vendredi 20 juillet 2018 - par Laurent Herblay

Réflexions sur le lien idéologique entre néolibéralisme et répression routière, partie 2 (billet invité)

Par Rodolphe DUMOUCH, enseignant de biologie-géologie et géographe ruraliste.

Suite du papier de jeudi

 

Faire croire que l’État s’occupe de la population

La première hypothèse est assez facile à envisager : faire de l’inflation règlementaire sur les routes, c’est une diversion pour faire croire que l’État s’occupe de la population pendant qu'on libéralise à tour de bras et qu'on sabre les aides sociales aux citoyens. Entre 1992 et 2018, le code de la route a triplé de volume, alors même que partout on nous vante l’« État minimal ».

Toutefois, il faut bien remarquer que la nature des règlements est bien différente de celle que l’on attend dans un État social : ce sont des mesures systématiquement répressives, des interdictions et des obligations, toutes assorties d’amendes et de sanctions. Cela n’a donc rien à voir avec l’aide aux citoyens. On reconnaît là, immédiatement, un trait bien caractéristique des conservateurs-libéraux : ils n’aiment pas l’État, du moins pas l’État qui instruit, aide, soigne ; en revanche, ils adulent l’État qui réprime, norme, interdit, limite, contraint, emprisonne et déclare des guerres. 

Mais en rester à cette simple réflexion serait produire un exposé incomplet. Il y a aussi un changement subtil de la nature des questions de société prises en charge. Les slogans de la funeste association LCVR, présidée par Chantal Perrichon, révèlent ce glissement de paradigme.

Le « zéro accident » ou l’idéologie du risque zéro, sauf en matière sociale bien sûr

Cette association – composée d’une infime poignée de militants mais très grassement subventionnée et bénéficiant de détachements de la fonction publique – s’expose avec deux slogans très révélateurs. « Objectif zéro accident » et « Un drame de la route n'est pas un fait divers ». Il ne s’agit pas, bien évidemment, de nier les conséquences tragiques des accidents mais de dénoncer la philosophie qui se cache derrière ces slogans – outre l’exploitation du pathos par cette association et les marchands qui tirent profit de cette cause.

S’il est possible de diminuer le nombre d’accidents, il y en aura toujours. C’est donc un objectif irréalisable. A l’inverse du « zéro SDF », réalisé au Danemark, par exemple, mais aussi du « zéro chômeur ». On glisse donc de grandes causes de société nomothétiques, universelles, à des causes idiographiques, à une lutte contre un amoncellement de faits divers sans relation entre eux.

En fait, c'est une typiquement une conception conservatrice de la société : les conservateurs, justement, se battent contre des faits divers : contre le « vice », contre les vols, pour la morale individuelle et rêvent d'une société sans délinquance, sans larcins, alors qu'il y en aura toujours. De même, encore une fois, il y en aura toujours des accidents, l'objectif « zéro accident » est un objectif de même nature que les velléités sécuritaires des conservateurs.

De la même façon, il ne s’agit pas nier les conséquences des crimes et les drames qu’ils ont pour conséquence… Mais poursuivre un objectif « zéro crime » serait une chimère stupide et mène tout droit à une société soit puritaine soit totalitaire. On peur mener une politique qui réduise les crimes, de même qu’on peut mener une politique qui réduise les accidents, mais les mesures choisies sont à l’efficacité contestée. De même que serait contesté le bienfait du retour des châtiments corporels à l’école pour diminuer le nombre de délinquants juvéniles.

Pendant que l’on s’adonne à ces « grandes causes » de nature clairement conservatrice, on abandonne des objectifs réalisables et qui constituent de vrais sujets de société : zéro SDF, zéro chômeur, supprimer les injustices, supprimer les lois iniques. Tout cela est techniquement réalisable, à l'inverse du zéro accident ou zéro délit.

Dans cette affaire, les mesures anti-automobilistes sont souvent défendues par des gauchistes revendiqués sur les forums, ce qui masque habilement leur caractère relevant d’une philosophie conservatrice.

 

Suite dans les prochains jours



20 réactions


  • Nicolas_M bibou1324 20 juillet 2018 09:48

    Le but n’est pas de diminuer le nombre d’accident, mais de récupérer du fric chez ceux qui sont incapable de maîtriser leur pied droit pour renflouer les hôpitaux.


    Je trouve que c’est plutôt une bonne idée. J’ai environ 30km de départementales pour aller au boulot, en fait il y a beaucoup d’agglomérations et au final je ne perd que 2 minutes par jour. 2 minutes par jour pour avoir plus d’infirmières, moins de burnout chez le personnel hospitalier, diminuer l’attente aux urgences ? Moi je signe.

