vendredi 9 juillet 2010 - par quidam

L’Education Nationale supprime le droit de grève

Dans un article précédent, nous faisions part d’un conflit entre le ministère de l’Education Nationale et ses informaticiens à propos du nouveau schéma directeur des infrastructures (SDI).

Pour rappel, ce SDI, basé sur la centralisation de l’activité, est destiné à terme à réduire considérablement le nombre de centres informatiques et constitue une première étape vers une privatisation des tâches. Les informaticiens, population traditionnellement plutôt discrète et laborieuse, considèrent qu’il s’agit là d’un démantellement de leur activité pour un résultat catastrophique pour l’usager, ce que confirment les premières expériences de centralisation.
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2010/05/27/04016-20100527ARTFIG00638-les-loupes-de-l-informatique-de-l-etat.php

Aucune des revendications du mouvement n’ayant été satisfaite depuis et face au mutisme de l’administration, un préavis de grève avait été déposé dans la période de la publication des résultats du bac. Ce n’était pas faute d’avoir prévenu, y compris par l’humour.

Rappelons que la publication prend trois formes.

Celle qui fait foi est l’affichage des listes d’admis en centre d’examen.

Les résultats sont également disponibles sur les sites internet des académies.
Enfin, des officines privées ont obtenu le droit de diffuser ces résultats sur leurs sites internet ou par SMS, moyennant finances bien évidemment.

Les informaticiens, bien qu’en ayant la capacité, n’ont absolument pas souhaité s’opposer au processus normal du bac et leur action a donc porté uniquement sur la publication des résultats sur internet et à leur envoi vers le privé. Le mouvement a été plus ou moins suivi selon les académies.

Face à cette gravissime atteinte à la sécurité nationale, l’administration a décidé de frapper fort. Ainsi, mardi 6 juillet, des agents grévistes se sont vus remettre une lettre de mise en demeure (leur enjoignant de regagner leur poste) par porteur spécial, ou par le secrétaire général du rectorat voire même par mail (!) comme ce fut le cas à Amiens.
 
La mise en demeure a été fondée sur la décision N° 79-105 DC du Conseil Constitutionnel du 25 juillet 1979 :

La mise en demeure peut se justifier dans le cas où l’ordre public est menacé mais il était fait mention là de continuité du service public. Or celle-ci n’a en rien été perturbée puisque les résultats du bac ont été publiés en heure et en temps dans les centres d’examen comme chaque année.

Dans la crainte de sanctions, les agents concernés ont en majorité rejoint leur poste et repris leur travail à contrecoeur.

Les syndicats envisagent maintenant de mettre l’affaire dans les mains du tribunal administratif.Car il ne s’agit ni plus ni moins que d’un déni du droit de grève. Il est probable que des consignes venant d’en haut aient été envoyées dans les rectorats afin d’éviter de médiatiser au maximum le mouvement.

Ah c’est vrai, un des deux chouchous étant en difficulté, il faut ménager l’autre.
http://www.lexpress.fr/actualite/politique/woerth-chatel-les-chouchous-du-president_899994.html
 
Dans quel pays sommes-nous donc pour faire payer aux usagers ce que le service public met à disposition (d’habitude) gratuitement ?

Dans quel pays sommes-nous donc pour que des salariés soient privés de leur droit de faire une grève aux répercussions aussi bénignes ?

Dans quel pays sommes-nous donc pour que l’Etat se permette de faire ce que des patrons n’oseraient pas faire ?

Dans quel pays sommes-nous donc pour qu’on ne trouve aucun écho de cette affaire dans les médias ?
 


17 réactions


  • marignan155 9 juillet 2010 11:01

    Informaticien durant 40 ans, père d’informaticien, je sais que de nombreux collègues, dans le public et le privé, ne respectent pas les horaires mais font souvent bien plus d’heures que nécessaire, sans les compter (voir aussi le premier billet : Robustesse grâce en partie à la bonne volonté des informaticiens locaux, y compris sur leur temps libre.)

    dans les petites structures, la menace ou le début d’un respect strict des horaires, comme le font quelques prestataires, ramène la hiérarchie à des comportements plus souples

    malheureusement, l’Education nationale n’est pas une petite structure

    j’appelle cela tirer une balle dans le pied de son personnel


  • fifilafiloche fifilafiloche 9 juillet 2010 12:04

    Je n’ai jamais compris pourquoi les informaticiens et les responsables réseau avaient besoin de se rendre dans un lieu spécifique pour travailler, alors que leur travail peut être effectué depuis chez eux. Quelle perte de temps et d’énergie.


    La logique voudrait que ces professions soient rémunérées à la tâche, à la mission, et non à l’heure. Il ne s’agit pas d’une profession industrielle.

    • Cipango 9 juillet 2010 12:09

      La tâche des informaticiens est principalement de se mettre à niveau dans un monde qui évolue très rapidement. Surtout lorsqu’il est question de sécurité réseau.


