lundi 21 novembre 2005 - par citoyen

La CNIL : entre éthique et délation

La Commission nationale informatique et liberté (CNIL) a adopté le 10 novembre un document d’orientation ouvrant la voie à la mise en œuvre de dispositifs d’alerte professionnelle conformes à la loi du 6 janvier 1978 modifiée en août 2004, relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Certains y voient un risque de délation, tandis que les sociétés françaises concernées apprécieront.

Depuis l’adoption de la loi Sarbanes-Oxley, votée en 2002 à la suite des scandales financiers Enron ou WorldCom, les sociétés françaises cotées aux États-Unis et les filiales françaises de sociétés cotées aux États-Unis sont tenues de certifier leurs comptes auprès des autorités boursières américaines et de mettre en place des procédures d’alertes pour les dysfonctionnements comptables.

Ces procédures d’alerte ont pris la forme, dans le monde anglo-saxon, du "whistleblowing". Il s’agit en fait d’un système d’alerte éthique permettant aux salariés de dénoncer de façon anonyme les pratiques qu’ils jugent illicites.

Ces procédures de "whistleblowing" - littéralement « souffler dans le sifflet » - passent souvent par la mise en place de lignes de téléphone spéciales, par lesquelles chacun peut s’exprimer anonymement.

En France, le "whistleblowing" a été assimilé à un système de délation professionnelle et n’est donc pas, à ce jour, légal, sans pour autant être contraire au droit du travail. La CNIL s’est montrée réservée quant à l’application de ce système en France. En mai, la commission a ainsi interdit à deux filiales françaises d’entreprises américaines, Mc Donald France et la Compagnie européenne d’accumulateurs, de créer de telles lignes éthiques en émettant une « réserve de principe » au sujet des procédures d’alerte éthique car elles « pouvaient conduire à des systèmes organisés de délation professionnelle ». Pour en savoir plus sur la position de la CNIL, lire l’article, paru dans Libération le 15 septembre 2005, de Nicola Cori.

Cette position de la CNIL avait été fortement critiquée[E1] par les entreprises françaises cotées au Nasdaq. Sur la base des observations recueillies, elle vient donc de publier un document d’orientation qui marque une évolution certaine de sa position : "Afin de contribuer à la mise en oeuvre de dispositifs d’alerte respectueux des principes définis par la loi et la directive, la CNIL préconise l’adoption par les entreprises des règles suivantes, qui ne portent que sur l’application de ces textes, à l’exclusion des questions pour lesquelles la CNIL n’a pas de compétence, en particulier celles relatives à la législation du travail."

Vous pouvez retrouver ce document sur le site de la CNIL ou télécharger le ICI, et découvrir les conditions de mise en œuvre de ce type de système d’alerte.


[E1]Yves Medina, déontologue dans une multinationale et vice-président de l’Observatoire sur la responsabilité sociale des entreprises, avait ainsi indiqué : « Ceux qui alertent leur direction dans le cas de corruption dans des marchés très sensibles comme l’armement ont bien du courage ».

C’est d’ailleurs dans cette optique de lutte contre la corruption que l’ONG Transparency International fait campagne pour le "whistleblowing".



1 réactions


  • Raphaël (---.---.67.118) 22 novembre 2005 09:14

    Si je comprends bien votre article et le sens de la position de la CNIL, il sera désormais possible de dénoncer ces collègues ? Auprès de qui ? quelles garanties ? Ce dispositif est-il applicable au secteur public ? Car là ne serait-ce pas un bon moyen de luttre contre la corruption ?


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