lundi 9 août 2010 - par Henry Moreigne

Sécurité : la bataille de l’opinion est engagée

SOS Figaro. Voilà un sondage qui tombe bien, servi sur un plateau par un grand quotidien dont la proximité du pouvoir s’affiche de plus en plus ostensiblement. Même si l’analyse du sondage de l’IFOP par Le Figaro est sujette à caution, la gauche aurait tort d’ignorer l’avertissement qu’il contient. Reste toutefois que l’honneur de la politique, c’est parfois aller à l’encontre des idées dominantes pour faire prévaloir des idées humanistes et généreuses. A cet égard, la bataille qui avait entouré l’abolition de la peine de mort reste une référence.
 
Ainsi donc il y aurait un consensus sur la boîte à claques sécuritaire de Nicolas Sarkozy redevenu pour un temps superministre de l’Intérieur. Les Français ne donneraient pas dans la dentelle et seraient prompts à s’asseoir sur des principes constitutionnels concernant la déchéance de nationalité. Comme si on pouvait avec insouciance faire sauter au burin le mot égalité des frontons des édifices républicains…
 
Le ras-le-bol exprimé ne doit pas être confondu avec une adhésion aux grandes manœuvres de l’Elysée. “Que les Français veuillent lutter contre tout ce qui est illégal, c’est le bon sens“, analyse Christophe Borgel(PS) avant d’ajouter “Ce qui est en jeu, ce n’est pas cela ! C’est la désignation deboucs émissaires pour masquer l’échecde la politique sécuritaire sarkozyste.” C’est en fait surtout le lien inique qui est fait entre immigration et insécurité.
 
François Bayrou relativise les résultats du sondage : “ces chiffres ne sont absolument pas surprenants : on appuie là où la société française est le plus sensible, faute de pouvoir donner au peuple ce dont il a besoin, on lui sert un discours anti-immigration“. Le président du Modem lance une mise en garde :”Ce n’est pas en attisant ce genre de passions qu’on conduit un pays à affronter ses problèmes“.
 
Le lien entre immigration et sécurité avancé par l’UMP doit être mis en parallèle avec l’articulation xénophobie-crise économique. Le nombre de destructions d’emplois en France a atteint pour la seule année 2009 le chiffre record de 256.100, un niveau jamais observé depuis l’après-guerre.
 
La désindustrialisation, en France, est encore plus avancée que ce qu’on imagine. L’industrie a perdu 500.000 emplois en 10 ans, et ne représente plus que 13% de la population active. Elle ne produit plus que 16% de la valeur ajoutée du pays, contre 20% en Italie, 30% en Allemagne, et 22,4% dans la zone euro. Nous sommes aujourd’hui au niveau de la Grande-Bretagne, que l’on présente souvent comme un pays ayant abandonné son industrie” estime le sénateur PS du Doubs Martial Bourquin qui a réussi à obtenir la mise en place au sein de la Chambre Haute d’une “Mission commune d’information sur la désindustrialisation des territoires”.
Reste à savoir si le fossé sur la question de l’immigration-sécurité entre les états-majors des partis de gauche, notamment le PS, et leur électorat est susceptible d’être comblé à force de pédagogie répétée. Xavier Bertrand jubile peut être un peu vite lorsqu’il affirme la bave aux lèvres que “Toutes les surenchères ou les critiques des socialistes sont à côté de la plaque“.
 
Le PCF à travers Olivier Dartigolles son porte-parole juge exactement le contraire “Ca demande aux dirigeants de gauche de ne pas lâcher un pouce de terrain, d’alerter sur le caractère très dangereux de cette politique qui cherche à diviser, stigmatiser“.
 
Le combat est inégal mais il est de l’honneur des républicains de le mener. Stéphane Rozès estime que “Nicolas Sarkozy sait pertinemment que les mesures les plus répressives rencontreront l’adhésion” mais le politologue esquisse la parade qui pourrait être mise en place : “Il ne suffira donc pas en 2012 à la gauche de dénoncer les mesures sarkozystes. Il lui faut proposer un pacte républicain incluant une réponse globale et cohérente sur la sécurité“.
 
Il faut aujourd’hui retrouver le courage politique d’un François Mitterrand qui, candidat à la présidence de la République, n’avait pas hésité à se prononcer contre peine de mort à l’inverse de l’opinion dominante du moment. Au moment de requérir l’abolition de la peine de mort devant l’Assemblée nationale, Robert Badinter dans son discours avait relevé que, ”La France est grande, non seulement par sa puissance, mais au-delà de sa puissance, par l’éclat des idées, des causes, de la générosité qui l’ont emporté aux moments privilégiés de son histoire“.


