mercredi 4 février 2009 - par Michel Servin

Sarkozyx, la réforme et la zizanie

En Gaule, pays singulier, il est de bon ton d’invectiver les universitaires, et de les accuser de fabriquer des chômeurs, ce qui est évidemment faux. Amis Gaulois, un peu de bon sens : si des jeunes sont au chômage, c’est parce qu’il n’y a pas de travail pour tout le monde ! Et cette évidence est valable pour tous, diplômés des « grandes écoles » et des universités… Pas besoin de faire un master pour le comprendre !
La Zizanie comme stratégie
Derrière le discours populiste stigmatisant les universités, se cache à peine un plan de restructuration du service public. S’agissant de l’enseignement, il a été énoncé à Bologne en 1999, et confirmé par la stratégie de Lisbonne en 2000. Noyé dans une terminologie ambiguë (l’économie de la connaissance), il vise l’ouverture d’un marché dérégulé de l’enseignement et de la recherche. Elaboré par des néolibéraux plus ou moins grimés, dont le brave Claudius Allègrus qui très tôt jura de dégraisser le mammouth, et rêve aujourd’hui de devenir serviteur de César, ce plan consacre la fin de l’enseignement public et l’avènement d’un marché dérégulé de la formation. Milton Friedman doit se retourner d’aise dans sa tombe…
La propagande qui soutient cette politique est relayée par les médias sous l’effet d’une connivence encore jamais atteinte avec le pouvoir politique en place (Ave Caesar, morituri te salutamus). A les entendre, les facs seraient (entre autres) toujours en grève, les profs jamais en cours (aux lions les profs), l’enseignement inadapté, la recherche en retard, etc. C’est une technique connue des publicitaires et qui consiste à marteler des messages jusqu’à ce qu’ils deviennent des évidences (et non des vérités). Elle est utilisée parallèlement à la technique du bouc émissaire qui repose notamment sur l’incapacité d’un peuple à rester solidaire, son corporatisme (poissonier contre forgeron) et sa propension à dénoncer son voisin (ou à l’attacher à un arbre). Ajoutez à cela les amalgames entretenus par notre cher César (fonctionnaire=fainéant), les simplifications outrancières (recherche = publications ; excellence = classement de Shanghai), la négation de la réalité (nos prix Nobel et médailles Fields, les découvertes françaises, ou plus modestement la réussite des IAE), etc. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter son discours du 22 janvier (les « vœux » de l’empereur à l’éducation national).
La Zizanie comme grille de lecture
Trop occupés à se jeter du poisson pas frais fourni gracieusement par Sarkozyx, les Gaulois ne voient pas arriver le problème qui va tomber comme un menhir dans la soupe…
L’économie de la connaissance, loin d’être un rêve humaniste, est une réalité commerciale qui a pour seule règle la compétition et la croissance dans un marché mondialisé. L’université, confrontée à des concurrents rompus à la stratégie et au marketing, va devoir adopter le même type de démarche. Super ! Diront ses détracteurs, enfin les fonctionnaires vont se bouger ! Oui, d’accord, MAIS… 

L’objectif ne sera plus de produire des diplômes reconnus et garantis par l’Etat, auxquels sont tant attachés les Gaulois, mais de promouvoir une marque universitaire et des produits de formation, avec tout ce que cela comporte de manipulations, oups, pardon,… je veux dire de stratégies marketing : effets d’annonce, statistiques tronquées, pseudo-classements, labels bidons etc.
Pour y parvenir, il faut préalablement rétablir les règles de la libre concurrence entre les acteurs. Rassurez-vous, ce sera chose faite avec la LRU qui transforme chaque université en village gaulois. Ainsi les DEUG, DUT, licences et masters, qui faisaient la force de l’enseignement supérieur public, ne seront plus désormais des diplômes garantis par l’Etat, mais des produits locaux parmi d’autres. Un tour de passe-passe remarquable de Sarkozyx et sa prêtresse qui transforment les poissons en suppositoires…
Conséquences : à vos bourses, Gaulois !
Car ce que vous ne voyez pas encore, amis Gaulois, c’est que pour survivre dans ce monde impitoyable, les universités vont devoir faire payer les formations, comme les grandes écoles… Voici donc un tarif indicatif des futures prestations qui rappelons-le, toucheront vos enfants :
- Master : deux ans soit 10 à 15 000 euros au lieu de 300
- Licence : 3ans soit 15 000 euros en moyenne au lieu de 200
- Prépas : 6000 euros
En outre, la LRU va scinder le paysage universitaire en deux, comme aux Etats-Unis. Les petites universités deviendront des colleges (jusqu’à la licence), et seules les grandes délivreront des masters. Si donc vous n’habitez pas une métropole comme Lutèce ou Massilia, il faudra vous y prendre à l’avance, la crise du logement aidant, pour réserver une hutte d’étudiant…


