mercredi 8 mars 2017 - par Taverne

L’Humain en danger

"Un rhinocéros blanc a été abattu de trois balles dans le parc zoologique de Thoiry (Yvelines) dans la nuit de lundi 6 à mardi 7 mars et sa plus grande corne a été sciée, probablement à l’aide d’une tronçonneuse." C'est ce que nous annonce Le Monde en ligne le 7 mars 2017. Ce modèle de comportement trop répandu (même s'il s'agit d'un cas unique en Europe) met l'humanité en danger par sa répétition. Paradoxalement, c'est l'acte de tuer les rhinocéros qui annonce le sauvetage de l'humanité dans la pièce "Rhinocéros" d'Eugène Ionesco.

A la fin, de cette pièce, souvenez-vous, le personnage central, Bérenger, le plus humain des personnages, est aussi le dernier à rester humain, la rhinocérite ayant transformé tous les autres. Bérenger le type gentil, hésitant, l'homme bourré de scrupules (et parfois bourré tout court !), détache soudainement le fusil du mur en s'écriant : "Je suis le dernier homme, je le resterai jusqu'au bout ! Je ne capitule pas !" La place du Trocadéro à Paris a semblé dimanche gagnée aussi par une rhinocérite de forme récente : une foule compacte d'individus pensant tous de la même façon et répétant bien doctement les consignes qu'on leur avait inculquées : "nous sommes nombreux, nous sommes 200 000 !"(nous avons la force et le nombre de notre côté), "nous ne manifestons pas contre la la justice ni contre les juges", etc. La leçon était bien apprise et les propos des personnes interrogées ne révélaient aucune once de pensée personnelle. La rhinocérite est un mal qui se traduit par une vénération de la force brute, animale et le désir de foncer droit devant tête baissée au mépris de toute contradiction et de renverser tout sur son passage.

Pour en revenir à nos moutons...à notre rhinocéros, il était prénommé Vince et il appartenait à la sous-espèce du rhinocéros blanc du Sud, une espèce en voie de disparition puisqu'il ne resterait que 20 000 spécimens, soit dix fois moins que les automates à drapeaux tricolores qui acclamaient leur héros dimanche dernier. Ces animaux sont victimes d’un intense braconnage pour des raisons douteuses, la cupidité qui veut avoir raison de tout en ce monde finira peut-être par le faire disparaître complètement (ce monde). Ces comportements irresponsables ne sont pas dignes de l'être humain. La cupidité des élus, pourtant censés donner l'exemple, n'est pas plus responsable que le braconnage. Il repose sur le même principe : le droit que s'arrogent certains individus pour piller les ressources dans leur seul intérêt et ce, sans l'ombre d'un remords. "J'ai droit à !"

Ces façons de faire sont destructrices de l'humanité dans plusieurs de ses aspects qui ne sont pas les moindres : la moralité, le respect de l'environnement - qui est le trésor de tous : individus actuels et à venir -. La démocratie et la justice sont, quant à elles, menacées par la culture du privilège et de l'enrichissement aux dépens de la collectivité, chez nombre de nos parlementaires.

Dans "Rhinocéros" de Ionesco, les personnages nourrissent des frustrations. Ils sont, pour la plupart, déjà enfermés dans des systèmes de pensée aliénants, quand surgit la maladie. Jean représenterait un fascisme de droite ("L’homme supérieur est celui qui remplit son devoir."), Botard un fascisme de gauche (il invente des complots pour justifier sa dénonciation de tous ceux qui ne partagent pas son point de vue idéologique). Dudard est l’intellectuel qui relativise tout et qui, en expliquant, minimise : "De toute façon, ce n’est pas mortel. Il y a des maladies qui sont saines. Je suis convaincu qu’on en guérit si on veut. Ça leur passera, allez." C’est aussi lui qui dira "comprendre, c’est justifier". Il préfère le scepticisme à l’angoisse de l’engagement et finira par abdiquer comme les autres. Daisy, la collègue que Bérenger courtise, craque à son tour : "On s’y habitue, vous savez. Plus personne ne s’étonne des troupeaux de rhinocéros parcourant les rues à toute allure. Les gens s’écartent sur leur passage, puis reprennent leur promenade, vaquent à leurs affaires, comme si de rien n’était." Ici, le dramatruge fait clairement référence aux Français qui s'étaient habitués aux occupants allemands. Oui, on s'habitue à tout et aujourd'hui encore ! On s'habitue, par exemple, à la pauvreté grandissante dans un pays pourtant très riche, aux gens qui survivent dans la rue, aux mensonges de la politique, aux affaires, à la montée des radicalismes.

