mercredi 29 juin 2005 - par Emmanuel Delannoy

Lancement d’un wiki européen et citoyen

Le processus de ratification du traité constitutionnel européen est au point mort ; le dernier sommet budgétaire s’est achevé sur un constat d’échec. On lit parfois que l’Europe ne fait plus rêver. La crise n’est pas sortie du néant. Comme le faisait remarquer Edgar Morin dans les colonnes d’Agoravox, nous y étions déjà avant.

Pourtant, quand a-t-on vu auparavant des citoyens se rendre en nombre dans des librairies pour acheter un texte juridique ? De quoi parlait-on entre amis, en famille, avant le référendum ? Quels sont les débats qui animent les blogs encore aujourd’hui ?

L’Europe, encore l’Europe, nous voulons toujours y croire. Et peut-être plus que jamais.

Au-delà des raisons conjoncturelles et locales, des mécontentements et des frustrations catégorielles qui s’expriment, les racines de cette crise de la construction européenne sont sans doute profondes.

C’est à une vraie crise des institutions que nous sommes confrontés : la perte d’influence des états, la crises des institutions multilatérales (l’ONU et les institutions rattachées), l’échec du « nouvel ordre mondial » et des fameux « dividendes de la paix » qu’on nous promettaient après la fin de la guerre froide, la nouvelle unipolarisation du monde rendent la construction européenne sans doute plus indispensable, mais aussi plus difficile que jamais.

Nos « vieilles » démocraties sont fatiguées, décrédibilisées par les excès des « spins doctors », des communicateurs en tout genre et par les pressions des lobbies. La crise de confiance va certainement au-delà de ce que nous imaginons, et les 21 avril 2002 et 29 mai 2004 n’en sont probablement que des poussées de fièvre spectaculaires.

Pourtant, les défis du développement durable sont là. Leur ampleur inédite a tout pour nous décourager et nous inciter à nous voiler la face. Comment faire face à la prochaine déplétion du pétrole ? Comment nourrir, abriter, et fournir l’énergie nécessaire à des conditions de vie décente pour 9 milliards d’habitants en 2050, alors qu’aujourd’hui nous en sommes incapables pour les 6 milliards qui sont déjà là ? Comment nous adapter aux défis que ne manquerons de poser les bouleversements climatiques encours ou la perte dramatique de biodiversité ? Comment éviter que les inégalités croissantes, la fragmentation des sociétés, tant au Nord qu’au Sud,ne conduisent à de dramatiques explosions de violence ?

Face à tous ces défis, nous n’avons droit qu’a des réponses formatées, standardisées, qu’à une forme de pensée unique qui ne parvient plus à cacher un réel manque d’imagination et de capacité à se remettre en cause et à faire face aux vraies questions. Comment s’étonner alors de la fameuse « coupure » qu’on déplore entre le « peuple » et les « élites » ? Comment s’étonner du sauve qui peut généralisé et du chacun pour soit auquel on assiste aujourd’hui ?

Plus que jamais, il est nécessaire d’impliquer les citoyens, tous les citoyens, et de leur donner l’occasion d’exprimer leurs attentes, leurs aspirations, mais aussi de démontrer leur capacité à s’engager.

Cette idée d’un « Wiki pour l’Europe  », d’une « Wikitution » n’est évidemment pas une réponse à toutes ces questions. Mais c’est une occasion, parmi d’autres, de tenter une expérience, à grandeur réelle, d’une nouvelle forme d’intelligence collective et de démocratie participative.

Ce projet ne vise pas à s’opposer à la démocratie représentative, mais doit être vu comme une approche complémentaire, visant à faire émerger de nouvelles idées, de nouvelles propositions, et à responsabiliser chacun sur une démarche constituante. Elle vise aussi à faire émerger, au-delà de toute forme de contestation ou de pression, une véritable culture du débat.

Ainsi, en collaboration avec AgoraVox, je vous invite tous à participer au projet international Wikitution et tout particulièrement à l’élaboration de la version française. Le principe est simple et identique à celui qui a fait le succès de l’encyclopédie Wikipedia.

Le but n’est pas de se lancer dans la rédaction d’une constitution alternative en essayant de « singer » le travail des juristes et des experts. L’idée est de répartir du texte actuel, de procéder article par article en modifiant, améliorant ou supprimant les points qui ont suscité le plus de polémiques. Un des buts d’un tel wiki serait d’aboutir à la création d’un document collectif que l’on pourrait transmettre aux « institutions compétentes » dans un délai qui reste à définir.

Puisse la représentation du peuple y puiser une nouvelle légitimité et une source d’inspiration nouvelle.



2 réactions


  • SS (---.---.47.98) 29 juin 2005 16:03

    Monsieur D(Unix_Net[belgique]-localhost derivation) a ecrit : « Ce projet ne vise pas à s’opposer à la démocratie représentative ». I read this terms both sides. Prenez le DUAL. Le contraire est le cas. C’est la verite directe.


  • Olivier Auber (---.---.245.81) 30 juin 2005 01:30

    C’est une très belle idée, mais il ne suffit malheureusement pas de créer un wiki pour en sortir comme par miracle une nouvelle Constitution. D’ailleurs des « wikis constituants », il y en a déjà un certain nombre (liste à compléter) Pourquoi y en aurait il un qui serait plus légitime que l’autre ?

    Bref, il me semble qu’une solution réaliste consisterait à :

    1) Obliger, grâce à des pétitions, les pouvoirs publics à organiser l’élection d’une nouvelle assemblée constitutante. (Cf liste ouverte des pétitions).

    2)Faire pression pour que cette assemblée élue travaille « en réseau », de manière « transparente », en employant des moyens techniques à la hauteur de l’enjeu. Quoi de mieux en effet qu’un wiki pour cela ?

    3)Faire pression aussi pour les apports des nombreux wikis citoyens et autres blogs qui se montent partout soient pris en compte et que tout le monde puisse suivre le travail des constituants élus et leur faire des propositions.

    Ainsi, peut-être on évitera certaines des bêtises qui ont marqué le proccessus de rédaction et de communication du défunt TCE (cf. enquête en cours)


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