9 réactions


  • geo63 4 février 2009 11:08

    En effet, on se dirige à grande vitesse vers une université payante !
    Il existe déjà des formations (IUP "management" par exemple) où le "ticket d’entrée" est financièrement lourd.
    Par ailleurs, certains Présidents d’Universités donnent déjà à fond dans le marketing publicitaire pour leur Université (ils sont "très bien notés" en haut lieu). Bien entendu, leur action est relayée par les médias locaux, notamment.
    Dans quelques années on se bousculera pour accéder aux formations de pointe où l’on apprendra à vendre du "vent" avec efficacité, à moins qu’entre temps le système entier se soit cassé la gueule !


  • LE CHAT LE CHAT 4 février 2009 11:59

    le bouclier arverne a été remplacé par le bouclier fiscal pour éviter aux riches que le fisc leur tombe sur la tête ! au Sarkoland , à quoi bon faire des études quand certains proposent à des bac +5 des jobs à 1400 euros brut /mois ?


    • Varsass 4 février 2009 16:54

      "bac +5 des jobs à 1400 euros brut /mois"

      Ouah, comme moi ! Et dire que pendant mes années de lycées je gagnais 1300€ brut/mois, en juillet et aout pour faire de l’interim dans le BTP (bon c’est vrai j’étais pistonné par papa).
      Au final ça vaut le coup : 5 ans détudes pour 100 euros de plus, ça fait 20€ par année d’étude donc, pour avoir le salaire de Sarko il me faudrait un bac+920.

      Sachant que j’ai eu mons bac à 18 ans, je commence à bosser à 938 ans, je cotise mes 41 ans, je serais à la retraite à 979 ans.

      C’est beau un bel avenir tout tracé...


  • Vilain petit canard Vilain petit canard 4 février 2009 13:29

    Je suis assez d’accord avec vous, cette économie de la connaissance (quelle expression !) n’est que le prétexte au rationnement des étudiants : on monte les prix, on diminue leur nombre, "donc" ils seront plus facilement embauchés, et "donc" nos universités seront plus performantes.

    L’idée de base, c’est que le pays n’a pas besoin de trop d’intellectuels : quelques (gros) patrons, quelques ingénieurs, et plein de contremaîtres pour gérer au jour le jour une énorme masse d’ouvriers peu qualifiés, ça suffit. C’est le modèle de l’industrie du XIXe siècle, comme on en trouvait dans la sidérurgie ou les filatures. On voit bien quel type de personnes colportent ce genre de "modèle social". Manque plus que l’embauche à la journée, et on aura ateint le but de notre Conducator : revenir à Guizot, en attendant de revenir au Consulat, puis à l’Empire.

    Ce qui serait intéressant, c’est qu’on admette une bonne fois pour toutes le découplage entre études et embauche, ainsi qu’entre études et type de poste. M. Besancenot en offre un parfait exemple : licencié en Histoire, il est facteur. Mais à ce moment, si on admet ce découplage, il faudrait faire face à une horreur : quand on dit aux enfants, passe ton bac, tu auras plus facilement du boulot, on les induit en erreur. Il serait plus honnête de leur dire : fais des études, tu comprendras mieux le monde, mais ça tout le monde s’en fout. Les études, c’est bien connu, c’est pour trouver du boulot.