16 réactions


  • frugeky 9 août 2010 11:07

    C’est plus facile de lancer un débat sur la sécurité que sur la désindustrialisation et pourtant celle-ci a un rôle autremenent plus significatif sur le bien-être de la population.
    Combien d’articles ou de reportages sur la fermeture des industries comparé à ceux sur la sécurité ?


  • voxagora voxagora 9 août 2010 11:17

    Les sondages et l’opinion générale sont deux choses différentes.

    On questionne 1000 français qui répondent ce qu’ils veulent,
    et on en fait l’analyse en long en large en travers et en couleurs,
    et on généralise à « LES français ».

    De même qu’il existe des mentions obligatoires sur certaines images,
    il devrait être obligatoire d’utiliser la formule
    "les français SONDES disent ou pensent ceci ou cela ..

    Cela n’empêche pas que, aléatoirement, les sondages
    et l’opinion générale, qui sont deux choses différentes,
    arrivent à la même conclusion. Aléatoirement.
    C’est mon opinion. 






  • Fergus Fergus 9 août 2010 11:19

    Bonjour, Henri.

    Que l’offensive sécuritaire de Sarkozy, avec le soutien du Figaro et de l’Ifop de Laurence Parisot, trouve un écho favorable dans l’opinion n’a rien de surprenant tant cette offensive fait la part belle au populisme, tant elle appelle aux instincts répressifs en stigmatisant des pans de la population montrés du doigt et accusés de tous les vices.

    Qu’il faille une réponse sécuritaire aux dérives de la société française est une évidence, et la gauche devra être claire sur le volet répressif qu’elle proposera en 2012 en complément de l’indispensable travail préventif (de longue haleine) qui devra être entrepris pour attaquer les racines sociales du mal.

    Mais Sarkozy, Hortefeux ou Bertrand feraient bien de se méfier : en axant leur offensive sur l’amalgame immigration = insécurité, ils accréditent dans l’opinion l’idée que le mal, ce n’est pas la paupérisation, mais l’étranger. Ils risquent, de ce fait, de donner un poids considérable au FN, à l’image de ce qui se passe dans d’autres pays, et de s’en mordre douloureusement les doigts !


    • Fergus Fergus 9 août 2010 19:37

      Vous avez raison, Franck, de me reprendre sur ce terme. Ce n’est pas « réponse sécuritaire » que j’aurais dû écrire, mais « réponse répressive », laquelle devrait être, dans mon esprit, indissociable de la non moins nécessaire « réponse préventive ».

      Bonne journée.


  • VOXPOPULI 9 août 2010 11:19

    2012 arrive.
    la sécurité, l’immigration, l’islamisation, l’identité seront malgré le sabotage de la gauche les thèmes forts.
    les citoyens de France, quels qu’ils soient, exigent des actes.
    ils jugeront l’UMP, le pouvoir, le gouvernement sur l’action engagée, réelle, concrète et non sur du blabla.
    en bon entendeur...


    • liberta 9 août 2010 15:10

      @ vox

      alors si comme vous dites les citoyens , en 2012 jugeront l’UMP sur les actes et l’amélioration de la vie de chacun, on est tranquille, Sarkozy restera au vestiaire


  • M.Junior M.Junior 9 août 2010 11:29

    Hello l’auteur

    Je suis parfaitement d’accord, la gauche doit prendre ce signal très au sérieux.

    Un gouvernement qui est capable de

    1 - Commander un sondage pour savoir quel discours est le plus susceptible de plaire à son électorat le plus à droite

    2 - Tenir un discours ultra sécuritaire à Grenoble

    3 - Conclure en faisant publier par l’ami Dassault un sondage où la nature des questions amènent les réponses que l’on souhaite entendre à savoir oui les français souhaitent un respect de la loi quelque soit leur bord politique (Ex : Etes vous d’accord pour expulsé des personnes en situation illégale).

    est un gouvernement dangereux qui est prêt à toutes les techniques de manipulation.

    Ayons une pensée pour Bourdieu, la sociologie est un sport de combat - Les sondages ont le mérite de faire poser aux gens des questions qu’ils ne se posent pas.

    Si les seniors savaient qu’ils ont de plus en plus de probabilité de finir leur vie en prison pour cause de précarité, je suis convaincu que les votes prendraient d’autres directions.