Daisy a aussi cette sentence "la culpabilité est un symptôme dangereux. C’est un signe de manque de pureté" que l'on pourrait actualiser sous la forme : nous ne devons jamais, en aucun cas, faire preuve de remords ni nous excuser ni réparer, en bref pas de "repentance", englobant dans cette notion rendue délibérément péjorative ce qui fait pourtant l'humain. Imaginez un monde dans lequel plus personne ne respecte personne et ne pratique ni l'excuse ni le pardon ni la commémoration des drames, ni le souvenir des actes odieux, toutes ces choses qui participent de la formation de la conscience, notamment des jeunes.

Les prédispositions des personnages de Rhinocéros font que le mal va les gagner à une vitesse très rapide, chacun se jusitifiant par de justes raisons ou des raisons rationnelles. Le mal devient très vite, à leurs yeux, le bien ! Dudard fait partie de ceux qui composent avec le mal en prétendant le combattre de l'intérieur : "Je conserverai ma lucidité. Toute ma lucidité. S’il y a à critiquer, il vaut mieux critiquer du dedans que du dehors. Je ne les abandonnerai pas, je ne les abandonnerai pas." (le suivisme par "solidarité") Combien de fois n'a-t-on pas entendu cela ? Aujourd'hui, une droite radicalisée prétend lutter contre le FN en le singeant et parce que c'est ainsi qu'il faudrait, selon elle, suivre la volonté du peuple.

Le goût du conformisme est dangereux. Dans la pièce de Ionesco, Bérenger a failli lui-même y céder dans un moment de faiblesse et d'hésitation : "Je ne suis pas beau, je ne suis pas beau. (Il décroche les tableaux, les jette par terre avec fureur, il va vers la glace.) Ce sont eux qui sont beaux. J’ai eu tort ! Oh ! Comme je voudrais être comme eux." Mais, lui, il se reprend parce qu'il est profondément humain, c'est-à-dire humain avec aussi tous les petits travers que cela suppose mais sans jamais céder sur le principe de son humanité.

Il faut se défier plus que jamais de la pensée toute faite, trop facile, de la rhinocérite. Refuser d'entendre les arguments ou de voir les faits et foncer tête baissée en pensant que la force viendra à bout de tous les problèmes est un leurre. Si cette méthode aplanit les difficultés, ce sera en les piétinant, mais en les piétinant le troupeau piétine tout le reste et rien ne repoussse après. Le chacun pour soi ou chacun pour son camp, le braconnage, la culture des privilèges hérités, tout cela doit être anéanti. A cette fin, la moralisation ne doit pas être perçue comme un vilain mot. Quand le danger menace, il faut sévir avec les bons remèdes.

 



27 réactions


  • leypanou 8 mars 2017 12:56

    la cupidité qui veut avoir raison de tout en ce monde finira peut-être par le faire disparaître complètement (ce monde). : ce n’est pas seulement une histoire de cupidité, mais encore plus avoir quelque chose sans se fatiguer, faire grand-chose.

    Car la personne qui a scié la corne du rhinocéros pour la vendre, qu’a-t-elle fait à part scier la corne et la vendre ?

    Mais rémunérer réellement un travail fictif ressemble un peu à çà aussi : après, on peut toujours dire que c’est légal.


  • Clocel Clocel 8 mars 2017 13:04

    "Il faut sauver les condors non pas tant parce que nous avons besoin d’eux mais parce que nous avons besoin des qualités humaines pour les sauver ; car ce sont celles-là même qu’il nous faut développer pour nous sauver nous-mêmes."

    Ian Mac Millan.

    Remplacer les condors par n’importe quelle espèce, ça marche encore...


    • PiXels PiXels 8 mars 2017 20:17

      @Clocel
      .
      « Remplacer les condors par n’importe quelle espèce, ça marche encore... »
      .
      Par contre remplacer (tous) les cons par de l’or... ça risque de coûter bonbon !!!


