jeudi 15 avril 2021 - par Bernard Dugué

Le Covid-19 engendre une pandémie de repli

 En 2009 je publiais un livre sur une pandémie de peur engendrée par l’émergence d’un virus grippal qui affola les autorités de santé et les médias avant de se révéler somme toute peu agressif. En 2020, le coronavirus est d’une toute autre facture. Lorsque l’année 2021 fut entamée, une seconde phase de la pandémie est arrivée, avec les vaccins et les variants. Le monde se configure d’une manière inattendue. Il y a un an, lors du premier confinement, les observateurs pensaient que le tsunami sanitaire allait nous submerger, justifiant la mise à l’abri des populations, pour les préserver du virus autant que préserver le système de soin d’une saturation prévisible. Un monde d’après redevenu normal devait suivre, avec quelques bonnes résolutions sur le climat et la biodiversité. La résilience et le repli furent interprétés comme un retour à soi parfois salutaire, permettant de faire l’inventaire tout en réinventant sa vie. Les médias regorgèrent de ces happy storytelling. Le virus s’effaça l’espace d’un été mais ne nous lâche plus depuis octobre. La vaccination n’était pas garantie il y a six mois, elle l’est devenue, alimentant les phantasmes de passeport sanitaires. Les liaisons entre la France et le Brésil viennent d’être supprimées pour quelques jours. Cette mesure ne changera pas beaucoup de choses sur le cours du monde et le destin de la France. Elle n’est qu’anecdotique mais hautement symbolique d’un repli généralisé constituant une signature du monde qui arrive.

 

 Dans le contexte d’une pandémie durable, les Etats sont tentés par le repli. La logique du processus est simple à comprendre. Tous les pays cherchent à limiter la propagation du virus tout en essayant de vacciner les populations. Chaque Etat dispose d’une stratégie pour freiner la propagation du virus, avec une situation géographique particulière. Il est plus facile de stopper le virus dans des pays insulaires, Taïwan, Nouvelle Zélande, Australie, que dans des pays cernés par les frontières, France, Allemagne, Hongrie… Ces mêmes Etats ne sont pas synchronisés pour la vaccination. De plus chaque Etat met en place sa propre stratégie de freinage avec les mesures restrictives. Au final, chaque regarde l’autre, se compare, pense faire mieux, jugeant alors légitime une fermeture des frontières, une limitation des liaisons ou alors l’obligation de circuler avec un passeport sanitaire. La méfiance de l’autre s’étend. Chaque pays défend ses nationaux. Le ressortissant d’un pays étranger est devenu un contaminé potentiel, un coupable en puissance, pouvant transporter le virus et faire des victimes en le transmettant. La tentation du repli est mondiale. Une formule pour désigner ce qui arrive :

 

 Mondialisation du repli et repli de la mondialisation ; certes, cette tendance sera diversement appréciée. Les citadins des villes hautement touristiques comme Barcelone apprécieront un calme relatif. Finies les hordes déferlantes de touristes souvent jeunes et alcoolisés et les appartements squattés par les gens fortunés au détriment des locaux. Les dévots du climat seront ravis de voir moins d’avions dans le ciel. En revanche, ce repli ne sera pas du goût de tout le monde, surtout ceux dont les revenus proviennent de l’industrie du tourisme. Dans ce contexte de tension économique, c’est chacun pour soi et Dieu, pardon, l’Etat, pour tous. Chacun tente de sauver sa petite entreprise, de préserver ses points d’ancrage dans le matériel et le social. Cette tendance au repli, combinée à la peur et au sentiment de culpabilité, explique l’absence d’un grand mouvement de contestation associant les industries hôtelières, les étudiants, le monde de la culture, les indépendants, commerçants et autres gilets jaunes de circonstance.

 

 La tentation du repli est aussi une tendance psychologique en expansion. Avec ces confinements et ces restrictions, un bon nombre ont pris goût au repli dans le foyer familial, trouvant une sorte de salut, désertion morale face au destin collectif. D’autres sont devenus anxieux face au monde extérieur, craignant de sortir, d’aller dans les parcs ou les boutiques, évitant leurs semblables. Le repli affecte les jeunes enfants, devenus réticents à prendre l’air, à retrouver leur copains. Le président magnanime offre 10 séances de psychothérapie remboursées à 100%. La vie sociale ne se réduit pas aux manifestations culturelles, sportives, événementielles, ni aux agapes dans les bars et restaurants. Elle est faite de contacts quotidiens, de rencontres, de paroles et sourires échangés. Le port généralisé du masque facial ne peut qu’être mortifère pour les âmes. La vue de gens masqués est déprimante et n’incite pas au contact humain. Quant à la vie dans les espaces publics, elle sera impactée par les protocoles sanitaires et la peur du virus. Les gens ne sont pas tous disposés à reprendre leur vie d’avant.

