Paris : un Gilet Jaune mis en examen pour le viol d’une jeune manifestante de 23 ans
L'affaire est complètement passée à la trappe tant parmi les médias classiques que ceux dits "alternatifs". Hormis quelques journaux franciliens, aucun grand journal ou grande chaîne de télévision ne l'a évoquée. Pourtant, il s'agit de faits graves qui, s'ils sont avérés, relèvent du domaine criminel.
Les faits remontent au 1er décembre dernier, soit l'acte III de la mobilisation des Gilets Jaunes. Si les images de voitures carbonisées, de boutiques de luxe dévalisées et de bâtiments publics dégradés sont désormais gravées dans la mémoire collective, une affaire a soigneusement été mise de côté par les médias (dont on jure pourtant qu'ils veulent "discréditer les Gilets Jaunes") ce, malgré que
Lors d'un point-presse devant le Tribunal de Grande Instance de Paris le 2 décembre, Nicole Belloubet a en effet dénoncé les multiples violences qui avaient émaillé la journée de mobilisation : "des dégradations, des pillages, des agressions et même un viol", déclarait la ministre. Une déclaration qui a aiguisé la curiosité des journalistes puisqu'aucun commentaire n'avait été fait dans les médias la veille, ni par les policiers ni par les magistrats.
Le Parisien et 20 Minutes ont dès lors enquêté auprès de la ministre et des policiers franciliens afin d'en savoir plus sur cette affaire de viol présumé. Il s'est effectivement avéré qu'un homme de 31 ans, originaire de Seine-et-Marne, était en garde à vue depuis le soir du 1er décembre après avoir été interpellé pour une accusation de viol. S'il n'y a pas eu de commentaires détaillés dans les premiers jours, la justice a communiqué sur l'affaire à partir du 3 décembre, annonçant que l'homme était écroué et mis en examen en attendant son jugement en cour d'assise. Le détail des faits reprochés n'a en revanche pas été divulgué par la justice. Les médias s'en sont dès lors chargés.
D'après nos confrères du Parisien, la victime est une jeune femme de 23 ans qui est aussi une membre des Gilets Jaunes. Elle s'était rendue à la manifestation parisienne avec un groupe d'une dizaine de manifestants dont le présumé violeur faisait également partie (20 Minutes affirme qu'ils sont même collègues). Le viol s'est apparemment déroulé l'après-midi du 1er décembre dans le sous-sol d'un McDonald's du 19ème Arrondissement de Paris, où elle et le jeune homme s'étaient arrêtés. Ce dernier l'a, semble-t-il, forcé à lui faire une fellation sous la menace et la contrainte physique. Ces faits sont confirmés par 20 Minutes ainsi que par la police qui a interpellé et auditionné le jeune homme. Les choses sont plus floues ensuite : le Parisien affirme que, une fois de retour au sein du groupe qui les accompagnait, la jeune femme se serait plainte à ses amis Gilets Jaunes et que ces derniers "auraient violemment molesté le jeune homme avant de le livrer à la police".
Le mythe du french gentleman rudoyant un goujat qui s'en est pris à une jeune femme, voilà qui est beau comme du latin mais qui ne colle pas trop avec la logique – ni avec l'enquête que j'ai moi-même menée auprès des différents médias qui ont traité de l'affaire. On s'étonne d'abord que seul le Parisien ait eu vent de cette information dont ils refusent de divulguer la source, tandis que l'Obs n'évoque aucun tabassage du présumé coupable ; ensuite, on note chez nos confrères du Parisien l'usage du conditionnel "ils l'auraient violemment molesté avant de le livrer à la police", preuve que le journaliste lui-même n'en est pas certain – d'autant plus que les policiers et les magistrats en charge de l'affaire n'ont fait état d'aucune blessure physique du présumé coupable.
La scène semble d'ailleurs très improbable : en pleine manifestation, dix Gilets Jaunes faisant irruption en hurlant dans un commissariat de police avec un homme sanguinolent ligoté qu'ils accusent d'avoir violé leur amie… Il semble dès lors très curieux que les tabasseurs n'aient pas été mis en garde à vue (le tabassage d'un violeur reste malgré tout un tabassage) et que leurs témoignages n'aient pas été recueillis pour être versés au dossier. Enfin, détail qui n'en est pas un, le viol s'est produit "durant l'après-midi du 1er décembre" selon les propres termes des policiers et des journalistes, alors que l'interpellation du jeune homme a eu lieu le soir : ainsi, nos braves gavroches jaunes auraient trimballé leur ex-acolyte durant des heures dans les rues de Paris avant de l'emmener au commissariat ?
Une si longue digression sur un détail de cette affaire tragique peut sembler anecdotique mais elle illustre à mon sens une réalité : contrairement à ce que l'on entend souvent, les médias ne sont absolument pas anti-jaunes, faisant même preuve d'une assez grande bienveillance comme dans le cas d'Ouest-France qui a produit des éloges dithyrambiques sur l' "empathie" et la "convivialité" des Gilets Jaunes caennais ; les journalistes, souvent vus comme "aux ordres de l'Élysée" par les Gilets Jaunes, n'hésitent d'ailleurs pas à leur tendre le micro pour les dépeindre ensuite en gavroches assoiffés de justice sociale et d'héroïsme prolétarien. Cette histoire de lynchage du présumé violeur par des Gilets Jaunes outrés semble donc être une jolie invention brodée par un journaliste pro-jaune désireux de conférer à ces manifestants une touche chevaleresque.
De fait, il semble plus probable qu'au lieu de se plaindre à ses amis jaunes (qui lui auraient sûrement répondu qu'elle l'avait bien cherché) la jeune femme soit allée signaler son agresseur au commissariat : or, puisqu'ils se connaissaient, qu'ils étaient dans le même groupe de manifestants et travaillaient même ensemble, elle leur aura fourni toutes les informations qui ont permis aux policiers d'aller cueillir l'homme chez lui quelques heures plus tard. Voilà qui sonne moins héroïque, moins "roman national" mais qui colle mieux à la logique et à la chronologie.
Le présumé violeur, déjà connu pour détention d'armes et consommation de drogues, a en tout cas été écroué et mis en examen en attendant son jugement par une cour d'assise. En vertu de l'article 222-23 du Code Pénal, il risque jusqu'à quinze ans de réclusion. En effet, depuis la loi Schiappa, la fellation sous contrainte compte désormais comme un viol et encourt les peines prescrites pour ce crime alors que c'était jusque là considéré comme une simple "agression sexuelle".