jeudi 2 juillet 2009 - par Frédéric Alexandroff

L’intolérable mépris de la jeunesse

On le savait déjà, la France est un pays de vieux. Des vieux qui se plaignent, pleurnichent, couinent, grognent, se lamentent. Parfois à raison, souvent à tort, et bien plus encore à travers. Et s’il y a une chose contre laquelle ils devraient arrêter de pleurer, c’est bien le jeunisme dont la société ferait preuve et dont ils seraient les victimes immédiates.

Mais qu’est-ce exactement que le « jeunisme » ? Le dictionnaire Larousse le définit comme une « tendance à exalter la jeunesse, ses valeurs, et à en faire un modèle obligé ». D’une manière générale, l’idée force du jeunisme serait donc, selon Wikipédia, de faire une « place plus importante aux jeunes » et il décrirait, plus précisément s’agissant des questions d’emplois, « les discriminations par l’âge, mais également (...) le remplacement d’employés par de jeunes diplômés ». Arrivés là, ceux qui ne sont pas encore morts de rire, ou que les larmes n’aveuglent pas, me suivront peut-être dans ma réflexion.

La génération "bons plans".

Mercredi 1er juillet au matin, on pouvait trouver sur le site du Monde.fr, un article de Nicole Vulser, intitulé "la crise n’a pas bouleversé les habitudes des 18-25 ans", dans lequel nous sont relatés les résultats d’une étude menée par l’agence Junium. De fait, le papier, plutôt court, se contente de rapporter les questions posées par ce sondage et les réponses apportées par les trois cents "jeunes" interrogés, sans aucun véritable commentaire ni mise en perspective. Dieu sait pourtant qu’ils l’auraient mérité.

Or donc, que nous apprend cette étude ? D’abord que 64 % des jeunes soumis à la question "déclarent ne rien avoir changé dans leur façon de consommer en raison de la crise". Ce qui, très franchement, n’aura étonné personne, dans la mesure où le "pouvoir de consommer" n’était déjà pas entre leurs mains avant ladite crise. "A une nuance près", nous précise tout de même l’auteur, car "les jeunes touchés par le chômage sont les plus affectés". Non, sans blague ? On ne s’en serait jamais douté.

Dans la droite ligne de ces révélations fracassantes, l’article poursuit sur sa lancée en rappelant des chiffres que les médias et l’opinion ont, il est vrai, une fâcheuse tendance à oublier : près de 20% des jeunes de 25 ans sont au chômage, et plus de 35% occupent un emploi précaire, c’est-à-dire, pour s’en tenir, là encore, aux définitions du Larousse, un emploi qui "n’offre nulle garantie de durée, de stabilité, qui peut toujours être remis en cause". Un emploi qui, pour faire simple, ne permet tout simplement pas de vivre. Raison pour laquelle, n’oublie pas de préciser l’auteur de l’article, "70 % des garçons et 45 % des filles vivent encore chez leurs parents".

 Par la suite, le lecteur est amené à se focaliser sur le cœur de l’étude ainsi "analysée", en l’occurrence les habitudes de consommation des 18-25 ans. On y apprend, pêle-mêle, qu’ils achètent et vendent beaucoup sur Internet, privilégient les marques d’hypermarchés ou hard discount, délaissant ainsi les grandes marques "sauf Coca-Cola et Nutella", que pour eux le bio est "louche tellement on en parle" et que "les produits éthiques ne sont pas non plus leur truc".

Et qui sont donc les modèles de ces jeunes ? poursuit l’article. Qui les fait rêver ? "Un membre de leur famille (à 17 %), suivi par un sportif de haut niveau (12 %), un acteur de cinéma ou de télévision (10 %), un chanteur (9 %) et un de leurs copains (6 %)". Un homme politique ? Non ? Même mort, à la rigueur, car c’est encore parmi ceux-là qu’on trouve les plus dignes d’admiration. Pas un de Gaulle, ni un Mendès, voire même un Clémenceau... non ? Tant pis. Un scientifique alors ? Non plus ? Et un grand auteur ? Ah... bon. Gagne pas assez, sans doute. D’ailleurs, nos jeunes ne font pas mystère de leur grande ambition : "fonder une famille" (12 %), avant même d’être "heureux en amour" (11 %). Il n’y a qu’une chose pire que le cynisme, c’est le cynisme bête et heureux.