    • Croa Croa 20 juillet 2018 12:13
      À bibou1324,
      Sincèrement tu crois réellement à ces conneries ? Personne ne t’as dit que le promesses n’engagent que ceux qui y croient ?
      *
      Le produit des amendes ira direct au « service de la dette », c’est à dire dans la poche des copains à Macron. Ceci dit le but n’est effectivement pas de diminuer le nombre d’accident et nous sommes au moins d’accord ensemble sur ce point smiley

    • Gasty Gasty 20 juillet 2018 12:45

      @bibou1324

       smiley smiley smiley


    • jymb 20 juillet 2018 12:54

      @bibou1324

      La réalité est que pour un même trajet inter villes empruntant des routes « nationales » (qui ont été soigneusement déclassées pour mieux les détruire) j’ai vu la durée passer en quelques années de 1h45 à 2h00, puis 2h15 (c’était avant l’odieux 80 km/h, le prochain test je n’ose imaginer, autour de chez moi les voitures effrayées roulent désormais pare choc contre pare choc à 70, en convoi quasi mortuaire) ...et de plus en plus exténuant, exaspérant, un oeil sur le compteur et l’autre sur les bas côtés...Villages avec entrées et sorties d « agglomération » repoussées en rase campagne, casses voitures hypertrophiés tout les 200m , boîtes à fric, voies réduites, tout y passe pour bloquer et faire les poches
      Je ne pensais pas vivre une telle destruction de la mobilité, un tel retour en arrière dans la bêtise crasse..même au moyen âge, bouger était signe de progrés et de découvertes...on revient à la préhistoire 

  • Pseudo Victor 20 juillet 2018 09:54

    Le 80 km/h a sans doute un côté anachronique :

    il aurait fallu le faire en 1975, quand il y avait une hécatombe sur les routes.

    Maintenant ça paraît un peu abusé.

    Voilà, pas de quoi en faire un gruyère ni un caca nerveux (en plus, il n’y a pas des flics tous les 100 mètres sur la route)


    • Francis, agnotologue JL 20 juillet 2018 10:15

      @Pseudo Victor

       
       les routes sont de plus en plus sûres, et les bagnoles de plus en plus performantes, mais la vitesse est de plus en plus limitée à la baisse.
       
       Chercher l’erreur ? La trouver .

  • hervepasgrave hervepasgrave 20 juillet 2018 09:54

    Bonjour, Il y a de l’espoir ! Il n’est peut-être pas vain pour un gueux comme moi de trainer ses basques sur agoravox ?

    Il est bien évident qu’il y aura toujours des accidents.Quand bien même nous roulerions a 20 km/heure.Et que nous aurions des carrioles tirées par des mules .La cause est indépendante des lois.Nous aurons toujours les mêmes imbéciles et les mêmes sautes d’humeurs qui seront un danger.Il est bien évident qu’il faut y voir aussi un but bien plus subtil et recherche la dedans.La répression est certes une approche bille en tête,un passage en force pour anéantir toutes résistances.Aujourd’hui nous regardons les détails et passons a autres choses.Mais détails après détails cela créait des ensembles,a méditer


  • Pseudo Victor 20 juillet 2018 09:55

    Pendant que l’on s’adonne à ces « grandes causes » de nature clairement conservatrice, on abandonne des objectifs réalisables et qui constituent de vrais sujets de société : zéro SDF, zéro chômeur, supprimer les injustices, supprimer les lois iniques. Tout cela est techniquement réalisable, à l’inverse du zéro accident ou zéro délit.

     smiley

    On pourrait essayer aussi de supprimer la méchanceté, la connerie, etc...


    • Gasty Gasty 20 juillet 2018 12:34

      @Pseudo Victor

      Et vous en savez quelque chose c’est évident ! Vous n’avez pas eu à chercher bien loin pour en arriver à votre conclusion de façon ironique. smiley


    • JC_Lavau JC_Lavau 20 juillet 2018 12:53

      @Pseudo Victor. Et ton plan est ?


    • Pseudo Victor 20 juillet 2018 15:00

      @JC_Lavau

      c’est sans doute une mesure anachronique, mais de là à brandir les déambulateurs, à renverser les pots de chambre et à prendre - virtuellement - la Bastille, il y a un fossé.


  • Jeff Parrot Jeff Parrot 20 juillet 2018 10:42

    papier tres interressant.

    On peut fair une analogie avec la fausse ecologie :
    Pendant que l’on s’adonne à cette grande cause du rechauffement climatique, on abandonne des objectifs réalisables et qui constituent de vrais sujets de société :
    overdose de pesticides, OGM, destruction des espaces naturels et du litoral, mer de plastique,


  • Odin Odin 20 juillet 2018 12:45

    L’auteur oublie l’objectif principal de cette nouvelle limitation de vitesse  : l’asservissement de l’automobiliste.

    Une nouvelle soumission pour faire accepter progressivement l’inacceptable venant de nos politiques. Plus les années passent et plus cette servitude est acceptée par des mougeons de plus en plus nombreux. 


