mercredi 15 février 2012 - par Dirlo

Les hussards noirs de la république

Les médias ont présenté cette semaine des enseignants plus "motivés" que les autres ?

Selon des journalistes d'un grand média, il semblerait qu'il existerait encore des enseignants motivés, des" hussards noirs de la république", qui postulent volontairement pour être affectés dans des classes recevant des populations particulièrement difficiles.

Sous entendu, les autres enseignants se planquent dans des classes plus tranquilles...
 Ce qui est déjà une première déviation dans la présentation. Le métier d'enseignant est très dur, surtout depuis quelques années, à tel point qu'on ne trouve plus assez de candidats pour pourvoir aux concours, et que des centaines de postes de Directeurs d'école restent vacants. Et les vacances diront les jaloux ? Qu'ils fassent ce métier quelques semaines et ils verront si ces vacances sont un luxe ou une nécessité pour avoir le temps de préparer des cours... et pour récupérer de la fatigue et du stress.

Mais le sujet n'est pas là. Revenons à ces jeunes "difficiles". Telle que l'info est délivrée, on pense à des prédélinquants issus de quartiers défavorisés, des jeunes remuants, sans règles ni repères, violents souvent, des jeunes que je connais bien, j'en ai eu beaucoup. Population difficile mais passionnante. Avec eux, c'est vrai qu'il faut une bonne dose de dévouement au sens qu'ils nous prennent toute notre vie et qu'on ne fait pas de pause, ni le soir, ni le we. Mais on y croit et le nécessaire travail en équipe est motivant et enrichissant.

Mais non, dans cette info, le journaliste précise qu'il s'agit de classes de "segpa" ! Mais c'est quoitestce une segpa ? C'est une classe qui accueille majoritairement des jeunes dits "liminaires", c'est à dire souvent à la charnière de la "normalité" et du "handicap". Alternative à la scolarité impossible en classe normale de collège, ou en classe spécialisée dans un IME ou un ITEP, la segpa est une classe melpot ou tous ces jeunes en grandes difficultés d'apprentissage vont pouvoir progresser à leur rythme, reprendre les bases de la lecture et des disciplines fondamentales, et préparer un avenir professionnel protégé ou ordinaire.

Finalement ce que je veux dire, c'est que ces jeunes sont tout saut des voyous ! Ils sont avides d'apprendre, particulièrement intéressants et attachants, souvent en quête de reconnaissance, et on a avec eux des relations enseignant enseigné très fortes.

 Bref la mission est difficile mais passionnante. Alors c'est tout sauf une charge de hussards.



14 réactions


  • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 15 février 2012 10:48

    Les jeunes en décrochage scolaires, ceux qui ont du mal à se couler dans le moule d’une école faite pour des élèves dociles et motivés par les études abstraites, ceux-là n’ont leur place nulle part. Les Segpa sont souvent détournées de leur objectif initial pour accueillir des cas lourds, les ITEP, de même, scolarisent souvent des jeunes très handicapés... Les structures qui existent sur le papier pour les « décrocheurs » n’existent hélas, trop souvent que « sur le papier » !


    Quant aux enseignants et autres éducateurs, ils font souvent ce qu’ils peuvent. Mais il faudrait reconnaitre qu’on ne peut plus aujourd’hui traiter toute la population scolaire comme celle du début du siècle dernier. On peut être prof à l’ancienne, qui fait son cours devant un public réceptif, pour une certaine population ; il faut être en même temps éducateur et psychologue pour ceux qu’on ne scolarisait pas autrefois dans le collège unique et qui n’accédaient pas au lycée...

    Des présupposés idéologiques empêchent aujourd’hui d’adapter le système scolaire aux réels besoin de tous les jeunes et de former les enseignants en conséquence. On veut faire accéder tout le monde à une culture de haut-niveau et l’on se rend compte finalement que ce sont toujours les mêmes qui réussissent et que les autres sont laissés pour compte avec les meilleures intentions du monde.

  • franor 15 février 2012 11:08

    Effectivement les profs dans leur ensemble ne peuvent être là pour palier à l’absence des parents. Malheureusement dans notre pays particulièrement, l’éducation prime sur la formation , alors que la formation se fait à l’école l’éducation s’acquiert à la maison contrairement au glissement sémantique qui essaye de nous faire croire que le savoir vivre est devenu une prérogative de l’éducation nationale. Le métier de professeur devient plus dur chaque jours, alors que de plus en plus de parents sont démissionnaire vis à vis de leurs enfants.


    • Spip Spip 15 février 2012 16:32

      @ franor

      Votre réflexion sur éducation/formation me semble un élément important du malaise actuel. En effet, demander à l’école de combler le déficit créé par certains parents, c’est charger encore plus la mule, qui a déjà du mal avec son bât.

