samedi 2 mai 2009 - par jia

Prisons françaises : Qu’attend-on pour agir ?

« En 2008, après plusieurs années de baisse, le nombre de suicidés est reparti à la hausse, malgré les efforts de l’administration pénitentiaire pour la prévention, faisant 115 victimes, dont trois mineurs. Il n’y avait pas eu de suicides de mineurs en prison depuis 2004. » Cette citation du quotidien « Le Monde » daté du 19 mars 2009 est une illustration du malaise qui entoure les prisons françaises.

Il y a actuellement en France 62 700 détenus en France pour environ 50 000 places. Cette surpopulation carcérale génère de nombreux problèmes de sécurité pour les prisonniers. Elle amène des situations insoutenables, telles ces images de détenus dormant à même le sol ou sur des matelas de fortune.

Selon l’observatoire international des prisons, 39 suicides ont eu lieu dans les prisons françaises cette année ; ce qui signifierait une hausse de 38% par rapport à 2008. (http://www.oip.org/observatoire_international_des_prisons/)

La France a d’ailleurs été dénoncée par divers rapports du comité pour la prévention de la torture au commissaire aux droits de l’homme du conseil de l’Europe qui dénoncent « des traitements inhumains et dégradants ».

Nous allons ici questionner la raison d’être des prisons, à travers le prisme français et quelques exemples internationaux. Cela nous amènera tout d’abord à nous demander qu’est-ce que la prison ? Quels sont les buts que la société lui assigne ? Ensuite nous nous demanderons quelles pourraient être les éventuelles alternatives à celle-ci ? Et si ces dernières seraient une bonne solution aux problèmes que la prison rencontre actuellement ?

Qu’est-ce que la prison ?

Dans son livre « Surveiller et punir » Michel Foucault revient sur l’apparition historique des prisons. L’utilisation de la prison comme sanction de la délinquance n’est apparue selon ce dernier qu’au cours du 19ème siècle. Précédemment, la prison n’était qu’un lieu provisoire d’accueil. Il s’agissait principalement de retenir les prisonniers dans l’attente de leur véritable peine (exécutions, supplices etc). Ainsi avant le 19ème la prison n’est pas vue comme une peine en tant que telle, il ne s’agissait que d’une situation provisoire. Cela se traduisait par un état de désorganisation important. L’état d’esprit d’alors semblait être « après tout pourquoi prêter attention aux prisons quand celles-ci ne sont que des points de passage très courts d’individus en attente de procès ou d’exécution de peine ? » Le mouvement d’apparition des prisons modernes s’est fait parallèlement à un processus de mise au secret du traitement de la délinquance. Ainsi les exécutions qui se déroulaient en public se déroulèrent en privé. Les supplices considérés comme barbare étaient de moins en moins acceptés se devaient d’être remplacés par un autre type de châtiment. La problématique principale d’alors était donc de punir le délinquant. La prison apparaissait ainsi comme un moyen « raisonnable » de parvenir à cet objectif. La mise en place de ces nouvelles prisons n’est guère évidente. Le voyage du français Alexis de Tocqueville (surtout connu aujourd’hui pour son ouvrage visionnaire : « De la démocratie en Amérique) aux Etats-Unis avait ainsi pour objectif principal d’observer le système pénitentiaire américain et d’y trouver des bonnes idées pour réformer le système français.

Les objectifs de la prison

On peut repérer 3 objectifs principaux assignés à la prison :

-L’enfermement des personnes susceptibles de porter atteinte aux autres membres d’une société. Il s’agit donc ici de mettre à l’écart, les individus dangereux pour éviter qu’ils ne portent atteinte aux autres.

-De dissuader les individus de commettre à l’avenir des actes illégaux ; en ce sens la prison est un châtiment. Elle vise à punir l’individu. Il s’agit donc d’une forme de prévention qui a pour but d’inhiber l’individu face aux actions répréhensibles lorsqu’il sortira de prison. En quelque sorte et si l’on veut simplifier à l’extrême l’idée qui guide cet objectif. Les souffrances endurées en prison feront réfléchir à deux fois l’individu avant de commettre un méfait. Cet objectif est par sa nature porteur de nombreuses dérives. Dans certains cas le prisonnier peut ainsi être vu comme un ennemi. Comme l’indiquait Madame Vivien Stern directrice de recherche au centre international d’études pénitentiaires : « La prison centrale de Porto Allegre voyait en eux des ennemis. On y emmenait les gens dans l’unique but de les retirer, comme s’il s’agissait de pestiférés, d’une contagion. L’objectif de l’institution où on les plaçait était de les garder, de les empêcher de se rebeller contre leur détention, et de les humilier, eux et leurs familles, afin de saper leur moral. C’était un genre d’internement, une sorte de camp de concentration, pire, à maints égards, que le système des goulags russes. » Cette vision de la prison nuit considérablement à l’objectif suivant qu’on assigne à la prison : la réinsertion.

