mardi 24 janvier 2017 - par carnac

Vrais et faux débats sur le statut des fonctionnaires : les 9 idées reçues

Il est légitime dans cette année d’élection présidentielle de se poser la question de l’utilité de notre fonction publique.

Cet article a pour objet de faire le point sur 9 idées reçues concernant le statut des fonctionnaires :

Coûtent-ils vraiment trop cher ? Sont-ils toujours en arrêt maladie ? travaillent-ils moins de 35 heures ? Le statut est-il obsolète ? Les fonctionnaires ont un emploi à vie ? Partent-ils plus tôt en retraite ? Ont-ils de meilleures pensions de retraite ? Sont-ils mieux payés que dans le privé ? Sont-ils moins bien payés mais trop nombreux ?

FAITES LE TEST DU « VRAI » , « FAUX » et voyez où vous en êtes de vos connaissances sur ce sujet clivant.

 

  1. Les fonctionnaires coûtent trop cher ?

 

En juillet 2016, une étude  a comparé la dépense publique française avec un groupe de pays témoins (Allemagne, Royaume-Uni, Finlande, etc.). Si la dépense publique moyenne de ces pays est de 51 % du PIB et celle de la France est de 57,5 %, cette étude va plus loin en identifiant les postes de dépenses qui justifient cet écart.

Vous avez un petit logiciel qui vous donne poste par poste les différences d’investissement dans la fonction publique en France et dans d’autres pays sur le site France STRATEGIE et que voit-on ? 

EN REALITE L’essentiel de la différence entre la France et le groupe témoin se trouve dans les dépenses de vieillesse et les dépenses de logement : aides à la pierre et aides personnelles au logement.

 Les dépenses de fonctionnement, rémunérations comprises, des administrations publiques sont de 1,2 point de PIB inférieures en France que dans le groupe de pays témoins (« La France a des dépenses de fonctionnement, qui englobent à la fois les rémunérations directes et les consommations intermédiaires, plus basses que celles du groupe témoin »).

Les fonctionnaires coûtent-ils trop chers  ? Au lieu de répondre dogmatiquement à cette questions, le véritable enjeu, notamment à l’occasion de l’élection présidentielle est de se demander collectivement quelle action publique nous voulons et pour quelles finalités ?

Tailler dans les dépenses de façon systématique comme prétend le faire Monsieur FILLON ne constitue pas un programme crédible, c’est un SLOGAN !

Ne pas vouloir faire de « catalogue de mesures » comme le soutient Monsieur MACRON c’est évidemment se soustraire au débat et pouvoir retourner sa veste sans se soumettre à la comparaison des promesses et des actes qui a causé la mort politique de Monsieur Hollande .

D'autres candidats présentent des mesures concrêtes à droite comme à gauche. Le vote Fillon au second tour des primaires de la droite a ouvert un espace pour un des candidats du large spectre de la gauche, mais lequel choisir "that is the question" …..

 

2 - Les fonctionnaires ne « foutent » rien et se mettent en maladie pour un oui ou un non ?

 

POUR UN DELTA DE 2% , VRAI encore que ... 

Si l’on prend les salariés du public et du privé ayant eu UN SEUL arrêt de maladie dans l’année  (par exemple pour la grippe qui ne fait pas le tri entre fonctionnaires et salariés du privé) °nous constatons via l’enquête Conditions de travail 2013 publiée dans le Rapport annuel de la fonction publique 2016 que les salariés dont l’arrêt maladie a été le seul de l’année SONT à 68% du public contre 70% du privé.

MAIS FAUX CAR LA STATISTIQUE A UN BIAIS, cet écart de 2% entre privé et public n'est analysé

  • NI en fonction de la particularité des emplois,
  • NI en fonction du vieillissement de certains effectifs
  • NI enfonction des conditions d’exercice difficiles dans certains secteurs : travail en extérieur par exemple, les métiers à fort engagement physique, risque vital existant comme pour les pompiers, les militaires de carrière etc....).
  • De plus, certains métiers de la fonction publique sont très exposés aux foyers de maladie : personnels hospitaliers, enseignants, professionnels de la petite enfance, etc...

Bref, il faudrait affiner les statistiques pour être pertinent surtout à 2% près ….

 

3 La durée légale du travail n’est pas respectée dans les fonctions publiques ?

 

FAUX : La durée légale de travail est de 1 607 heures pour les salariés comme pour les fonctionnaires et les contractuels de la fonction publique.

Cette durée est réduite par les droits à REPOS tenant compte certaines contraintes de services :

  • 36,7 % des agents de la fonction publique travaillent, le dimanche et les jours fériés fut-ce occasionnellement , contre 25,8 % dans le secteur privé ,
  • 17,5 % travaillent la nuit, contre 14,5 % dans le secteur privé .
  • La plupart des fonctions publiques ont des « comptes épargne temps » car souvent les heures supplémentaires effectuées ne peuvent être récupérées par manque de personnel pour les roulements  : c’est le cas dans les hopitaux, chez les policiers. Agora vox a eu de nombreux témoignages en ce sens.
  • Un certain nombre d’agents, dont les cadres encadrants, sont au forfait jours exactement comme dans le privé. Dans la réalité, ils travaillent souvent bien au-delà des 35 heures, sans être rémunérés pour autant en heures supplémentaires.