Le citoyen là-dedans ? Il n’existe pas. Et d’ailleurs tout le monde s’en fout, de la citoyenneté, à commencer par nos fameux "jeunes", s’il faut en croire l’étude menée. Car, après avoir constaté que, pour les 18-25 ans, la crise ne serait qu’un prétexte permettant à la classe politique d’"expliquer tous les maux actuels", une aubaine pour les banques "qui en profitent de façon jugée abusive", ainsi que pour les entreprises "pour justifier des licenciements", et même "un leitmotiv des médias pour plaire à leur public", on apprend également que les élections arrivent tout en bas de la liste des choses qui les intéressent. Ou, plus exactement et pour reprendre la terminologie exacte choisie par l’agence ayant mené l’enquête, des choses qu’ils trouvent "géniales".

 

Une population amorphe et sans conviction.

 Et c’est là que surgit le mépris que j’évoque dans le titre de mon article. Nos trois cents "jeunes", dont on suppose qu’ils constituent ce qu’on appelle un "échantillon représentatif", sont amenés à s’exprimer sur le degré d’intérêt qu’ils ont pour tel ou tel concept, bien matériel, groupe de population ou autre... et ce en répondant par "c’est génial", "c’est bof" ou "c’est nul". Les réponses sont tellement effrayantes qu’elles se passeraient presque de commentaires.

Donc, voici, du plus "génial" au plus "nul" :

-Les journaux gratuits (79 %), sans doute parce que les informations qu’on y trouve sont à peine plus intéressantes que dans les grands quotidiens, et pour pas un kopeck.

-Le développement durable (77 %), sûrement parce que ça fait "cool" d’être écologiste.

-Les organisations humanitaires (73 %), parce que ni la jeunesse ni la précarité qui lui est devenue inhérente ne protège du politiquement correct.

-Les enfants (73 %)... c’est toujours génial, les enfants. Jusqu’au moment où on en a.

-L’argent (64 %), parce qu’il est bien connu que l’être humain désire avant tout ce qu’il n’a pas. Parallèlement, dire de l’argent que c’est "génial", est un puissant révélateur de l’état de délabrement moral de notre société. L’argent, ça n’est jamais rien d’autre que l’argent, c’est-à-dire une monnaie d’échange. On en a, ou on en a pas, mais lui conférer une espèce de valeur morale intrinsèque est d’une perversité extrême.

-Le mariage (60 %)... bon, là, j’avoue mon étonnement. Ou alors, c’est comme les chansons des années 80, ça revient à la mode.

-Les homosexuels (47 %). Donc... soit 47% des jeunes interrogés sont des gays et des lesbiennes, soit il s’agit d’une espèce de jugement moral basé sur des préjugés encore plus idiots que ceux sur lesquels s’appuient la mal-nommée "homophobie".

-Facebook (42%), parce qu’avoir sa tronche sur Internet, et y exposer sa vie, même si on a rien à raconter, c’est très moderne.

-Le téléchargement illégal (42 %). Et vlan pour Hadopi...

-L’Europe (41 %). Hum... rappelez-moi le taux d’abstention des jeunes aux dernières européennes ?

-Les mères porteuses (40 %). Là, je ne vois pas quoi écrire, mis à part : ?????

-La poésie (36 %). Un peu de douceur dans un monde de brutes.

-Le Smartphone (34 %). Je ne sais même pas ce que c’est.

-Les élections (26%). La lanterne rouge du peloton...

Alors, à présent, si l’on s’en tient à ce qui est énoncé plus haut, on en conclut la chose suivante : la jeunesse est un ramassis de crétins lobotomisés, cyniques, conscients de vivre dans une société pourrie mais disposés à ne rien y changer du moment que, eux, réussissent à s’y faire une place, et ayant substitué à l’addiction de la religion comme opium du peuple une polytoxicomanie de sexe, de programmes télévisuels débilitants, de bouffe infecte, de Coca-Cola et de Nutella. Un petit peuple avili, à genoux devant le Veau d’Or de l’argent facile et de ses grands prêtres, joueurs de football ou acteurs, amassant en un mois des centaines d’années de SMIC, avec pour seule contrepartie le simili-rêve et en bonus l’exemple pitoyable qu’ils offrent à leurs supporters et fans.