-D’assurer la réinsertion future des prisonniers. Cela passe par la rééducation, l’acquisition de savoir et de compétences par les détenus. Le travail en prison des détenus est à cet égard essentiel. Or il est de plus en plus difficile à ces derniers de travailler en raison du chômage (en France et aux Etats-Unis notamment) et de l’inflation du nombre de prisonniers (voir notamment un article du Monde du 10 avril 2005). Un article du quotidien, Le Parisien cite l’exemple d’une prison française à Melun : « LA crise fait aussi des victimes… en prison. C’est ce qui ressort du forum emploi-formation qui vient de se dérouler au centre de détention de Melun. Dans cet établissement, sur 300 détenus, 35 travaillent à la métallerie, 108 à l’imprimerie et 15 pour un sous-traitant de l’industrie automobile. Seulement voilà, comme à l’extérieur des murs d’enceinte, les carnets de commandes subissent eux aussi les aléas de l’économie. »

Les conséquences sont doubles pour les prisonniers : Une forte diminution de leurs revenus et une détérioration de leur réinsertion.

L’autre grief fait par les organisations non gouvernementales de défense des droits de l’homme concerne le non respect du droit du travail. Selon l’observatoire international des prisons, la plupart des détenus obtiennent à l’heure actuelle une rémunération bien inférieure au salaire minimum.

On le voit à travers cette courte présentation. La mise en place des prisons correspond à différents besoins sociaux. Les objectifs qui lui sont assignés sont ambitieux mais soumis à des difficultés importantes. La surpopulation carcérale semble être (surtout en France) l’un des problèmes majeurs à traiter. Cette dernière nuit à la réinsertion des détenus. Elle met en péril, leur sécurité physique et mentale (voir à ce sujet la question des personnes atteintes de troubles mentaux en prison) et en dernier lieu comme l’illustrent les tragiques faits divers, leur vie. Dans cette deuxième partie nous nous intéresserons à la question des alternatives à la prison et aux cas dans lesquels elles sont susceptibles d’être utilisées. Leur application pouvant être vu comme un moyen de répondre au problème de la surpopulation carcérale.

Quelles alternatives ?

Le travail d’intérêt général

Les TIG sont utilisés pour les délits les moins graves. Le ministère de la justice français énonce sur son site Internet les 3 objectifs des travaux d’intérêt généraux, il s’agit de :

  • sanctionner le condamné en lui faisant effectuer une activité au profit de la société, dans une démarche réparatrice, tout en lui laissant la possibilité d’assumer ses responsabilités familiales, sociales et matérielles ;
  • permettre au tribunal d’éviter de prononcer une peine d’emprisonnement de courte durée, dès lors qu’elle ne s’avère pas indispensable eu égard à la personnalité du condamné et à la gravité des faits qui lui sont reprochés.
  • Impliquer la collectivité dans un dispositif de réinsertion sociale des condamnés.

Si l’on se réfère aux 3 objectifs de la prison, on peut voir qu’ils sont également envisageables dans le cas des TIG. Les notions de sanction, de réinsertion et de dissuasion sont présentes. Ainsi le condamné n’est pas en contact avec d’autres détenus (quelques fois des récidivistes si bien que certains présentent les prisons comme l’école du crime) mais avec la collectivité. Une fois sa peine terminée le condamné n’a pas à se réadapter à la société dans laquelle il a continué à vivre.