    Tiens ! Les seniors commettent de plus en plus de délits et de crimes et ne font rien pour ne pas se faire arrêter
    Les 50-60 ans sont plus nombreux que les 18-21ans en prison


    • Claude Hubert rony 9 août 2010 11:41

      Bonjour M.Junior

      votre couplet sur les seniors est assez usé et nombre d’entre eux, quoi que vous en pensiez, n’ont pas attendu vos « leçons » pour se positionner et agir contre ce que vous stigmatisez vous même.
      Vous utilisez la méthode de généralisation qui est celle là même que vous critiquez lorsqu’il s’agit de la présentation des résultats de sondage.
      C’est un peu dommage.


    • voxagora voxagora 9 août 2010 11:46

      .

      Ne vous en faites pas, ça lui passera avec l’âge.

    • M.Junior M.Junior 10 août 2010 10:34

      Hello Rony

      Les seniors sont ceux qui ont majoritairement voté pour ce gouvernement - Une réalité

      Les études statistiques concernant la nouvelle criminalité des seniors au Japon, en Belgique et en France sont récentes - Une confirmation

      J’oppose une technique de communication en 3 temps qui utilise les sondages à une réalité statistique confirmée.

      Un couplet usé ? Une généralisation ?
       


    • alakhnor 10 août 2010 10:48

      Parfaite illustration de la mauvaise utilisation des chiffres (probablement due à une mauvaise compréhension) : si la criminalité des seniors augmente, c’est dû au vieillissement de la population.


      La probabilité qu’un senior aille en prison n’a pas augmenté, mais celle qu’un délinquant soit un senior, si.

  • paul mohad dhib 9 août 2010 11:43

    finalement on a plein de problèmes , tout le temps.
    quel est le point commun entre absolument tous les problèmes ?de la fin du petrole a la pseudo insécurité ?
    réponse :nous les humains,
    ainsi n’importe quel cerveau intelligent conclurait que le problème central c’est l’humain...vous etes d’accord la ,non ? et bien l’humain , non ,se remettre en question moi, ? ca va pas la tête non ? remarquez je comprends un peu entre mensonge et suicide la majorité choisit le mensonge...plutot que de se regarder un humain il veut plus de guerre, plus de souffrance, plus de mal, plus d’ignorance, même ce mot d’humain me fait mal au crane , je ne suis pas sur qu’il y ait aussi mauvais que cet etre dans tout l’univers...ca me semble impossible..
    mais bon, malgré la mauvaise humeur passagère des perdants du jeu que tout le monde sauf rares,tres rares exception, a joue...quoi de neuf docteur comme dirait Bugs Bunny ?
    rien,rien de neuf.......le désert , comme a Hiroshima après la bombe....petit article sur hiroshima non, c’est pourtant la que l’humain s’est definitivement condamne ,non ?


  • maow maow 9 août 2010 16:55

    Puisque le gouvernement apprécie tant les sondages, proposons-lui de les remplacer par des référendums...

    Non je blague, on pourrait le faire mais il faudrait être en démocratie.


  • Leviathan Leviathan 10 août 2010 10:03

    Article publié sur « arrêtsurimages.net », le 09/08/2010.

    « Sondage IFOP / Figaro : comment le vocabulaire a faussé les réponses »
    http://www.arretsurimages.net/vite.php?id=8842


  • J. SCIPILLITI 15 août 2010 18:54

    Sur la sécurité, l’angélisme de la gauche et l’hypocrisie de la droite (montrer ses muscles... et c’est tout) finiront par gonfler un FN qui au surplus sera rénové par la fille Le Pen et n’effrayera plus. Si c’est bien ou mal, chacun jugera. Mais il sera un peu tard pour avoir des regrets. Quant à la comparaison avec la peine de mort, elle ne me paraît pas pertinente. La gauche a pu imposer l’abolition de la peine de mort aux Français parce que c’était une mesure purement symbolique, cette peine étant rarement prononcée : sept fois entre 1969 et 1981. Les Français ne se sentaient pas davantage en danger après l’aboliton qu’avant. Mais vouloir nier l’insécurité comme le fait une certaine gauche (exceptés des gens comme Manuel Valls) et ne parler que de « dialogue », hurler au fascisme quand on veut réprimer la délinquance, ce n’est plus du symbole, c’est dire aux gens : « l’insécurité ça ne nous intéresse pas », c’est se couper des humbles qui vivent l’insécurité au quotidien, et se sentiront lâchés par la gauche comme par la droite. Pour le plus grand profit du FN.


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