Démographie française : belle prospective !
Sarkozy veut pratiquer de l’immigration sélective. Certes. Mais il faudrait aussi que l’Insee ne nous fasse pas une information sélective qui « frise » la statistique mensongère. Cela nous éviterait une part de ridicule ne serait-ce vis à vis de nos voisins allemands. Voici 2 exemples récents.
Sarkozy veut pratiquer de l’immigration sélective. Certes. Mais il faudrait aussi que l’Insee ne nous fasse pas une information sélective qui "frise" la statistique mensongère. Cela nous éviterait une part de ridicule ne serait-ce que vis-à-vis de nos voisins allemands. Voici 2 exemples récents.
Toute étude prospective commence par un point puis une projection démographique : combien sommes-nous aujourd’hui, combien serons-nous demain ? Donc pour savoir quel hypermarché pour demain, quelle voiture pour demain, quelle ville pour demain, etc. il faut savoir combien nous sommes aujourd’hui et combien nous serons demain. C’est tout simple.
La France possède deux outils extraordinaires en la matière : l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) et l’Ined (Institut national des études démographiques).
Croissance de population par l’immigration
Le 7 juillet dernier, dans un silence assourdissant, l’Insee a mis à jour ses prévisions de population pour 2050[1]. Il y aura 70 millions d’habitants et non pas 64 comme l’Insee le tablait depuis 2001. En gros, l’Insee nous a dit : « on s’est planté, on avait calculé qu’il y aurait 4 millions d’habitant de plus, en fait, c’est 10 millions de plus ». Rien que cela ... Explication rapide de l’Insee : la fécondité et le solde migratoire sont plus élevés que prévu.
On pourrait expliquer ce silence terrible par l’intérêt soudain porté par nos compatriotes au parcours de la France dans le Mondial de football et au « coup de boulle » de notre Zizou national ... à moins que ce ne soit un silence dubitatif sur la qualité de l’étude. Depuis quelques années en effet, chaque mise à jour de la population française - publiée vers le mois de février - est associée au mot « surprise » par les commentateurs. Ainsi par exemple, les 800 000 naissances de l’an 2000 ont été longuement expliquées par l’effet an 2000, la baisse du chômage, l’enthousiasme des nouvelles technologies, etc. Or en 2005 il y a eu, à quelques milliers près, autant de naissances malgré la hausse du chômage, le pessimisme ambiant, etc. Et pas de commentaires de l’Insee pour expliquer ce record.
Emplois en perspective
Or cette prévision de croissance de population devrait faire la « une » des journaux ! Alors que la Russie diminue de plusieurs millions de personnes par an, que l’Allemagne voit sa population stagner voire diminuer comme l’Italie ou l’Espagne, la population française croît. Et qui dit croissance de population dit richesse supplémentaire ! 6 millions d’habitants de plus que prévus, ce sont des constructions de maisons, de routes, de magasins ! Ce sont des produits à créer, de la jeunesse, des emplois ! C’est une population qui vieillit moins que prévu même si le nombre de plus de 60 ans va croître de 80% en 45 ans en valeur absolue, sa part va aller jusque 26% contre 31% prévu. La France est véritablement une exception en Europe ... avec l’Irlande !
Cette différence aussi importante dans la prévision mérite explication. Toute société cotée en bourse s’agiterait pour expliquer ses talents et vendre son avenir. La France reste curieusement discrète sur cette excellente prévision.
Une force cachée et inavouée de la France
Passons sur l’immigration. Elle était prévue à 50 000 par an, elle est prévue à 100 000 par an par simple constat des années récentes.
L’attention doit plutôt être portée sur les naissances. Le solde français des naissances sur les décès est de 270 000 personnes (alors qu’il est négatif dans de nombreux pays !) en 2004 et 2005. Ce solde positif a deux explications :
> 1ère explication : la politique familiale en général, de natalité (aides financières et de congés) et d’aide à la petite enfance (crèches, écoles maternelles) en particulier. Cette politique crée des envieux chez nos voisins.
> 2nde explication : le taux de natalité varie dans la population française selon les origines des femmes[2] et les sondages de l’Insee ne reflètent pas ces différences.
Par nature, La France préfère la première explication plus en accord avec un consensus politique et social national. La seconde ouvre une critique à l’unité nationale et tend à accepter une France pluriculturelle officiellement refusée.
Il y a là sans doute une erreur profonde. A trop ignorer la France pluriculturelle, on stigmatise les différences, on pointe du doigt « l’autre ». A force de parler des « jeunes », des « quartiers », on stigmatise et généralise, effaçant ceux qui réussissent - et ils sont nombreux, et les quartiers calmes - et ils sont nombreux aussi.
