lundi 3 janvier 2011 - par JFCAMPION

L’inventeur du stylo écologique B2P a t-il été oublié ?

La protection par le droit d’auteur et les droits voisins est essentielle pour favoriser la créativité individuelle, pour le développement des industries culturelles et pour la promotion de la diversité culturelle. La piraterie effrénée et l’application insuffisante des lois sur le droit d’auteur anéantissent les leviers de promotion de la création et de la distribution des produits culturels locaux dans tous les pays du monde, et révèlent la nécessité de déployer des efforts concertés afin d’encourager la créativité et de favoriser le développement durable."

UNESCO

Depuis fin 2008 la société PILOT CORPORATION OF EUROPE a lancé un produit au concept très original le B2P (Bottle to pen) constitué de plastique PET recyclé dont la forme rappelle la bouteille en plastique d’origine.

Ce stylo a remporté rapidement un succès important dans le milieu des objets publicitaires écologiques. La consécration a été obtenue par le choix de cet objet comme stylo officiel du sommet de Copenhague. Le B2P a également terminé deuxième d’un concours Européen de design, visant à récompenser le meilleur produit recyclé organisé par l’European Association of Plastics Recycling and Recovery Organisations (http://entreprise-environnement.org/stylo-b2p/)
 
L’Usine Nouvelle rapporte en 2009 que ce stylo représente environ 10% du chiffre d’affaire de la société PILOT CORPORATION OF EUROPE soit environ 10 millions d’euros par an de chiffre d’affaire, une vraie success story (L’usine Nouvelle les cahiers de supplément au numéro 3169 • 12 novembre 2009).
 
Alors quel est le problème ?
 
Un reportage de France 3 Ile de France fin septembre ( France 3 12/13 Paris Ile-de-France du 26 septembre 2010) a présenté un reportage sur cette entreprise de Savoie et ce produit dans le cadre d’une émission sur les PME innovantes. Lors du reportage le responsable technique a raconté que la création du concept de ce stylo a été réalisée par un technicien pendant son temps libre.
 
Le magazine Challenge raconte la même histoire "L’idée est née dans cette usine. Un ingénieur s’est penché sur le PET recyclé pour fabriquer des stylos, dont la silhouette rappellerait celle de leur bouteille mère" et avec un certaine fierté un dirigeant revendique l’innovation interne "« Une grande fierté, explique Marcel Ringeard, président de Pilot Europe. Il a été entièrement imaginé et développé en France. Et il est produit ici. » http://www.challenges.fr/magazine/coulisses/0163.26097/
 
Une question vient naturellement à l’esprit : à qui appartient donc cette création ? Toujours dans le même article du magazine Challenge on peut lire "Après plusieurs mois d’échanges entre les équipes marketing d’Allonzier-la-Caille et de Paris, puis un petit séjour chez un designer, le stylo a acquis sa forme définitive. « La matière n’est pas facile à travailler, souligne Patrick Dormeur, le directeur industriel de Pilot Europe"
 
De quelle création parle-t-on ? Une création technique brevetable ? Dans ce cas le propriétaire serait l’entreprise selon le code de la propriété industrielle mais c’est peu probable car on ne voit pas cette création comme une solution technique à un problème technique, définition classique de l’invention brevetable ? Une recherche rapide dans la base de données de l’OEB (office Européen des Brevets) n’a rien donné. Alors un dessin et modèle ? Une recherche dans la base de données de l’INPI n’a pas donné de résultat.
 
Ce concept est donc visiblement une œuvre de l’esprit qui relève de la législation du droit d’auteur.
 
Les droits de propriété patrimoniale et morale appartiennent donc en toute logique à son créateur, ce fameux technicien qui travaille sur son temps libre, la déclaration du responsable technique est une première preuve. Bien sur l’entreprise a modifié de manière mineure la création mais sans en changer le contenu.
 
L’article L 131-4 du code de la propriété intellectuelle énonce que la cession par l’auteur de ses droits sur son œuvre doit comporter à son profit la participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l’exploitation.
L’existence d’un contrat de travail conclu par l’auteur d’une œuvre de l’esprit n’emporte aucune dérogation à la jouissance de ses droits de propriété incorporelle.
 
La jurisprudence indique que ce caractère proportionnel au chiffre d’affaire réalisé est impératif sauf les exceptions prévues par la loi. Des pourcentages de l’ordre de 2 à 3 % du chiffre d’affaire ont déjà été annulés comme non sérieux et s’apparentent à une fraude.
 
Un pourcentage de 10% du chiffre d’affaire comme rémunération est courant , on peut donc estimer grossièrement la rémunération qui pourrait être due par la société PILOT CORPORATION OF EUROPE à ce fameux technicien autour de 1 million d’euros par an.
 