    • AlbatrosE AlbatrosE 9 juillet 2010 13:38

      Je contresigne. Cela relève en fait de la voonté de contrôle social par le management : totalitarisme néolibéral.


    • Τυφῶν בעל Perkele Τυφῶν 9 juillet 2010 14:55

      Oh mais y en a marre de cette dérive langagière qui conduit à voir du totalitarisme partout. C’est pas plus intelligent que le point godwin. Qu’on se le dise : ceux qui emploient ce genre de mot à tort à travers sont des invertébrés.

      Typhon


    • AlbatrosE AlbatrosE 9 juillet 2010 21:55

      Sauf que là, ce n’est pas à tort et à travers. Le management est le nouveau totalitarisme, dixit l’ancien dissident soviétique Alexandre Zinoviev.

      La scientologie inspire d’ailleurs ces méthodes de manipulation mentale.

      Je maintiens, en gardant toutes mes vertèbres !


    • Τυφῶν בעל Perkele Τυφῶν 10 juillet 2010 11:56

      Gna gna gna gna. Je vous souhaite de ne jamais réaliser à quel point vous avez tort, parce que vu le manque de réflexion dont vous faites preuve, ça impliquerait d’être confronté à un vrai régime totalitaire.

      Typhon


    • AlbatrosE AlbatrosE 10 juillet 2010 20:12

      Je répète, je cite une personne qui a connu un vrai régime totalitaire, l’a combattu puis s’est retourné contre l’occident.

      http://www.zinoviev.ru/frz/index.html

      Une image simple : vous prenez un gars aux cheveux longs.

      Dans le régime totalitaire classique, un bon militaire le rase et le fait marcher au pas ;

      Dans notre régime, on respecte sa coupe, on le flatte mais on lui tripote le cerveau insidieusement en le poussant à faire par lui -même ce qu’on attend de lui (management, manipulation mentale) et on lui fait croire qu’il est libre.

      Quelle est la situation permettant une sortie ? Vous me suivez ?
      Cessez de vous moquer, je n’emploie pas ce mot à la légère - même si vous n’êtes pas tenu à adhérer à ma position, cessez de me taxer de petite cervelle qui emploie des mots sans y avoir réfléchi.


    • Τυφῶν בעל Perkele Τυφῶν 10 juillet 2010 22:31

      Les gens qui s’imaginent qu’on peut contraindre par ce genre de moyen sont soit des gens arrogants qui considèrent les autres comme des pions, soit des abrutis qui cherchent à se dégager de leur responsabilités.

      Typhon


  • marignan155 9 juillet 2010 12:46

    à fifilafiloche :

    Comment savez-vous que l’informaticien (s’il existe en tant que tel, il y a tellement de facettes) peut travailler en solitaire ?

    Sauf pour des projets très spécifiques c’est un travail d’équipe, l’informaticien en solo, cela existe, souvent en free-lance, en prestataire de service (là c’est payé sur devis, ou aussi en régie, à l’heure prestée).

    La rénumération à la tâche existe, sur cahier des charges, sur devis, au forfait. 

    Ce n’est pas une profession industrielle ? Là encore, comment le savez-vous ? 

    Les méthodes de gestion de projets, les différentes méthodes dans la vie d’un projet sont tellement formalisées que pour certains, comme moi, cela incite à se diriger vers quelques oasis où l’industrialisation n’a pas encore envahi toute l’activité (exemple : la sécurité, les performances,...)

    .Comment envisageriez-vous un projet impliquant un grand nombre d’informaticiens payés à la tâche ? Voyez les résultats chez Microsoft, qui sous-traite à des « entrepreneurs individuels ». (Naomi Klein, No Logo, Babel, 2002, pages 411 et 412 : « Ils [Microsoft] nous traitent comme des ordures. », et cela ne se passe que pas chez eux.)

    Reste que chaque activité informatique contient une part de pari : 

    - la loi de Murphy y est bien connue (d’ailleurs pour certains, Murphy est un optimiste)

    - le diable se cache dans les détails (chers collègues, qui ne connaît pas RTFM ou pebkac ?)


    • fifilafiloche fifilafiloche 9 juillet 2010 13:24

      @ Marignan,


      Il s’agit de simple logique. L’internet abolit les distances. Videoconférences, banques de données, contrôle des ordinateurs à distance. Seules des considérations « syndicales » contraignent cette profession à une organisation génératrice d’inefficiences archaiques et de coûts que le consommateur final doit supporter : frais de transports, loyers...