Car c’est très exactement l’image qui est donnée de la jeunesse. Le seul choix des mots du questionnaire, ce "c’est génial, c’est bof, c’est nul ?", exprime à lui seul toute la suffisance, tout le mépris que notre société porte à ses jeunes, et la vision de "post-adolescents", accrochés aux basques de leurs parents jusqu’à la trentaine, et au-delà, comme si c’était un choix de vie délibéré et non la conséquence d’une situation imposée par d’autres. Les politiques, d’abord, qui n’ont qu’un faible intérêt pour le destin des jeunes, dont la part dans la population totale, et donc le poids électoral, sont appelés à décroître. Les chefs d’entreprises -ou recruteurs, ensuite, dont le comportement est généralement dégradant et avilissant, tout spécialement lorsqu’ils se retrouvent face aux plus diplômés, qu’ils soupçonnent à l’occasion d’être drôlement plus malins qu’eux.

Et en matière de mépris, politiques et entrepreneurs sont sur la même longueur d’onde. Je me souviens même d’une émission de télévision, durant la campagne présidentielle de 2007, au cours de laquelle François Bayrou, pourtant "chouchou" des plus diplômés, renvoyait dans les cordes un jeune qui sortait de l’université, en lui faisant comprendre qu’il était plus ou moins normal d’être au chômage lorsqu’on avait suivi des études "trop spécialisées" voire "exotiques"... les étudiants en droit apprécieront tout particulièrement. Justification du chômage par la compétence supposée insuffisante ou peu efficiente, jusqu’à pousser ces jeunes aux confins du grotesque (CV anonymes, profils en ligne ou autres gadgets du même tonneau), voire plus loin encore lorsque l’un d’eux se met en vente sur Internet. Une façon de mettre en lumière la situation des diplômés, initiative qui aurait pu être intelligente si elle n’avait pas tournée en eau de boudin à la minute où le bon Martin Hirsch vient le rencontrer pour lui proposer... un CDD de trois mois pour réfléchir au "problème". Problème dont on nous fait ainsi comprendre qu’il n’existe pas, puisque trois mois peuvent suffire à plancher dessus.

Quoi qu’il en soit, la situation de quasi-trentenaires coincés dans des stages, de l’intérim, ou tout simplement condamnés au RMI/RSA, sans grand espoir d’avenir, en dit long sur le peu de cas que ce pays fait de toute une génération. Elle mériterait pourtant davantage.

Car, la jeunesse, ce n’est pas cette cohorte de parasites drogués au hamburger-TF1, ni cette apathie, aussi bien individuelle que collective, ni cette idiotie assumée et encore moins cet égoïsme serein. Du moins on l’espère. Car l’article fait figurer une autre statistique, et à bien y réfléchir il s’agit peut-être de la plus effrayante : sur nos trois cents jeunes, 89 % se sont déclarés "heureux" contre 10 % "plutôt malheureux" et 1 % "très malheureux". La question étant alors de savoir dans quelle mesure ce "bonheur" les conduit à l’acceptation de leur propre situation, pourtant inacceptable. La Bible n’avait pas tort : "Heureux les simples d’esprit".

Mais pour conclure, je voudrais dire ceci : très franchement, au sondeur qui vous demande de répondre à une question par "c’est génial, c’est bof, c’est nul ?", la seule réponse qui tienne, c’est "Va te faire...". Que chacun complète selon ses préférences.
 

Frédéric Alexandroff



115 réactions


  • john val john 2 juillet 2009 20:16

    L’allongement de la durée des études entraîne l’augmentation du prix des diplômes. Mais parallèlement l’augmentation du chômage entraîne la baisse de leur valeur. Ainsi, les classes moyennes, pour avoir bonne conscience en faisant comme tout le monde, achètent toujours plus cher un diplôme qui vaut toujours moins sur le marché de l’emploi. Au passage, l’école vantée comme plus démocratique est en réalité plus appauvrissante (financièrement mais aussi, paradoxalement, en terme de connaissances). A la place, on préfèrera orienter ses enfants vers des filières courtes et leur transmettre directement les montants épargnés. Enfin, si l’on veut leur éviter de finir caissière à franprix à bac+5.


  • john val john 2 juillet 2009 22:04

    J’ajouterai que c’est évidement l’augmentation du chômage qui entraine l’allongement de la durée des études. Contrairement à ce que les politiques -ces tartuffes- clament, le chômage est voulu, entretenu et contrôlé car il tire évidement les coûts vers le bas et le taux d’exploitation vers le haut. Le système capitaliste appelle le profit. Et le profit le pouvoir. Et l’on n’en sort pas. 


    • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 3 juillet 2009 09:54

      Cher Pasou,

      C’est peut-être un article à la c..., mais il traite d’un sujet à la c... et d’une génération à la c... J’en sais quelque chose, j’en fais partie. Et tant qu’à faire, il y a des commentaires à la c... de gens qui se sont contentés de lire en diagonale : où Diable avez-vous vu que je niais les « efforts et (les) sacrifices » consentis par certains parents « pour permettre à leurs enfants de se sortir de la mouise et des difficultés » ? Vous peinerez à trouver ce genre de déclaration dans mon article.

      Ainsi, « les emplois les mieux rémunérés de nos sociétés modernes reposent avant tout sur la plus value « intelligence, connaissance et savoir faire » et (...) former de telles personnes est long, couteux et demande des cerveaux à qi élevés » ? Et vous, saviez-vous qu’un étudiant coûte moins cher à l’Etat qu’un lycéen ou un collégien ? L’argent misé sur les jeunes (donc l’avenir) croît depuis la maternelle jusqu’au lycée pour brutalement baisser lorsqu’ils entrent à l’université. C’est déjà une première chose qui devrait vous faire réfléchir.

      Et en voici une seconde : l’intelligence et les compétences n’ont que peu de rapport avec l’insertion initiale, ni avec l’évolution au sein de l’entreprise. Je vous renvoie à mon billet sur les « amabilités » que j’ai pu entendre à l’époque où je cherchais mon premier emploi. Aucun n’était un emploi « non-intellectuel », si je puis dire, et supposait donc un cerveau en état de marche. Pourtant, c’est bien l’intelligence et les compétences dont vous parlez qui étaient pointées du doigt et insultées.

      « Avez vous prit connaissance du nombre d’employeurs potentiels, notament les commerçants et les petits industriels qui désespèrent de trouver un employé correspondant à leur attente car les mentalités ayant « évolué », rares sont ceux qui veulent réellement se décarcasser ». Typique. Jeunes = branleurs. Le goût de l’effort et du travail bien fait ne sont pas des qualités valorisées dans le monde de l’entreprise.

      « Et puis, depuis quand un jeune tout frais émoulu d’une formation a un savoir faire pratique supérieur à celui d’un « vieux » qui travaille depuis 20 ou 30 ans dans le même domaine ? » Votre remarque n’est pas idiote, hélas elle conduit, en dernier ressort, à cette équation grotesque : Expérience = Compétence. Nul besoin d’avoir un Bac + 1000 pour comprendre que ce n’est pas toujours le cas. Pire encore, elle induit l’idée que le manque de compétence -qui est en principe le lot du « p’tit jeune » qui démarre- ne saurait être compensé par « l’intelligence, les compétences, etc. » et encore moins par sa volonté de travailler dur. Il y a donc une certaine contradiction dans vos propos.

      Frédéric Alexandroff





  • chmoll chmoll 3 juillet 2009 09:05

    ètre vieux et seul dans s’pays terrifiant !! ils finissent dans une maison de retraite

    attachés aux radiateurs


    • Massaliote 3 juillet 2009 09:27

      Mais il y a une solution préconisée par un des Maître du Monde : 
      L’euthanasie sera un des instruments essentiels de nos sociétés futures dans tous les cas de figure. Dans une logique socialiste, pour commencer, le problème se pose comme suit : la logique socialiste c’est la liberté, et la liberté fondamentale c’est le suicide ; en conséquence, le droit au suicide direct ou indirect est donc une valeur absolue dans ce type de société. L’euthanasie deviendra un instrument essentiel de gouvernement.


    • Massaliote 3 juillet 2009 09:38

      Un des Maîtres du Monde : Jacques Attali « L’homme nomade ». Editions Le Livre de Poche 2005 


    • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 3 juillet 2009 09:39

      Bonjour Archibald, et merci de justifier mon assertion d’hier selon laquelle règne dans ce pays une profonde haine de l’intelligence.

      Cerla dit, de vous à moi, si je voulais attraper un poisson, j’utiliserais plutôt une canne à pêche.


    • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 3 juillet 2009 11:44

      Parallèlement, le Bac + 92 userait de son intelligence pour concevoir un su=ystème permettant d’attraper plus de poissons sans effort. C’est ça aussi, l’évolution.


  • LPA Le Petit Alchimiste 3 juillet 2009 11:35

    Bonjour à tous !