    Réduire les études à ce rôle d’optimisation de l’employabilité est un leurre (vous avez vu, moi aussi, je sais parler comme un technocrate), il faut le laisser tomber. A ce moment, des études gratuites ou peu chères trouvent tout leur sens : l’Etat améliore le niveau d’instruction de la population, et ceci, comme il garantit (en théorie) l’approvisionnement en eau et en électricité, la santé, l’acheminement postal, et... heu zut, maintenant, il ne les garantit plus, il a privatisé tout ça. 

    Ah ben alors, à ce moment...


  • Yena-Marre Yena-Marre 4 février 2009 13:31

    Bonjour ,
    Si au moins on lui réservait le sort du barde ce soir , mais non il va encore nous casser les oreilles !


    • anny paule 4 février 2009 15:45

      Nous sommes libres de ne pas l’écouter... De toutes façons, il ne dira rien... il alignera des slogans, des certitudes, pas du tout en phase avec les problèmes que tous (hormis certains nantis de ses amis) vivent ou vont vivre au quotidien...
      Si nul ne l’écoute, en termes d’audimat, ça peut être croustillant ! Grève de l’écoute de Sa Majesté !!! En voilà une belle ordonnance !!!


    • Kalki Kalki 4 février 2009 17:41

      Nous sommes libre de ne pas écouter ? Ne serait ce qu’entendre un message laissera des traces dans les cerveaux, il est difficile donc de ne pas écouter à moin de couper tout media (non intellectualisable).



      							

      															
      							 								Une video sur la luttre contre la mondialisation, le néoliberalisme.

      La quatrième guerre mondiale

      http://www.agoravox.tv/article.php3?id_article=21773

      Tourné sur cinq continents durant plus de deux ans, The Fourth World War fait l’inventaire des nombreux mouvements citoyens qui ont pris naissance un peu partout sur la planète, comme pour écrire une nouvelle page d’histoire composée d’actes de résistance au néo-libéralisme.

  • mouton-garou mouton-garou 9 février 2009 15:45

    Ca devient vraiment de pire en pire ! Dans un avenir très proche (moins de cinq ans je pense) on aura banques des riches et banques des pauvres, mais aussi le même schéma pour l’education, la santé etc....Remarque c’est déjà un peu le cas !
    A quand la révolution des chaussures dans leur gueule afin d’arreter les monstres qui se nourissent sur la création monétaire privée ?


  • PrivéPublic 10 février 2009 21:27

    Bonjour,

    j’ai essayé de relire votre article et je ne comprends pas trop ni les faits sur lesquels vous vous appuyez pour étayer nombre de vos affirmations, ni les solutions que vous proposez.

    Si on prend un unique exemple du caractère peu efficace pour la collectivité du système universitaire français, il n’est que de s’intéresser aux études de médecine. Je crois qu’il y a 7 000 places, j’avais retenu un chiffre de 22% de taux de réussite (passage en deuxième année). Soit 35 000 candidats, et 28 000 qui chaque année se retrouvent sans formation ni diplome, et peut etre 25 000 au bout de deux ans. Alors que ces candidats figurent parmi l’élite intellectuelle de la nation (nous supposons que la sélection en secondaire permet d’identifier les élites).

    Si on prend un second exemple, la formation de psycho. Où les candidats qui finissent leur cycle d’étude ne sont pas certain de trouver un job à la hauteur de leurs légitimes ambitions et à la hauteur de l’investissement qu’a réalisé la collectivité.....

    En quoi le fait de suggérer un décloisonnement entre certaines filières, ou en quoi la proposition de limiter le nombre de place en fonction des réelles perspectives professionnelles (de la sélection horreur) constituent-ils une remise en cause de notre démocratie ou de la qualité des formations délivrées ?

    Si l’université française se plait à vivre pour elle même et pas au service de la collectivité, si les enseignants chercheurs jugent pertinent de bloquer la nième réforme, en quoi le système dans lequel vous vivez aujourd’hui en sortira grandi.

    J’ai pas compris votre thèse, désolé.


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