 

 Une certaine forme de séparatisme sanitaire est proposée par les acteurs de la société sans que le mot ne soit prononcé. Instaurer voire imposer un passeport sanitaire n’est rien d’autre qu’une sorte de séparatisme imposé à la société. Le séparatisme est le fait de communautés décidant de s’affranchir des règles républicaines, le séparatisme sanitaire est le fait de décideurs imposant aux citoyens une règle excluant les pestiférés non vaccinés ou non testé de la vie publique. Le séparatisme se dévoile aussi sur les réseaux sociaux et dans les commentaires effectués sur les articles du Net. Le dialogue est devenu impossible. Les gens ne lisent plus les textes, ils balancent quelques liens histoire de montrer qu’ils savent tout et qu’ils ont achevé la question, ce qui est une manière de se replier, de ne pas entrer dans la controverse.

 

 Le philosophe voit à travers le repli le lent naufrage des sociétés et de l’humanité. Le philosophe ne portera pas de jugement moral, ni ne proposera de solution. Il n’apporte qu’un regard éclairé, indiquant le danger du repli et l’espérance de l’ouverture. Chacun peut choisir le repli ou l’ouverture. Le philosophe pointe le choix en espérant que les imbéciles ne regardent pas le doigt !

 

 Et sur le plan politique, les régimes autoritaires imposent le séparatisme et le repli, alors que les régimes démocratiques et républicains reposent sur l’ouverture. Vos choix ne sont pas seulement psychiques, ils ont une dimension politique !



8 réactions


  • Albert123 15 avril 2021 11:50

    Et sur le plan politique, les régimes autoritaires imposent le séparatisme et le repli, alors que les régimes démocratiques et républicains reposent sur l’ouverture.

    vous avez réussi à foutre le mot républicain là où il n’a rien à foutre, 

    le totalitarisme sanitaire est républicain, et seuls les vrais français sont en résistance contre.


  • nofutur 15 avril 2021 15:01

    Bonjour,

    Je me suis souvent posé la question du passeport vaccinal. On va encore dire que je suis complotiste, mais le seul intérêt que j’y vois, est la garantie pour Big pharma de pérenniser leur juteuse affaire.Si on regarde de plus près, inciter les états à mettre en place ce machin est le plus sur moyen de se faire des coucougnettes en platine.La soumission des gens est la cerise sur le gâteau.


  • jjwaDal jjwaDal 15 avril 2021 20:41

    Je ne vois pas ce replis sur le périmètre des nations pour demain car il irait à l’encontre des intérêts de beaucoup trop de monde, parmi les plus riches d’entre nous notamment. De mémoire, seuls 4% des français prennent l’avion « régulièrement » et pourtant nos impôts vont continuer à maintenir à flot ce moyen de transport élitiste et particulièrement polluant par les km qu’il permet de faire en quelques heures. Il suffirait que l’aviation paie ses impôts sur le carburant comme n’importe quel automobiliste et la messe serait dite, il n’en sera rien.
    Je vois mal un pays comme la France dont le tourisme est essentiel pour rééquilibrer nos échanges commerciaux fermer durablement ses frontières aux touristes. Allez dire aux français qui rêvent de revoir « le pays » tous les étés qu’ils vont rester dans un pays qui n’est que leur gagne pain jusqu’à ce qu’on les y autorise.
    Le « replis sur soi » est antinomique avec le néolibéralisme et la poursuite du tourisme planétaire des marchandises est assuré, pandémie ou pas. On est incapable de relocaliser les entreprises qui sont parties et les marchandises ne viendront pas seules...
    On n’est déjà pas foutu d’avoir un plan « développement » durable qui tienne debout, on n’a pas géré la crise financière de 2008, très mal géré cette épidémie , alors avoir les tripes pour se coltiner une refonte complète de notre système économique, il n’y faut pas compter.
    On aura la même musique imposée mais en pire et rien ne sera ni négocié ni négociable. Le rêve démocratique est derrière nous.


  • EL Yagoubi 15 avril 2021 23:17

    Il n’y a aucun doute que « l’épidémie du covid 19 » a été une très belle opportunité pour transformer la santé en tant qu’enjeu mondial qui concerne le bien-être de l’humanité en un instrument complexe et redoutable configuré en plusieurs langages pour accélérer son contrôle total. La peur d’un objet non identifié ou moins identifié contre lequel une soi-disant guerre est déclarée est aussi une autre épidémie aux tendances exponentielles. Le couple de guerre et peur se marie parfaitement dans le système de représentations collectives et sociales pour enfanter une autre pathologie qui se répond sans encombre dans le terrain des opinions naïves.


    • LeMerou 16 avril 2021 07:34

      @EL Yagoubi

      C’est sûr, que des naïfs, il y en a des troupeaux. 
      Mais .....
      A force de vanter les mérites de cette mondialisation, les générations n’ayant rien connu d’autres ne le sont-elles pas devenues ? (insidieusement par force peut-être ..)
      A l’insu de leur plein gré, pour reprendre une expression connue....lol


  • EL Yagoubi 15 avril 2021 23:25

    Merci à toi Bernard pour toutes tes contributions de qualité sur ce site.


  • LeMerou 16 avril 2021 07:29

    @ L’auteur

    Je reste dubitatif sur votre texte.

