Harcèlement moral : la petite louche jurisprudentielle de mars 2009
(où il est aussi question de tautologie et du Medef)
Vous vous rappelez ? Le 4 mars 2004, le MEDEF mettait au jour 44 propositions pour « moderniser le code du travail ». Chacun sait ce que « moderniser » veut dire, dans cet organisme. Quand le Medef « modernise », l’herbe ne repousse plus.
Quelque temps plus tôt, le 15 janvier 2004, un Monsieur Michel Davy de Virville passé de Laurent Fabius à Jean Pierre Soisson, de Renault (il sera le licencieur de Renault-Vilvoorde) à Fillon, jusqu’à la commission Attali - , mais du Medef toujours - un gars sérieux donc, remet au ministre Fillon un rapport, qui va défrayer la chronique, sur "un Code du Travail plus efficace". Déjà, seul le titre pouvait faire peur, eut égard au mandataire…
Pourquoi, me direz vous, faire un parallèle "crapulo-sous entendeur" entre ces deux textes, comme une polémique inutile de plus ? C’est que, étrangement (?), le Medef écrivait en préface du sien : " « Ce document ne reprend pas les propositions avancées par la commission présidée parM. Michel de Virville auxquelles le MEDEF adhère globalement, mais complètentcertaines d’entre elles et en ajoutent de nouvelles demandées par les entreprises.Les entreprises souhaitent leur intégration dans le projet de loi en préparation encomplément des propositions de la commission Virville dont elles partagent le contenu".
Tu l’as dit toi même !
En "complément" de ce qu’avait pensé et écrit leur petit camarade syndiqué, que proposait donc le Medef, qui vous fait lire ce billet en avril 2009 ? Simplement et tout particulièrement ce point 16 concernant le harcèlement moral :
"Harcèlement moral. La loi actuelle (dite de modernisation sociale) définit le harcèlement moral par une tautologie. Il est ainsi défini comme « des agissements répétés de harcèlement moral ». Cette situation n’est pas admissible et les dispositions introduites dans le code du travail relatives au harcèlement moral doivent être supprimées (sachant que les dispositions réprimant ce délit figurent dans le code pénal et suffisent à régler la question."
Traduit simplement en langage courant, cela veut dire que le patronat français demandait à sortir du code du travail toutes dispositions liées au harcèlement moral, ne laissant aux salariés que la faculté de saisir au pénal ! Cela aurait été plus pratique, non ?
On voit que déjà, le Medef, fine mouche, s’inquiétait de ce phénomène qui allait engorger les Conseils de Prud’hommes...
A l’époque, ma Laurence ne siègait qu’au conseil exécutif du Medef....
Dans sa communication "Le harcèlement moral au travail. Etat du droit positif " Jean-François Paulin -Maître de conférences, IUT A, Lyon 1 ; Directeur de l’Institut de formation syndicale de Lyon (Lyon 2)- fait le point sur le traitement juridique du harcèlement moral au regard de la jurisprudence.
Aujourd’hui, l’arrêt de la Cour de Cassation du 10 mars 2009 (n° 07-44.092 P+B+R), vient confirmer que le licenciement d’un salarié ayant dénoncé des faits de harcèlement est nul, et en rajoute une louche : que les faits dénoncés soient prouvés ou non par le salarié plaignant - c’est évidemment toute la difficulté pour ce cas d’espèce... et l’employeur en joue - et sauf mauvaise foi de sa part, le licenciement du salarié suite à des accusations de harcèlement moral est nul.
Voyez un commentaire sur cette jurisprudence sur Liaisons Sociales Quotidien, et sur Lamy Line Reflex.
Le harcèlement moral défini comme une "tautologie", écrivait le Medef.
Cinq années plus tard, le harcèlement moral n’est plus du "monter en haut... descendre en bas...".
C’est comme si la Justice disait, "au jour d’aujourd’hui ", comme cet autre avant la catastrophe, "lui c’est lui. Moi c’est moi".
Vous verrez, "incessamment sous peu", le Medef va se fâcher à propos de cette jurisprudence nouvelle.
Tiens, je tautologe aussi ! C’est si bon de tautologer !
Un petit de coup d’un Chinon divin (l’Arcestral de Philippe Pichard), et rien n’y paraîtra.