mercredi 16 septembre 2009 - par Didier Cozin

Le DIF passe au Sénat son dernier examen

En 2003 les discussions Interprofessionnelles syndicats-patronat avaient débouché sur un Accord (ANI de Septembre 2003) instaurant un nouveau droit généralisé et universel pour les salariés, le Droit Individuel à la Formation (DIF). Ce Droit créé par la Loi du 4 mai 2004 était malheureusement ambigüe  et mensonger à plusieurs titres.

Le Sénat examinera à partir du 21 septembre le projet de Loi voté par l’assemblée nationale en juillet dernier. C’est l’ultime occasion de réformer la formation professionnelle

1. L’appellation DIF est trompeuse : en effet il s’agit non pas d’un droit formel (comme celui aux  congés payés par exemple) mais du droit de demander, de négocier une formation ou une évolution professionnelle.  Le nom de DIF a été adopté parce qu’il était proche du CIF (Congé Individuel de Formation) et  pourtant il n’est pas non plus strictement Individuel puisque l’employeur peut ne pas l’accorder (ce qui n’est pas le cas du CIF)

2.   Le DIF n’a pas de régime financier spécifique. A la différence encore du CIF adossé sur une contribution de 0,2% de la masse salariale (pour les entreprises de plus de 20 salariés), le DIF peut être financé par trois voies :

- Prélevé directement sur le budget formation de l’entreprise qui « DIFFE » certaines des actions du plan ou augmente son budget formation

- Financé sur les budgets mutualisés par les OPCA (0,5% de la masse salariale) dans le cadre de la professionnalisation (mais sur des DIF prioritaires de la branche professionnelle)

- Financé éventuellement par les FONGECIF en cas de désaccord persistant entre le salarié et l’employeur

3. La transférabilité du DIF version 2004 est le plus gros mensonge envers les salariés. En effet pour le commun des salariés, la transférabilité consisterait à pouvoir transférer d’une entreprise à l’autre ses droits à la formation non utilisés dans la première entreprise. Les mots n’avaient semble-t-il pas le même sens pour les partenaires sociaux et le législateur puisque cette transférabilité était en fait une liquidation du DIF à des conditions très restrictives en cas de rupture professionnelle. Le DIF n’était donc pas transférable mais simplement exécutable en cas de licenciement ou de démission. On devine le désappointement des centaines de milliers de salariés qui découvrent que leurs heures de DIF patiemment capitalisées depuis 2004 sont très difficilement utilisables en cas de licenciement.

4. Le désaccord DIF : Le législateur a prévu le cas d’un désaccord entre le salarié et son employeur concernant le choix de la formation (typiquement « je veux une formation au macramé pour faire des loisirs créatifs,  mais mon entreprise a le droit de la refuser en estimant que cette demande n’est pas professionnalisante »). Ce désaccord, pourtant parfaitement bordé puisqu’il ne pouvait porter que sur le choix de l’action de formation, ce désaccord s’est en fait transformé pour une majorité d’employeurs en une capacité de refus discrétionnaire (je n’ai pas les budgets, je n’ai pas le temps, je n’ai pas envie…). Si le législateur avait vraiment voulu favoriser des négociations individuelles il aurait suffit de prévoir qu’en cas de désaccord l’employeur  avait l’obligation de  proposer une formation ou un accompagnement alternatif. Il n’en est rien et on a alors préféré  transférer ce risque  DIF vers les FONGECIF
 

5. La prise en charge « prioritaire » par  les FONGECIF en cas de désaccord.  Elle est supposée sortir du contentieux DIF et permettre au salarié de se former malgré tout (après 2 ans d’attente !). Il est très improbable que les choses puissent se passer ainsi. Les FONGECIF sont bâtis pour instruire tout au plus quelques dizaines de milliers de dossiers et financer 35 000 CIF annuels. Que se passerait-il si seulement 10 % des DIF passaient devant les commissions des FONGECIF ? La réponse est très simple : ce serait la paralysie garantie : 15 millions de salariés du privé, 10 % de contentieux soit 1,5 millions de dossiers à instruire et peut être 500 000 nouveaux CIF à financer ! Ce n’est pas sérieux et si l’on voulait tuer le CIF on ne s’y serait pas pris autrement.

Pour résumer  notre propos, alors que le Sénat va tenter de redonner forme et vie au DIF et à la réforme de la formation, notre pays doit absolument cesser de se payer de mots, de mentir aux salariés ou de se mentir en ne regardant pas la réalité en face.

La formation est un effort, c’est un effort individuel pour le salarié qui doit changer et accepter de se former hors de son temps de travail  et de prendre des risques (intellectuels). C’est un effort pour l’entreprise qui doit maintenir l’employabilité de ses salariés mais aussi sa compétitivité en formant très régulièrement tous ses salariés. C’est un effort enfin pour le pays qui doit comprendre que tout ne doit pas se jouer durant les vingt premières années de scolarité et qu’il faut désormais mieux répartir les budgets éducatifs entre tous les âges. (10 000 euros annuels pour former un lycéen et 70 euros par an pour former le salarié d’une PME !)

Le risque désormais est que notre économie reparte mais en laissant sur le bas côté plusieurs millions d’actifs qui resteraient durablement inemployables et sans travail.

Au Sénat dans les jours qui viennent il ne s’agira pas d’imaginer la prochaine réforme dans  5 ou 10 ans mais bien d’éviter à  5 à 7 millions de travailleurs peu qualifiés de perdre tout espoir de développer leurs compétences dans la nouvelle économie des savoirs.



1 réactions


  • Yohan Yohan 16 septembre 2009 18:46

    « Je kiffe pas la DIF ». D’abord, il faudrait différencier les besoins en formations longues ou courtes. Le Plan de formation devrait être utilisé pour fiancer les formations courtes et le CIF pour les longues. Il serait peut-être temps d’organiser la portabilité du CIF plutôt que d’ergoter sur cette misère du DIF qui est déjà selon moi mort né.


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