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    Article d’auto-soufflage dans le cul ...
     

    pour bobo narcissiques du café du commerce interdit aux ouvrières pas babues ... encore plus convenu et recyclant du copier/coller encore plus que d’hab....
     

     
    « Un raton sur une plage, ça vaut pas 500000 ratons irakiens exterminés par la faim, mais ça encourage la traite capitaliste pour notre UE ghetoïque, US sous-bis. »

    Madeleine All Bright


    • julius 1ER 8 mars 2017 15:17

      @La Baudruche négrière patronale verdie


      massacrer les rhinos n’enlève pas la responsabilité de Bush dans ce conflit !!! 

    • @julius 1ER
       

      Le rhino a sûrement plus de conscience de soi que le bobo, donc
       
      c’est les dents des gogochos qu’il faudrait réduire en poudre, suivant une ancienne grande tradition teutonne.
       
       
      « Le chimpanzé connaît son nom, mais ne peux comprendre les pronoms Je, Tu etc... Car le mot Je est symbolisation de la conscience de soi, Je voyant Moi. Il en est de même du bobo, mais qui lui ne passe même pas le test de la tache devant le miroir, de Gallup. Bobo n’a même pas de nom, car il est le transparent multiethniqué » Éthologue
       


    • julius 1ER 12 mars 2017 13:52
      c’est les dents des gogochos qu’il faudrait réduire en poudre, suivant une ancienne grande tradition teutonne.

      @La Baudruche négrière patronale verdie

      difficile avec les sans-dents ....mais nul n’échappe à la contradiction !!!!

  • zygzornifle zygzornifle 8 mars 2017 13:43

    faut faire croire aux Chinois que les testicules des islamistes radicaux habités par un dieu sanguinaire ont des vertus thérapeutique ..... Qu’ils viennent faire le grand ménage chez nous et au au Maghreb ..... 


  • Sphere 8 mars 2017 13:51

    L’argent domine tout, l’humain et la morale n’ont plus leur place face au droit et au marché, c’est notre système majoritaire depuis 200 ans. Ma grand-mère vient de m’expliquer qu’un prêtre avait refusé de marier un jeune couple parce qu’ils ne rentraient pas dans sa grille tarifaire. Ça fait 20 ans que notre monde s’est éteint, va falloir un sacré coup de cravache pour en recréer un


  • LE CHAT LE CHAT 8 mars 2017 14:14

    vu le nombre de cocus que vont faire ces élections , il ne manquera pas de cornes pour les mois à venir smiley


    • Taverne Taverne 8 mars 2017 14:56

      @LE CHAT

      Certains voient déjà leur réputation bien écornée.


    • velosolex velosolex 8 mars 2017 15:43

      @Taverne
      Un de ces quatre, il y aura des imbéciles pour croire que la corne de Fillon est aphrodisiaque.... 


    • Gasty Gasty 8 mars 2017 19:01

      Une fois que tout le monde l’aura dans le cul, il y aura comme une union sacrée autour du pot de vaseline.


    • julius 1ER 9 mars 2017 08:47

      @Gasty


      tu crois que c’est pour ne pas l’avoir dans le fion qu’il lui ont coupé la corne ????

    • Taverne Taverne 9 mars 2017 09:34

      @Gasty

      Notre paysage politique est atteint de ruinocérite = ruine des propositions + radicalisations militantes faisant penser à de la rhinocérite (une façon de penser unique - celle de son camp -, pensée par slogans, appel à la force brute pour masquer les frustrations et ressentiments).


  • Crab2 8 mars 2017 15:54

    Le rhinocéros et la mort ou le bonheur de ces dames

    " rituel d’exorcisme contre la peur du sang menstruel, et donc de la féminité comme source de danger " - pour ce 8 Mars, journée de la femme, ce scoop ne manquera pas de faire le bonheur de ces dames

    http://laicite-moderne.blogspot.fr/2017/03/le-rhinoceros-et-la-mort.html


  • zygzornifle zygzornifle 8 mars 2017 16:08

    Faut plus que Rocco Siffredi se ballade sans slip il pourrait y avoir confusion ......