    • marignan155 9 juillet 2010 23:01

      à fifilafiloche

      opposer la logique, la vôtre, celle où des mots alignés servent d’argument face à l’expérience me semble léger, vous en êtes ICI au niveau de Mme Albanel qui citait pare-feu et open-office,

      pourtant j’avais posé deux questions précises avec déjà une partie de mes réponses

      avant internet, j’intervenais déjà sur mon site avec transpac et un minitel, le week-end, dans des conditions bien précises et je n’étais pas le seul

      contrôle à distance : qui va appuyer sur le bouton marche ? qui va aller chez l’utilisateur pour voir comment, réellement, il a un problème ? et la vidéoconférence ? avec quelques intervenants en plusieurs endroits, il n’est pas sûr que celà soit efficace, voir Christian Morrel, les décisions absurdes, nrf, 2002, paage 213)

      j’ai connu un site avec télétravail, cela nécessite bien des conditions pour satisfaire employeur, employé, sécurité, efficacité, coûts (mise en place, fonctionnement) cela devrait rassurer Waldgänger (que je trouve bien aigri), cela peut fonctionner et cela fonctionne pour certaines activités, pour en savoir plus, voyez donc d’abord, en première approche wikipedia

      dans mon bled, je connais un consultant qui passe 2 à 3 jours en déplacement ou au siège à paris, le reste de la semaine c’est loin, en province, qu’il travaille, chez lui, voilà une formule possible

      quant à la notion de syndicat et de coûts j’aimerais voir quelques exemples pour ne plus penser que ce sont des arguments faibles

      à Yohan le deuxième paragraphe est clair, avec cette nouvelle structure ils feront moins bien


  • Yohan Yohan 9 juillet 2010 16:04

    Peut être que les informaticiens de l’EN ne savent pas faire à distance


    • Redj Redj 9 juillet 2010 16:32

      Peut-être que vous n’y connaissez rien au contexte du métier d’informaticien dans l’EN.


    • Guzecha Guzecha 10 juillet 2010 00:12

      Oui (j’en suis) nous savons faire à distance, de chez nous s’il le faut et dans des conditions de sécurité qu’il n’y a que nos collègues militaires pour contester.

      Mais si on fait grève sur le site ce n’est pas pour le faire à distance, n’est-ce pas ?

      Relisez bien le premier article, vous y verrez un lien vers des magazines où publient de temps à autres des collègues. D’autres ont leurs compétences notoirement


  • Waldgänger 9 juillet 2010 16:41

    Pourquoi pas de travail à distance ? Parce que le monde du travail est plus une affaire de contrôle que de production. Et le public n’est pas différent du privé. J’ai travaillé trois mois dans un contexte de contestation dans une boîte, et j’étais payé pour enfiler ma tenue de travail et montrer ainsi que j’étais un larbin. Charmant souvenir.

    Les procédures absurdes, la formalisation à outrance. Franchement, qui va croire au développement du télétravail quand le maître mot du management et des DRH est d’exercer une surveillance constante et d’avoir une emprise psychologique absolue sur leurs employés ?

    C’est Baudrillard, en disant qu’il ne restait que « le rituel des signes du travail » et l’assignation à un poste, qui avait raison à mon sens.

    Ca peut paraître absurde, mais j’ai vu trop de gens ne pas travailler des masses et être appréciés pour cela pour croire encore à toutes ces niaiseries sur l’entreprise qui rechercherait la productivité à tout prix et rien d’autre.


  • schweitzer schweitzer 10 juillet 2010 03:22

    Je pense qu’on exploite pas le travail à distance car des salariés qui font deux heures de train par jour àpour venir au travail ans des conditions épuisantes (deux ou trois changements qui font marcher les trains, les voitures et les pompes à pétrole) ce sont des salariés qui ont accepté d’être des esclaves pour cause de « finances »... et des salariés épuisé qui ne contestent pas les ordres du patron qui lui arrive tout frais à 14h00 au boulot après avoir dormi jusqu’à midi.

    Sa conscience lui dit, à ce patron : ton entreprise travaille, ton argent travaille, lui travaille en effet beaucoup moins puisqu’il reparti de l’entreprise à 15h30. A moins qu’il y ait quuelques réunions où on ne saisit pas tellement la réalité de l’entreprise qui est caché derrière des chiffres et des tonnes de viande (un salarié, c’est 75 kilos de bidoche et de l’énergie, donc des heures de travail, des coûts et des conéquences sur le chiffre d’affaire, n’est-ce pas ?).

    Bref, pour ce patron, l’entreprise c’est un lieu de vacnaces... Il y a bien sûr les patrons qui croient aux entreprises « anciennes », celles où on est solidaires, mais combien en existe-il encore et quelles sont leurs taille : 20 employés au maximum. Pendant ce temps, à France Telecom et à Renault, on se suicide.

    Et puis, il y a combien de vrais actifs en France, je veux dire des salariés : 15... peut-être 20 millions de salariés pour 40 millions d’adulte. Et c’est grave, ça, madame, car la France n’est pas une entreprise et encore moins privée !!!

    Cordialement. A+. Jake.


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