    Juste pour préciser (sans vouloir me la péter) qu’ayant 24 ans je ne me reconnais absolument pas dans ce sondage.

    J’ai beau aimer les enfants (enfin pas comme Michaël), je n’ai aucune envie d’en concevoir : nous sommes déjà des millions si ce n’est pas des milliards en trop sur cette planète, ce serait pur égoïsme. La seule chose que je vois dans ce cas c’est l’adoption. Sinon rien ! L’illusion d’immortalité à travers la descendance, à d’autres ...

    Je rejoins l’auteur à propos de sa critique sur l’argent : certes, il en faut pour vivre mais de là à en faire une valeur personnelle, comme une sorte de repère à l’horizon, ou un guide à suivre ... Consternant. Pour une éthique saine il y a bien d’autres valeurs à emprunter ! !

    Le mariage c’est tellement convenu et sans surprise que ça m’ennuie d’avance. Les Smartphone, Fessebouc, RAF (Rien A Faire) ! !

    Bref je ne vais pas répondre à toutes les questions (je n’aurais pas cette prétention) car le plus important pour moi était juste de dire qu’aucun sondage n’est représentatif, ce que bien des personnes ici doivent déjà savoir ! ! !


  • NICOPOL NICOPOL 3 juillet 2009 12:33

    Bonjour,

    A vous lire, le sondage a l’air bien foireux, la pertinence des commentaires et l’interprétation que l’on peut en proposer sont donc assez limités...

    Quelques observations néanmoins :

    Le « jeunisme » :

    Clairement, pour moi, le « jeunisme », c’est aller systématiquement dans le sens de ce que demandent les « jeunes », parce que allez dans le sens contraire ou ne pas bouger serait taxé de « conservateur » ou « rétrograde ». C’est une forme de populisme très perverse, et en plus stupide, parce que par définition un jeune est jeune, c’est à dire qu’il a une expérience de la vie encore rudimentaire et n’est certainement pas le mieux placé pour prendre les bonnes décisions, en ce qui le concerne et en ce qui concerne le reste du monde. Par exemple, demander aux lycéens ce qu’il leur semble bon pour leur propre éducation ou quelle politique français en Afghanistan me paraît du dernier des ridicules. Autant ne donner à un enfant que ce qu’il a envie de manger ou qui il veut comme Ministre des Finances...

    Mais le plus pervers là-dedans, c’est le fait que des « vieux » décideurs suivent les jeunes dans le sens du poil non seulement pour l’intérêt immédiat que ça peut avoir (électeurs, paix sociale...), mais pour ne pas s’attirer la réprobation des autres « vieux » (les autres décideurs, les médias, les intellectuels...). C’est donc à la fois opportuniste et lâche.

    Bref, le « jeunisme », c’est la démission des « vieux » qui n’osent plus transmettre leurs valeurs à leurs propres enfants. Sûrement parce que, malheureusement, ils n’ont eux-mêmes plus de valeurs depuis bien longtemps... Montrez-moi vos enfants et je vous dirais qui vous êtes...

    Les aspirations des jeunes :

    Ce n’est pas si désespérant que ça, finalement.

    Se marier, avoir des enfants, s’adapter au monde qui les entoure, leur paraît suffisant pour « être heureux ». Effectivement ça paraît peu ambitieux : « d’ailleurs, nos jeunes ne font pas mystère de leur grande ambition : »fonder une famille« (12%), avant même d’être »heureux en amour« (11%). Il n’y a qu’une chose pire que le cynisme, c’est le cynisme bête et heureux ».

    De même vous écrivez : "Car l’article fait figurer une autre statistique, et à bien y réfléchir il s’agit peut-être de la plus effrayante : sur nos trois cents jeunes, 89 % se sont déclarés « heureux » contre 10 % « plutôt malheureux » et 1 % "très malheureux". La question étant alors de savoir dans quelle mesure ce « bonheur » les conduit à l’acceptation de leur propre situation, pourtant inacceptable. La Bible n’avait pas tort : « Heureux les simples d’esprit ». « 

    Si je vous suis bien, souhaiter trouver un bonheur modeste mais réel au sein d’une famille heureuse, ça vous paraît effrayant, cynique, bête et simple d’esprit. Vous semblez donc mépriser ceux qui n’ont pas de grands idéaux, ne souhaitent pas changer le monde, se battre pour une »noble cause« , mais aspirent au contraire à une sérénité »domestique« . Mais n’est-ce pas au contraire l’indice d’un retour à une certaine »sagesse grecque« , après les égarements idéologiques et révolutionnaires d’une génération qui, en voulant changer le monde et accomplir de grands desseins, nous a donné Hitler, Staline, Pol Pot et Che Guevarra ? Le retour à une sagesse antique qui ne se méfiait jamais tant que de la »démesure« et des »passions« , après les excès mégalomaniaques d’une génération jouissive qui, en voulant s’enrichir et posséder toujours plus, nous a donné des J2M et des Bernard Maddof ?