    • velosolex velosolex 9 mars 2017 11:17

      @zygzornifle
      J’ai retiré ce matin le nain de jardin en plâtre de mon jardin

      Son bonnet peut être pris pour une porte manteaux les nuits de pleines lune
      Pareillement faut dire à Fillon le soir de ne plus se balader dans son parc
      Les cornes qu’il porte sur sa tête peuvent faire illusion

  • Taverne Taverne 8 mars 2017 16:40

    Bien sûr, j’aurais aussi pu parler des barbares qui maltraitent leurs femmes. Cela ne grandit pas non plus l’humanité. En chanson :

    Je m’présente, je m’appelle Henri.
    Et je frappe, quand m’en vient l’envie, l’être aimé !
    Je veux qu’elle m’apporte de l’argent
    Qu’elle dise que j’suis intelligent
    Et tout ça, même quand j’noce à plein temps.

    Moralité : Henri noce et rosse...sa femme.

    P.s : C’est un peu tiré par les cornes, non ?


  • 65beve 65beve 8 mars 2017 19:50

    Bonsoir Taverne,

    Dans sa pièce, Ionesco voulait dénoncer le totalitarisme et le fascisme et surtout l’inconscience des spectateurs de ce fait.
    Les gens discutent du nombre de cornes du rhinocéros aperçu alors que l’abomination dans ce lieu est justement le rhinocéros lui-même.
    Le thème de la pièce est d’actualité.
    Faut-il dé-diaboliser tel parti extrémiste ?
    Est-ce que ce parti est fréquentable maintenant qu’il a été purgé de son membre fondateur et de ses skinheads ? est-il un rhinocéros à une corne ou deux ?
    Cornegidouille !


    • Taverne Taverne 8 mars 2017 19:57

      @65beve

      « Ni fraudeurs ni frondeurs » sera ma première réponse.
      Unicornu ou bicornu, le rhinocéros politique est respectable. Mais pas le biscornu.
      Pour finir, je suis de tendance humaniste. Donc, le Front peut faire ce qu’il veut et même se faire pousser des cornes pour faire le malin, je ne voterai pas pour lui.


  • vengeur 25 8 mars 2017 21:30

    Merci beaucoup pour votre article. je vois que je ne suis pas le seul à m’indigner. Mais on est quand même pas nombreux à être choqués je trouve... 


  • RICAURET 8 mars 2017 23:09

    IL FAUT APPELER UN CHAT UN CHAT
    C EST UN OU DES ENCULES DE PREMIÈRE RIEN DE PLUS POUR MOI QUE DES LÂCHES
    DES VERMINES RIEN DE PLUS DES RÉSIDUS DE SOCIÉTÉS

    JE SUIS POLI


  • alinea alinea 8 mars 2017 23:17

    Magnifique votre article, Taverne ; comme j’avais vu qu’il était question de rhinocéros et que j’avais lu les premières lignes, je renâclais à le lire. Je fuis depuis quelques années déjà ces nouvelles qui ne m’apprennent rien mais qui me font de plus en plus mal.
    Mais j’ai bien fait de céder à ma curiosité, pensant que Taverne ne nous faisait pas un article animalier.
    Merci


    • Taverne Taverne 8 mars 2017 23:53

      @alinea

      Merci alinéa. En effet, j’ai choisi le titre en conséquence. Il s’agit bien de montrer l’enjeu plus large du devenir de l’humanité qui est en nous, pas seulement d’évoquer ce fait divers tragique. D’ailleurs, j’avais annoncé il y a quelques jours que j’écrirais un article sur Ionesco. Ce fait divers est arrivé pour ainsi dire à pic, malheureusement. C’est le hasard. J’ai pensé que c’était l’occasion d’essayer d’accrocher les consciences.


  • Taverne Taverne 9 mars 2017 09:48

    Tout le monde veut sauver le monde mais personne ne veut descendre les poubelles, comme a dit quelqu’un.

    Il ne suffit pas de s’indigner, d’adopter des postures morales de circonstances ni de se contenter de désigner les coupables, il faut s’occuper des poubelles. Autrement dire, il faut savoir aussi regarder l’humain droit dans les yeux avec ce qu’il comporte de bon mais aussi de mauvais.

    Cet article donne une portée générale à la réflexion : il y a pillage en économie et en politique. Et ne dit-on pas souvent que Fillon braconne sur les terres du FN ?


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