Interrogée par mail la société PILOT CORPORATION OF EUROPE a répondu

"Comme vous l'évoquez, l'un des salariés ayant participé à l'élaboration de ce nouveau stylo en plastique recyclé a effectivement déposé une Déclaration d'invention de salarié sur imprimé CERFA en date du 28 juin 2009.

Cette déclaration a fait l'objet d'une instruction et nous tenions à vous en informer.

Vous souhaitant bonne réception de cette précision et vous confirmant l'attachement de PILOT au respect de la réglementation en vigueur.

Cordialement.

Pascal GAY

PILOT CORPORATION OF EUROPE
tel :+33 (0)4 50 08 33 40 / fax : +33 (0)4 50 46 43 59
 
La société PILOT CORPORATION OF EUROPE semble uniquement prendre en compte la partie brevetable de la création (probablement la mise en oeuvre) mais visiblement pas la partie relevant du droit d'auteur qui est le coeur de la question. Une demande de précision de l'auteur en ce sens est restée sans réponse à ce jour. Nul doute que les conseils juridiques de l'entreprise étudient la question. La question reste posée :
 
L’inventeur du stylo écologique B2P a t-il été oublié ?
 
Tout ce que l’on peut dire c’est que la réference à ce créateur a disparu des communications officielles de l’entreprise au profit d'un discours sur une innovation interne collective.
 



6 réactions


  • tmd 3 janvier 2011 11:37

    "La protection par le droit d’auteur et les droits voisins est essentielle pour favoriser la créativité individuelle, pour le développement des industries culturelles et pour la promotion de la diversité culturelle.« 

    Ceci n’a jamais été prouvé !

    Je peux écrire l’exact inverse de ce que vous écrivez.

     »La protection par le droit d’auteur et les droits voisins est néfaste et ne favorise pas la créativité individuelle. Elle nuit au développement des industries culturelles et à la promotion de la diversité culturelle."


  • Stylo 3 janvier 2011 18:19

    Pour avoir fait le test du B2P sur mon blog personnel (sur le monde du stylo), je peux dire qu’en plus de ses qualités indéniable en terme de « préservation » (ça reste un outil de consommation banal tout de même), c’est un très bon stylo, agréable à utiliser.

    A l’heure où trop de stylos jetables sont un pur gâchis (perdus, mangés) tant leur rendement utilisation/coût/pollution, il serait bien que les « créateurs » de ces merveilles ne se fassent pas spolier (si tant est le cas) car dans les produits de petite consommation on a besoin de ces idées neuves.

    Pour ce qui est de son « inventeur », j’espère qu’il récupèrera sa mise, au profit d’autres ?


  • nuance 3 janvier 2011 21:34

    L’ humanité n’a évoluée que par le libre partage de la connaissance. Si le premier silex taillé avait été breveté, ou l’utilisation du feu pour la cuisson des aliments, ou en serions nous actuellement ?
    Si nous échangeons un objet, nous repartons chacun avec un objet.
    Si nous échangeons une idée, nous repartons tous les deux avec deux idées.


    • LeGoJac 4 janvier 2011 10:46

      Cassino,

      Pas du tout m’sieur ou m’dame Cassino !
      Le brevet c’est le moyen de s’approprier une idée que d’autres ont déjà peut-être eu, et ainsi de pouvoir la leur revendre.
      C’est une invention aussi délirante que le tradding. Elle ne fait que plomber l’innovation, ce qu’elle est censée aider.


  • kiouty 4 janvier 2011 10:04

    La protection par le droit d’auteur et les droits voisins est essentielle pour favoriser la créativité individuelle, pour le développement des industries culturelles et pour la promotion de la diversité culturelle

    Ceci est bien évidemment une ineptie. Le droit d’auteur permet surtout une marchandisation et des profits fabuleux pour quelques grandes entreprises.

    Elle restreint la créativité à quelques artistes bankables mis en avant qui nous refont une soupe standardisée prête à être vendue et conçue pour plaire au plus grand nombre, laissant le plus grand n,ombre dans l’ombre (on dira pour excuser cela qu’ils sont médiocres et que si ils avaient vraiment du talent, ils perceraient d’eux-mêmes, ce qui est évidemment une ineptie également).
    C’est ce qu’on appelle l’industrie culturelle. Cela permet des profits fabuleux, mais n’a rien à voir avec la stimulation de la créativité.


  • boucl 7 janvier 2011 12:54

    Il est assez surprenant de constater que certains se posent encore la question en 2011 de l’intérêt de protéger une création /invention par brevet  !!! voire même de critiquer cette protection
    Cela est bien évidemment indispensable dans le monde actuel -
    ex : je connais une innovation Française non protégée , négligemment dévoilée à Moscou , copiée ensuite par une entreprise Russe .. le CA potentiel est de l’ordre de plusieurs milliards .

    J’ai connu ce genre de réaction d’individus dans une grande entreprise du CAC40 : il s’agissait d’une réaction de jalousie faite par des individus incapable de la moindre innovation ......


Réagir