    Effectivement, le revers de la médaille, c’est un désinvestissement de la gestion de la Citée, une mise en retrait du système démocratique ( »qu’ils décident ce qu’ils veulent, je me démerde de toute façon« ), un affaiblissement certain de la solidarité. Mais ce bonheur domestique, à l’écart du bordel révolutionnaire et financier que la génération de nos parents nous ont laissé, auquel aspirent les »jeunes« aujourd’hui, me paraît un »retour de balancier« nécessaire pour, peut-être, que s’installe un nouveau climat »citoyen« , plus responsable, plus respectueux, plus durable ; en tout cas je me retrouve davantage dans ces aspirations que chez ces autres »jeunes« qui appellent à »l’insurrection« , ou qui sont prêts à tout pour »se faire de la tune" et s’acheter des vêtements de marque et rouler en BMW...


  • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 3 juillet 2009 12:56

    Allez, un petit lien bien marrant qu’un de mes amis vient de m’envoyer.

    http://www.youtube.com/watch?gl=FR&hl=fr&v=K6sYYKwQg6w

    C’est tellement vrai.


  • HELIOS HELIOS 3 juillet 2009 13:08

    Bonjour,
    Je n’aime pas trop le ton de cet article, parce que je le trouve, helas pour l’auteur, tres « sarkoziste » ! Sarkoziste, ça veut dire diviseur, ça veut dire monter les uns contre les autres etc...

    Donc faire un article opposant les jeunes aux vieux est une tres mauvaise maniere de mettre en evidence un probleme d’exxclusion « technique »

    Apres cette remarque, je voudrais preciser que si 25% des jeunes sont au chomage et 35% sont en emploi precaire, (reste 40% qui travaillent a plein temps et donc 65% qui ont une activitté) les vieux, c’est a dire a partir de 52,5 ans sont 38% qui travaillent et la dedans je n’ai pas les stats pour savoir ce qui est precaire ou pas.

    les deux classes, jeunes et vieux sont donc des exclus d’une societe qui ne met plus sa population au centre. Normal si elle considere deja qu’avoir un systeme de santé efficace, un systeme de gestion du chomage est une intolerable assistance a des feneants.
    Remarquons bien que tous ceux qui appuient cette approche sont eux dans la tranche des 30 / 45 ans et n’ont pas besoin justement de ces filets sociaux.

    J’aimerai egalement faire remarquer a ceux, qui comme l’auteur, tapent encore une fois sur les soixant’huitard, que c’est par la reunions des jeunes ET des vieux, des pauvres (ouvriers) ET des riches (cadres) que les maniffestations ont eu lieu et que les gouvernants ont du reexaminer le systeme au point que le smic a augmenté de 35% en un jour, là ou quelques semaines avant une augmentation de moins d’1% etait « impossible » !

    Allez, passez tous une bonne apres midi


    • Frédéric Alexandroff Frédéric Alexandroff 3 juillet 2009 13:22

      Bonjour Helios,

      Là encore, je me demande où vous avez bien pu lire que j’opposais jeunes et moins jeunes. Mon introduction ne « tape » sur les vieux que pour expliciter le fossé entre la perception d’une société « jeuniste » et la réalité vécue par les jeunes. Je n’ai pas non plus tapé sur les soixante-huitards -quand bien même j’aurais pu le faire- parce que ce n’était pas vraiment le sujet. J’écris « pas vraiment » car la génération de Mai 68, qui a bénéficié de nombreux avantages (hausses des salaires, mobilité sociale, protection sociale, etc.) est précisément celle qui dénoyaute cet « énorme Léviathan » de l’Etat-Providence au nom du libéralisme et de l’efficacité économique.

      Evitez de lire en diagonale : vous verrez que mon article aspira davantage à l’unité qu’au clivage.

      Amicalement,

      Frédéric Alexandroff


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