      Maintenant, que l’éducation prime « malheureusement » sur la formation, la formulation en elle-même me semble « malheureuse », elle aussi. L’éducation, c’est la base de tout. Sans ça, on voit ce que donne la formation seule : au mieux, de petits robots employables, au pire, de l’échec répété qui finit dans la marginalité. Je préfère penser que vous avez voulu dire que l’école dispersait ses moyens à des tâches qui ne devraient pas lui revenir.

      En parallèle : historiquement, 80% d’une génération au niveau du bac était le slogan lancé en 1985 par Jean-Pierre Chevènement, alors ministre de l’Education Nationale. (loi d’orientation sur l’éducation en 1989) Pourquoi 80 % ? Parce qu’une délégation française avait visité les usines Toyota au Japon, au moment où une crise (une de plus) touchait l’industrie automobile. Les ouvriers à la chaîne étant bacheliers à 80 % des effectifs, l’employeur avait pu en réaffecter une partie comme vendeurs supplémentaires pour dégonfler les stocks. C’était donc LA solution.

      Depuis, pour obtenir et tenir ce score, on l’a quelque peu malmené ce fameux bac. Si vous avez des enseignants dans votre entourage demandez-leur ce qu’ils en pensent...


    • Abou Antoun Abou Antoun 15 février 2012 19:39

      En parallèle : historiquement, 80% d’une génération au niveau du bac était le slogan lancé en 1985
      Exact ! On se demande simplement pourquoi s’arrêter en si bon chemin pourquoi pas 90%, 95% et même 100%. Quel manque d’ambition !


  • ricoxy ricoxy 15 février 2012 12:41

    « Le métier d’enseignant est très dur, surtout depuis quelques années, à tel point qu’on ne trouve plus assez de candidats pour pourvoir aux concours, et que des centaines de postes de Directeurs d’école restent vacants »

    Solution proposée : il n’y a qu’à faire comme avec les médecins ou pour certaines professions : faire venir des enseignants de l’espace européen. Cela ajoutera à la déroute de l’enseignement.


  • Spip Spip 15 février 2012 13:47

    Des enseignants plus ou moins motivés, c’est une réalité bien sûr. On a tous connu le prof qui débitait son cours sans se soucier d’avoir été compris, et celui qui arrivait à nous intéresser, voire à nous passionner. Pour leur administration, ça ne faisait pas de différence... On va voir ce que le projet d’évaluation changera, sur quels critères (?), l’inspection étant une plaisanterie, de l’aveu même des inspectés.

    Mais, tant que l’Éducation Nationale enverra des jeunes, mal préparés, dans les postes réputés les plus difficiles, il y aura de la casse (démotivation, arrêts maladie, passages à l’acte, etc.).

    Concernant les classes « spéciales », pour avoir travaillé avec des instits CAEI, je sais à quel point ça peut être passionnant, mais c’est un autre monde.


    • Abou Antoun Abou Antoun 15 février 2012 19:36

      passages à l’acte, etc
      Merci d’appeler un chat un chat et un suicide un suicide. Évitons la novlangue !
      Pour leur administration, ça ne faisait pas de différence...
      Comment le savez-vous ?
      l’inspection étant une plaisanterie, de l’aveu même des inspectés.
      Avez-vous des statistiques ? Pouvez-vous produire des témoignages ?


    • Spip Spip 15 février 2012 21:37

      @ Abou Antoun

      Je vais répondre à votre questionnement impératif...

      - les passages à l’acte : à mon sens, il ne s’agit pas que de suicides, mais aussi d’accidents qui ne seraient pas arrivés si l’enseignant n’avait pas été stressé (acte manqué), de violences physiques ou verbales de la part d’élèves, etc.

      - l’attitude de l’administration : j’ai été en contacts étroits avec des enseignants de tous niveaux (instits, profs, détachés divers) dont certains étaient devenus des amis. J’ai donc eu droit aux descriptions, parfois franchement hilarantes, de leur inspection. En gros, la règle du jeu était la suivante ; l’enseignant devait faire le cours selon la méthode pédagogique préférée de l’inspecteur (connue de tous) et il était satisfait. Ensuite, la vie scolaire reprenait son cours normal... Voilà pour ce qui était de l’évaluation administrative.

      - Je ne suis pas un statisticien ni un procureur, juste un témoin qui n’a pas obligation de se justifier. Aujourd’hui encore, j’ai des enseignants dans mon entourage. Même ceux qui se méfient beaucoup du dernier projet d’évaluation, qui va réduire l’importance de l’inspection, reconnaissent qu’elle est inefficace (quand elle a lieu, une fois tous les 4 ans pour certains...)