Ignorer c’est punir par effacement, reconnaître c’est identifier.
Le contre-exemple allemand
Or quelques jours avant la publication de l’Insee citée, début juin 2006, l’Insee allemand - Destatis, Office fédéral des statistiques - publiait un « Mikrozensus » annuel. L’étude démographique annuelle a surpris tout le monde : 15.3 millions de personnes vivants en Allemagne sont issues de l’immigration, soit 19% des 82.45 millions d’habitants alors que l’on estimait depuis des années la population étrangère vivant en Allemagne à 7.5 millions, soit la moitié ! Un Allemand sur cinq est issu de l’immigration alors que l’on pensait que c’était un sur dix ! Les sources ne fournissent pas d’explication.
Le 13 juillet, la chancelière Angela Merkel a présidé un « sommet de l’intégration » avec comme objectif de réduire la cassure entre les Allemands de souche et les habitants d’origine étrangère qu’elle a qualifié « d’événement presque historique ».
Il est trop tôt pour conclure sur cette démarche. Dores et déjà, le consensus national autour de ce sommet a été réalisé, six groupes de travail sectoriels se sont mis en place. L’Allemagne reconnaît les dangers de la ghettoïsation et a pour but de lutter contre elle. Premier signe ? Elle pourrait régulariser 150 à 200 000 étrangers sans-papiers[3].
Richesse de l’immigration
Prendre les problèmes liés à l’immigration de face est plus prometteur que de les ignorer. Les Etats-Unis ont une politique d’immigration volontariste, et la croissance suit. Le Japon est tout à l’opposé contre l’immigration, et son taux de natalité de l’ordre de 1.2 est sans doute l’un des éléments clés de cette stagnation qui mine la seconde puissance mondiale depuis 15 ans. Sans doute la Chine va-t-elle relancer sa natalité car la politique de l’enfant unique va conduire sa population à stagner à un horizon de 30 ans. Si l’Espagne et l’Italie[4] ont naturalisé massivement en 2004 et 2005, c’est pour prévenir un affaissement de la population dû à un taux de natalité de 1.4. En 2004, la croissance de la population espagnole est plus rapide que celle de l’Inde : 14.7 pour 1000 contre 14.5 !
Certes, la difficulté de la France est de contrôler l’immigration. Nous sommes le pays d’Europe ayant la plus forte immigration d’Afrique. Pour les Allemands ce sont les Turcs, pour les Anglais le sous-continent indien, pour le Portugal les Ukrainiens, pour l’Espagne les sud-américains, pour l’Irlande les Polonais, pour l’Italie les Roumains, Ukrainiens et Albanais. Chaque pays choisi et soigne son immigration en prévision de l’intégration de cette population et du bénéfice qu’en tirera le pays.
Conclusion : il serait temps de casser le tabou des non-dits de l’immigration
C’est pourquoi, le silence de l’Insee (et donc des autorités compétentes) est troublant face à la croissance prévisible de la population nationale : il n’y a pas de honte à avoir une politique nataliste comme il n’y a pas de honte à constater que l’immigration est plus élevée que prévue en France et que l’immigration à majorité familiale (75%) induit une population jeune et qui donne naissance à de nombreux enfants, que cette population soit encore étrangère ou déjà française. Finalement, cette subtilité n’est que statistique ou politique, elle est opposée au langage commun.
La concomitance des deux faits mentionnés - forte natalité en France sans doute liée à la population d’origine étrangère, part des immigrés plus importante que prévue en Allemagne - n’est pas qu’un hasard. La France, l’Europe, ont toujours été des terres d’immigration à commencer par les Celtes, immigration extra européenne ou immigration intra européenne. L’immigration est source de richesse. A l’inverse, les pays s’opposant à l’immigration, à la mixité culturelle, ont toujours eu tendance à stagner - c’est le cas du Japon, de certains pays arabes.
La France de 2050 aura 70 millions d’habitants : c’est une excellente nouvelle !
[1] Projection de population pour la France métropolitaine à l’horizon 2050, Insee première, n° 1089, juillet 2006, Isabelle Robert-Bobée.
[2] Les défis de l’immigration, Maxime Tandonnet, éditions François-Xavier de Guibert, novembre 2005.
[3] Selon le quotidien de Münich Süddeutsche Zeitung du 22 juillet 2006.
[4] L’Italie prévoit de régulariser 350 000 travailleurs illégaux selon le Ministre de l’Intérieur Giuliano Amato, vendredi 21 juillet 2006.