chine des colons ?


    • panama (---.---.198.59) 27 octobre 2006 10:14

      Recadrons un peu le débat SVP.

      Définition de la colonisation : Occupation, exploitation, mise en tutelle d’un territoire sous-développé et sous-peuplé par les ressortissants d’une métropole. (Littré)

      A ce titre, l’occupation des territoires papous par les indonésiens est au sens strict une colonisation.


    • haina (---.---.22.180) 28 octobre 2006 05:23

      Grand merci a vous de me remettre sur les rails. Je laisse souvent de lourds non-sens s’infiltrer dans mes commentaires et ce qui me manque c’est surement votre recul et cet attachement a ce que l’on sait etre.

      Mais voila je ne sais rien. Et j’etais lors des redactions des commentaires precedents plonge, comme precipite dans le 21e siecle. Avec la sensation que les mots territoire et occupation etaient devenus caducques (voir le cas rescent de l’Irak) a une epoque ou les decisions politiques emanaient de paradis fiscaux de moins en moins situables territorialement. Deplus les termes « sous-developpes » m’ont depuis toujours parus empreints au domaine du subjectif. Ceci expliquerait que de colonisation je n’ai retenu que exploitation, mise sous influence et dependance de la politique, de la cuture et de l’economie (j’avouais cependant ne pas maitriser les enjeux economiques actuels).

      merci donc pour votre correction


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