    Le repli sur soi, lors du d’une pandémie est d’une logique imparable. Fermer ses frontières, afin d’éviter toute introduction du « virus » comme vous le dites est dans le processus, hors cette mesure n’a jamais réellement été mise en place dans notre pays, et que très peu fois ailleurs.

    Cela soulève des questions, notamment celle du Pourquoi ?

    Soit la dangerosité de la bête n’est pas à la hauteur de ce qui nous est rabâché continuellement, et de simples restrictions peuvent limiter une entrée massive en attendant de pouvoir « immuniser » sa population.

    Nous avons pu constater que ces « restrictions sanitaires » d’arrivants n’ont été mises en place qu’au début de l’affaire, tout en laissant une certaine libre circulation en Europe. Cette mesure était chargé de symbole démontrant au peuple que l’état prend des mesures, alors que le trafic routier provenant d’autres pays continuait gentiment, il y avait eu probablement plus de routiers « contaminés » que de personnes enfermées dans les hôtel du début.

    La fermeture réelle des frontières, une vraie, totale, globale en vue de la préservation de la population n’a jamais été faite malgré « l’état de guerre sanitaire » et cela contre toute logique eu égard à dangerosité de la « bête » qui allait engendrer des centaines de milliers de morts sur le territoire.

    De bien grands mots tout cela, ayant marqué quelques esprits, prononcés par le représentant du peuple et ses compères, mais ignorant absolument tout de la signification réelle et des conséquences associées.

    Pourquoi elles n’ont pas été fermées ? Je pense sincèrement que dans l’esprit de nos gouvernants c’était impossible, tellement le mode vie mondial nous rends interdépendant l’un de l’autre. L’autosuffisance d’un pays qui ne commerce que ses excédents n’existe plus, au profit d’une mondialisation avec les effets qu’elle procure.

    « Le philosophe voit à travers le repli le lent naufrage des sociétés et de l’humanité »

    Je n’abonde absolument pas dans cette vision catastrophique, qui finalement ne vient que confirmer les bienfaits du mondialisme et la préservation des privilèges de certains.

    Le laxisme global sur la situation économique et industrielle du Pays, engendré par les idéaux énormes de libéralisme nous ont conduit dans une situation assez diabolique, sauront nous en tirer des enseignements pour restructurer le pays ? Franchement j’en doute, car les mesures à mettre en place ne font pas du tout partie des modèles enseignés pour les « élites » dirigeantes ou commerciales.

    Quand à l’Europe, nous avons bien vu pendant cette crise, les disparités comportementales, les disparités de traitement de l’affaire, chacun regardant l’autre en cherchant avant tout à préserver sa Nation.

    Fini la bonne entente, la fraternité des peuples. Dès lors que la préservation de son économie ou de la santé de son peuple est compromise c’est chacun pour soi (sous le manteau). Le tout bien sûr avec un grand sourire condescendant pour le partenaire d’hier.

    C’est vrai que nous avons été le seul pays européen en « état de guerre », cette manie qu’ont depuis des années nos dirigeants à employer des grand mots, comme si ils étaient nostalgiques d’un temps révolu.


    Avant que le bon peuple ne se pose des questions somme toutes logiques sur la fraternité européenne face à l’adversité, la seule action qui nous a été largement assenée est celle de l’achat des vaccins !

    Argh.. Il n’y a là aucune gloire, n’importe quel acheteur d’un grand grand groupe sait qu’en achetant 10 000 d’un coup au lieu de 10x100 aura un meilleur prix, si l’action européenne dans la crise se résume à ça ! A mon sens, il faut vite retourner vers le marché commun du début qui fonctionnait très bien d’ailleurs.

    Au vu de la disparité des états membres de l’Europe, j’ai beaucoup de mal à croire à la fameuse mutualisation de la dette globale, la seule solution étant l’effacement de cette dernière, mais cela brise bien des concepts économiques, mais aux grands maux les grands remèdes comme l’ont dit. 

    Il est vrai que nous avons été le seul pays européen en « état de guerre », cette manie qu’ont depuis des années nos dirigeants à employer des grand mots, comme si ils étaient nostalgiques d’un temps révolu.

    Avons nous touché les limites de la mondialisation ? Nos « dirigeants » prendront-ils conscience de la relative fragilité du Pays ? Prendront-ils conscience des limites du libéralisme tant encensé ? Prendrons ils conscience du monstre administratif « gérant » le pays, qui empêche toute réaction rapide ? Sauront ils en tirer des enseignements ? 

    Sincèrement, sans être pessimiste, j’en doute fortement.

    NB :

    Je n’ais jamais vu tant de tergiversations dans un gouvernement à propos de la gestion de cette crise, tergiversations très largement approuvées par l’étouffant silence de ce qui fut autrefois les partis dirigeants, ainsi que les partis qui rêvent de l’être dans le futur. Maintenant que la situation se calme un poil, les aphones retrouvent la voix et ne déméritent pas sur les critiques de ce qu’il aurait nécessaire de faire.

    Nous sommes tombé bien bas.


  • monique 17 avril 2021 15:38

    un grand merci à Bernard Dugué dont je lis tous les articles avec un grand intérêt.


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