Le port du bracelet électronique de surveillance

On peut distinguer ici deux types d’usage, le bracelet électronique fixe et le mobile. Le premier est utilisé en France depuis 2000. Il s’adresse aux individus condamnés en fin de peine ou condamnés à des courtes peines. Les détenus sont autorisés à quitter leur habitation aux heures fixées par le juge pour se rendre à leur travail. Cela permet au condamné d’éviter la prison. Le second concerne en France les détenus considérés comme plus dangereux (condamnés à des peines supérieurs à 7 ans). « Les condamnés peuvent se déplacer sous surveillance. Ce dispositif vise à les aider à se réinsérer tout en contrôlant leurs mouvements pour éviter la récidive. » selon le site web du ministère de la justice.

Le placement à l’extérieur

Ce dispositif est particulièrement intéressant surtout si l’on prend en compte les limites inhérentes au travail en prison que nous avons évoqué plus haut. Le ministère de l’intérieur, le présente comme « un régime de détention aménagé qui permet à un ou plusieurs condamnés de se trouver régulièrement en dehors d’un établissement pénitentiaire, soit pour être employé à des travaux contrôlés par l’administration, soit pour suivre un enseignement, un traitement médical ou bénéficier d’un travail. » La personne est toujours en détention mais sa peine est exécutée à l’extérieur. Cela peut notamment permettre à des détenus sans qualification d’entrevoir la possibilité d’obtenir le diplôme et le savoir nécessaire à leur réinsertion future. Ce placement constitue un début de réponse à la question qui se posera de manière plus cruciale à l’avenir avec le vieillissement de la population : la dépendance. Il permet permet d’éviter à des individus d’endurer ce qui pourrait s’apparenter à une double peine (la prison et le mauvais traitement d’une maladie).
 
En clair, les objectifs que nous fixons à la prison sont loin aujourd’hui d’être tenus. La surpopulation carcérale apparaît notamment en France comme l’un des problèmes criants. On peut imaginer que la plupart des autres problèmes découlent en partie de celui-ci. Pour cette raison nous nous sommes dans la deuxième partie intéressés aux différentes alternatives existantes à la prison (la liste dressée n’est pas exhaustive, on peut également citer le recours au sursis déjà amplement utilisé en France et ailleurs. Il me semble que les trois alternatives citées sont sous utilisées à l’heure actuelle). Un recours plus massif à ces dernières constitue un début de réponse à la surpopulation carcérale. Il faut toutefois garder raison. Le développement de ce type d’alternative n’est pas « la réponse » aux problèmes des prisons en France et dans le monde. Il s’agit également de réfléchir aux moyens d’améliorer les conditions des détenus (sécurité des détenus dans les cellules, meilleur accès aux soins de santé …) à l’intérieur même des prisons. Pour que les suicides tragiques des prisonniers ne soient plus qu’un lointain souvenir, il faut agir très vite.
 

Sources :

Livres : Michel Foucault : « Surveiller et punir »
Articles : Le Monde daté du 19 mars 2009 et du 10 avril 2005
Le Parisien du 3 avril 2009
Sites web : http://www.oip.org/ 


5 réactions


  • Yvance77 2 mai 2009 14:49

    Salut,

    La réponse est dans le titre à savoir : « Rien »

    Rien car en plus en temps de crise filer de la fraîche aux prisonniers c’est encore moins porteur. Le populo droitier réactionnaire se fout comme d’une guigne du sort des mis à l’ombre.

    Et on a déjà fait un grand geste on a supprimer Cayenne, alors de quoi se plaignent ses drogués, voleurs, pouilleux, criminels, racaille de basse fosse etc ... z’ont que ce qu’ils méritent après tout ma bonne Lucette.

    A peluche


  • xray 2 mai 2009 17:21

     

    Les prisons ne sont pas faites pour ceux qui sont à l’intérieur.  
    Les prisons sont faites pour les gens qui vivent à l’extérieur.  

    Une solution simple n’est pas obligatoirement mauvaise. 
    http://une-solution-simple.over-blog.com/ 



  • Le péripate Le péripate 2 mai 2009 20:07

    Quand l’Etat néglige la sûreté, la justice et les prisons, il néglige le coeur de sa mission, le coeur de sa légitimité. 


  • plancherDesVaches 2 mai 2009 20:59

    Après avoir enfoncé l’Education, la Medecine, la Recherche,.... la suite est logique, afin de privatiser.

    Les prisons devront rapporter aux investisseurs....


  • Internaute Internaute 4 mai 2009 09:36

    La densité de population dans les prisons s’équilibre toute seule. Plus il y a de suicides, plus il y a de la place et le taux de suicide diminue.


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