    • Abou Antoun Abou Antoun 15 février 2012 22:43

      En gros, la règle du jeu était la suivante ; l’enseignant devait faire le cours selon la méthode pédagogique préférée de l’inspecteur (connue de tous) et il était satisfait. Ensuite, la vie scolaire reprenait son cours normal... Voilà pour ce qui était de l’évaluation administrative.
      Vous confondez l’évaluation administrative et l’évaluation pédagogique, preuve s’il en faut que vous ne maitrisez pas votre sujet.
      PS : Je ne prétends pas que le système actuel est parfait, les inspections pédagogiques étant trop rares comme on le souligne ici. Mais la distinction entre l’évaluation pédagogique et l’évaluation administrative est importante et devrait être maintenue.


    • Spip Spip 15 février 2012 23:29

      @ abou antoun

      A l’époque, il n’y avait aucune autre évaluation que l’inspection. Aujourd’hui, à part le projet pas encore réalisé, pouvez-vous me dire de quelle évaluation administrative réelle vous parlez ? (à part le système des points, qui n’en est pas une)


    • Abou Antoun Abou Antoun 16 février 2012 09:48

      Il existe deux évaluations :
      Une évaluation administrative notée sur 40 sur un ensemble de critères bien définis (assiduité, ponctualité, rayonnement, etc...). Cette évaluation est d’ores et déjà réalisée par le chef d’établissement et l’a toujours été.
      Une évaluation pédagogique, note sur 60, attribuée par un IPR ou un IG.
      Les critères sont, bien sûr, la prestation réalisée mais un bon inspecteur lit le cahier de textes officiel, relève les cahiers des élèves, les interroge, demande au professeur de se livrer à certains exercices. Naturellement il y a des fumistes partout y compris dans le corps des inspecteurs.
      Bref ce qui est rapporté ici est une caricature et on essaie toujours d’écrire l’histoire avec des anecdotes.
      En résumé, le système est très loin d’être parfait. Il le serait presque si les règles étaient respectées et si les inspections pédagogiques étaient plus régulières.
      Je pourrais vous expliquer pourquoi elles ne le sont pas mais c’est un autre débat, technique également qui n’intéresse sans doute pas les lecteurs (pas plus que ma mise au point).
      Je voudrais simplement éviter que l’on colporte des clichés nuisibles à la profession et participant à l’entreprise de désinformation visant à changer les procédures pour bien pire.


  • vasionensis 15 février 2012 13:58

    « On veut faire accéder tout le monde à une culture de haut-niveau »....
    Même plus : ce qui compte, c’est de faire garderie - quitte bien sûr à sacrifier cette mythique ’culture de haut niveau’.

     "...et l’on se rend compte finalement que ce sont toujours les mêmes qui réussissent...« 
    Ah ,les salauds ! De là à penser qu’ils font quelque chose pour cela, voilà de quoi révolter les coeurs purs de l’égalitarisme (ceux qui remplacent l’égalité des chances au départ par l’égalité des chances à l’arrivée).

     »... et que les autres sont laissés pour compte avec les meilleures intentions du monde.« 
    Vous parlez sans doute des intentions des »pédagogues" commis à cette brillante politique ? Parce que pour ce qui concerne les gosses qui n’ont depuis longtemps plus rien à faire à l’école et qu’on y maintient par démagogie, peur ou conformisme, ils n’ont plus que le choix de se terrer silencieusement dans un coin ou de gêner les études des autres. Les laissés pour compte, désolé, ce sont les meilleurs !


  •  C BARRATIER C BARRATIER 15 février 2012 19:31

    Les SEGPA ne sont pas du tout représentatives des autres classes d’un collège. Sauf sur un point : Il y a plus de 50 ans que l’éducation des enfants accompagne leur formation, que ce soit à l’école élémentaire, au collège, au lycée (général, technologique ou professionnel), et ceci jusqu’aux classes de BTS comprises. Il n’y a qu’à l’université que l’aspect éducatif (ponctualité, civilité, écoute, politesse, présence régulière, devoirs rendus dans les délais et soignés, tenue en classe et autour...) est laissé en jachère, - c’est d’ailleurs dommage.

    Je veux témoigner que les enseignants font au mieux, échangent, obtiennent des résultats...ou s’en vont définitivement. Métier difficile qui ne peut pas être un complément alimentaire, métier prenant et gratifiant quoi qu’on en dise, quoi qu’on « monte en épingle... »

    Je les ai rencontrés ces enseignants « de base », à l’école élémentaire, au collège, je les rencontre encore dans des conseils d’"école...
    Avec un autre gouvernement, le rebond positif peut être spectaculaire.
    Voir dans la table des news :

    Avenir de l’école : qu’a-t-on fait de la consultation nationale ?

     http://chessy2008.free.fr/news/news.php?id=156


  • loco 15 février 2012 22:28

     
     Bonsoir,

     Sur le point concernant l’évaluation des personnels, qui semble une idée nouvelle dans l’enseignement, la méthode est bien connue en entreprise, et chacun sait, à son niveau, comment produire le mensonge, truquer les données et leur présentation pour ne pas avoir d’emmerdements. Le seul plus amené par l’évaluation, c’est l’amélioration de l’art du (des) mensonge.


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