La zone de confort, un sujet de société parmi d’autres
2) La zone de confort est devenue un classique de la psychologie du quotidien. Brièvement : « La zone de confort est un état psychologique dans lequel une personne se sent à l’aise. Dans cette zone, elle peut garder le contrôle tout en éprouvant un faible niveau de stress et d’anxiété. Dès lors, un niveau constant de performance est possible. Bardwick définit le terme comme « l’état comportemental d’une personne qui choisit de vivre dans une position neutre d’anxiété. ». Brown le décrit comme « l’espace où notre incertitude, le manque et la vulnérabilité sont réduits au minimum et où nous croyons que nous aurons accès à suffisamment de nourriture, d’amour, d’estime, de talent, et de temps. Où nous avons le sentiment d’avoir un certain contrôle. » (Wikipédia) Inversement, l’entrée dans une zone d’inconfort est vécue avec le sentiment d’un environnement hostile, voire menaçant, accompagné d’incertitudes. Le sujet mobilise son attention sur cet environnement et la performance est considérablement diminuée par l’anxiété et le stress. Trop d’incertitudes génèrent des craintes et finissent par contrarier la réalisation de projets. L’âme est hantée par une menace qui plane. La recherche d’une zone de confort ne peut-être que légitime. C’est même un invariant dans l’évolution puisqu’une majorité d’espèces rejoignent par instinct un lieu où elles se sentent protégées et c’est ce que l’on nomme « adaptation ». L’homme cherche lui aussi à s’adapter mais il le fait volontairement. Ou alors il décide de prendre des risques en sortant de la zone de confort sous deux conditions ; d’abord il faut avoir une bonne raison de le faire, ensuite, il faut de la détermination, du courage, de la persévérance, sans oublier d’autres vertus pouvant être utiles, la prudence, la tempérance, la capacité à apprécier le risque pour ne pas mettre en péril une existe. Quitter la zone de confort est aussi un moyen pour grandir, employé depuis des millénaires dans certaines communautés pour initier les petits d’homme et les faire passer de l’adolescence à la maturité. La plupart des initiations se font avec des expériences conduisant le sujet dans des zones à risque, qu’il soit physique ou psychique. En utilisant parfois des substances psychotropes comme les sorciers Yaqui amérindiens étudiés par l’anthropologue Carlos Castaneda.
La notion de « zone de confort » appartient à la psychologie comportementale. Elle concerne le sujet en relation avec l’environnement et plus précisément, le sujet face à des risques, contraintes et menaces dont souvent il n’est pas la cause ni l’auteur mais qu’il doit gérer avec les moyens dont il dispose (affrontement, évitement, ruse). La zone de confort s’invite dans le débat politique à travers les questions de sécurité devenues centrales à notre époque. Nombre de citoyens cherchent et vont vers un lieu préservé, balisé, et c’est leur choix. En revanche, les risques et menaces rencontrés dans l’espace public ne sont pas choisis mais subis ; le citoyen demande alors à la puissance publique de sécuriser l’espace. Cette demande est légitime et c’est même un droit fondamental. Le droit à vivre en sécurité. Ce droit est perverti lorsqu’un régime utilise la propagande de la peur pour ensuite imposer les restrictions sécuritaires censées protéger les citoyens avec des moyens disproportionnés. Si les uns demandent protection et sécurité, d’autres se « réalisent », s’émancipent en prenant des risques.
3) La zone de confort définit une sécurité matérielle, physique ou bien affective, intellectuelle. L’existence a besoin de repères, de savoirs, de qualités intellectuelles pour comprendre, décoder une situation, lire les informations diffusées dans la presse ou les livres. Parfois, des événements ou des opinions heurtent les convictions, inclinant à revoir ses positions. Deux attitudes sont courantes. Les uns sont ouverts, n’ont pas peur de voir leurs certitudes ébranlées, n’hésitent pas à infléchir leur interprétation des choses ; alors que d’autres se referment, campent sur leur positions et pratiquent ce que l’on appelle un déni de réalité, qui concerne à la fois les réalités manifestes et les réalités interprétées. La zone de confort s’applique aussi au domaine de la pensée, la réflexion intellectuelle et la conscience du vécu. La « gestion de cette zone » utilise parfois la ruse consistant à s’arranger avec les observations et les données ; le biais de confirmation décrit la tendance intuitive à rechercher et sélectionner en priorité les informations consolidant une manière de penser, tout en négligeant ce qui pourrait la remettre en cause. C’est en quelque sorte une altération de la lucidité, voire une mauvaise foi plus ou moins assumée.
L’estimation du risque, du danger influence les orientations et décisions prises dans l’existence. La zone de confort intellectuelle est générée par le besoin de confirmer une vision du monde, des choses, de la société, avec des interprétations, du sens, des convictions. En restant dans la zone de confort, l’âme est sécurisée, elle avance dans un univers dont les incertitudes et les inconnues sont contrôlées. A l’inverse, quitter la zone de confort conduit à affronter le risque de l’incertitude, de l’inconnu et de voir ses convictions ébranlées. L’humain est diversifié au possible, les uns cherchent l’abri, la sécurité, les autres sont du genre aventurier. Le psychologue Balint a explicité ces tendances en décrivant deux tendances régressives assez courantes, les ocnophiles (du grec ocno, se dérober, se cramponner) s’attachent à un poteau et ne le quittent plus, les philobates (acrobates) sautent d’un poteau à un autre. Ces deux tendances sont des formes déviées des deux attitudes courantes visant à s’attacher à un milieu pour se perfectionner ou à explorer diverses situations pour progresser. Ces deux options différencient les caractères mais aussi les âges de la vie. Il n’y a pas à choisir entre l’une ou l’autre mais à se donner un sens, une signification, une finalité et aller au bout avec plus ou moins de risque ou de confort. Cela est valable dans plusieurs secteurs de la vie, qu’elle soit affective ou professionnelle. Et notamment la recherche scientifique ainsi que d’autres professions dans lesquelles l’exploration permet la progression et même l’élévation.