    • jymb 20 juillet 2018 13:00

      @Odin
      Et céder à des groupuscules autophobes haineux radicalisés qui par nature ne seront jamais satisfaits, menant des combats personnels contre tout ce qui se déplace, aprés quelques semaines de silence ils réclameront Dieu sait quoi d’autre...vous vous souvenez à la fin des années 30 d’un quidam qui réclamait un territoire, se calmait quelques mois puis recommençait en se basant sur la faiblesse de l’opposition...même comportement et justifications toujours renouvelées, n’importe quoi fait l’affaire 




  • Spartacus Lequidam Spartacus 20 juillet 2018 12:51

    Ca devient complètement con d’accuser le libéralisme de faire chier de règlements, d’inquisitions sur la liberté de déplacement, de bureaucratie...


    C’est simplement la théorie des choix publics du Nobel d’économie Buchanan


    L’État. bienveillant est une « vision romantique ».
    Les dirigeants politiques (et les fonctionnaires), contrairement à ce qu’ils passent leur temps à essayer de nous faire croire, n’agissent pas en fonction de l’intérêt général, mais toujours en fonction de leur intérêt personnel. 
    Exactement de la même façon que les pires des capitalistes qu’ils accusent. 
    L’homo politicus et l’homo economicus fonctionnent avec exactement les mêmes motivations « égoïstes ». 

    À travers l’action publique, les dirigeants politiques cherchent avant tout à « maximiser leur propre bien-être » (qui est moins l’attrait de l’argent et du profit que le goût du pouvoir, le besoin d’être aimé, la reconnaissance sociale, la griserie de contraindre, de haranguer les foules ou l’ivresse de passer à la télé, etc....
    Buchanan



    • Gasty Gasty 20 juillet 2018 13:23

      @Spartacus

      Mais qui trouve-t-on dans le libéralisme ? Des fonctionnaires ?


    • Gasty Gasty 20 juillet 2018 13:26

      Ou des personnages comme toi et ce qu’on en sait lorsqu’il s’exprime.


    • hervepasgrave hervepasgrave 20 juillet 2018 14:04

      @Gasty
      Bonjour c’est exactement cela !La réalité est qui est le gagnant de cette soit disant révolution Française ? Les ruraux.Ils se sont tout accaparé et ont envoyé leurs enfants dans les cités.Ils ont tous les pouvoirs.En cas de problème ils ne leur reste plus qu’a ce replier dans leurs fiefs.I suffit de regarder de près qui ils sont.Le Vendredi les routes en sont pleines.Démocratie/capitalisme sont des mots des excuses qui occulte la réalité.Le monde est toujours dans les mains des nobles associés aux ruraux qui ont tout pris.Pour les autres la révolution est un doux rêve.


  • julius 1ER 20 juillet 2018 14:46

     On reconnaît là, immédiatement, un trait bien caractéristique des conservateurs-libéraux : ils n’aiment pas l’État, du moins pas l’État qui instruit, aide, soigne ; en revanche, ils adulent l’État qui réprime, norme, interdit, limite, contraint, emprisonne et déclare des guerres. 


    @l’auteur, 
    il fallait que ce soit dit et c’est bien de le répéter et répéter encore et encore !!
    nous sommes vraiment dans une ère sécuritaire qui brime, opprime et malmène les faibles c’est la guerre des durs aux faibles et nous sommes loin maintenant de voeux du CNR , on a jamais été aussi éloignés de sa vision et espérance sociale et sociétale ..... 
    perso tous les jours et les actus me mettent en colère !!!!
    j’espère que les gens de bonne volonté arriverons à mettre en place un courant progressiste et humaniste sinon nous aurons droit à un nouveau faschisme 2.0 !!

  • LENCARDEUR 20 juillet 2018 20:18

    1° Si la lutte contre la mortalité « précoce » était réellement la priorité du gouvernement, il y aurait un « plan anti-suicide » (au bas mot, 10000 décès prématurés par an, méfions-nous sur ce sujet difficile des « statistiques »), et la chasse aux accidents de travail améliorerait sans doute le quotidien dans bien des métiers dits « à risques » (il n’y a pas dans ce domaine que des décès, hélas !).

    2° Faire croire que seules, les réductions de vitesse, les radars et autres bandits manchots étaient responsables de la baisse de la mortalité routière, c’est tout de même se moquer du monde ; ceintures de sécurité, ABS, airbags, sécurisation (incomplète, certes) des points névralgiques, c’est donc inutile ? S’il faut comparer l’utilisation des voitures à celle des armes à feu, ayons le courage de dire « stop » une bonne fois pour toutes, et définir « la vitesse » légale au-dessous de laquelle le risque « zéro » apparait enfin. (Je sais, c’est idiot !)

    La vérité, c’est que l’on veut « formater » le citoyen, le mettre au service des machines au quotidien (et non l’inverse), et, bien entendu, prendre dans les poches de la masse ce que l’on n’est plus capable de prendre dans celles, oh combien profondes et obscures, des ultra-riches. L’Europe détricote tranquillement nos modèles sociaux, établit une concurrence fallacieuse (en particulier fiscale) entre ses différentes composantes, le tout au profit éternel d’une minuscule élite « hors-sol ». Il faut donc imposer « une chape de plomb », histoire de contenir fermement toute pression. CQFD.  La démocratie, c’est « cause toujours ».


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