Ces rythmes de travail spécifiques sont la conséquence directe des obligations de service public et ne sont PAS compensés par une rémunération complémentaire comme dans le privé mais PAR UNE RECUPERATION des heures supplémentaires effectuées et le respect DU REPOS OBLIGATOIRE journalier et hebdomadaire, comme dans le privé.

Donc ce n’est pas parce que votre voisine, infirmière à l’hôpital est à la maison, qu’elle travaille moins que vous. Elle est en récupération d’un travail de nuit ou d’heures supplémentaires.

La différence avec le privé c’est qu’on ne peut pas dissimuler les heures supplémentaires dans le public en les payant sous forme de frais de déplacement, par exemple, ou en ne les payant carrément pas, ce que mes fonctions de conseillère prud’homale m’ont permis de constater dans le privé.

 

4 Le statut de fonctionnaire est obsolète ?

 

FAUX : il y a une double nécessité à ce statut

  • Ce statut a été conçu pour répondre aux besoins d’adaptation du service public et de déploiement des fonctionnaires sur tout le territoire.

La flexibilité est de règle dans la fonction publique  : récemment, 8 000 agents des administrations déconcentrées de l’État ont été concernés par une fusion des régions. Parmi eux, en à peine un an, 2 000 ont changé de fonction et 400 de lieu de travail, soit un total de 30 % des effectifs ce qui serait absolument impossible dans le privé.

Une telle rapidité d'évolution des fonctions et lieux de travail sur un aussi grand nombre d’agents n’est possible qu’en vertu du statut.

 Vous ne pouvez en aucun cas changer de fonction un salarié du privé sans son accord et finalement n'a-t-on pas dans le public la préfiguration des protections qui devraient exister dans le privé contre une flexibilité totale ? 

  • Ce statut, et notamment la garantie de l’emploi, sert aussi à protéger les fonctionnaires contre tous types de pressions.

L’indépendance des fonctionnaires permet l’égalité de traitement des citoyens. Cela ne concerne pas que les fonctions dites régaliennes (police, justice, impôts, etc.). Toute fonction de contrôle (exemple  : respect des normes, handicap), d’instruction (exemple  : permis de construire), de délivrance d’aides, d’accueil du public, etc. exige un traitement égal et donc l’indépendance de celui qui l’exerce.

Bref les fonctionnaires sont les garants de la bonne application des lois à la population et pour cela il doivent pouvoir aller contre leur propre hiérarchie et contre les corrupteurs externes.

 

5-Les fonctionnaires ont la garantie de l’emploi à vie ?

 

VRAI pour les titulaires

FAUX pour les vacataires et ils sont très très nombreux susceptibles de perdre leur emploi du jour au lendemain avec le programme FILLON

  • Dans la fonction publique d’état vous aviez 375 652 contractuels en décembre 2014
  • Dans la fonction publique territoriale vous aviez : 364 199 contractuels en décembre 2014
  • Dans la fonction publique hospitalière vous aviez : 202 778 contractuels en décembre 2014

Personnellement sur 17 ans de fonction prud'homale j'ai vu des agents vacataires aux greffes .... pendant 17 ans ! Une situation pareille aurait permis dans le privé la requalification des emplois en CDI.

 

6- Les fonctionnaires partent plus tôt en retraite ?

 

FAUX : cette situation a été rectifiée  par le rapprochement des règles entre les fonctionnaires et les salariés du privé, l’âge moyen de départ en retraite tend à être le même  : 61,1 ans dans la fonction publique d’État, 61,8 ans dans la territoriale, 59,8 dans l’hospitalière et 62,3 ans pour les salariés relevant du régime général.

Comme dans le privé, les départs en retraites anticipées sont liés à des compensation de la pénibilité des fonctions présentant une dangerosité ou une pénibilité particulière du fait des conditions de travail :

Le départ en retraite anticipée existe pour les sapeurs-pompiers professionnels , les militaires, les douanes ou les policiers, les gardiens de prison, les égoutiers, aides-soignants, …

Sont prises en compte les fatigues particulières qui pourraient affecter gravement la sécurité des populations si on n’en tenait pas compte. Il s’agit par exemple des contrôleurs aériens, où des métiers réglementés dans le privé comme dans le public comme les pilotes d’avions.

Dans le privé le compte pénibilité, inclus dans le compte personnel, d’activité permet également des départs en retraites anticipées.

Problème, Monsieur FILLON par exemple, souhaite supprimer cette disposition. 

L’équivalent du compte de pénibilité existe donc dans la fonction publique si votre affectation est classée sous la rubrique « CATÉGORIE ACTIVE » 

Donc si vous avez un voisin fonctionnaire qui part en retraite avant l’âge ordinaire demandez-lui, quel était son activité.

 

7- Les pensions de retraite des fonctionnaires sont plus intéressantes

 

FAUX en fait le taux de remplacement est équivalent que l’on soit dans le public ou le privé.

En effet, le taux de remplacement – rapport entre le montant de la première pension et le montant du dernier mois de la rémunération salariale – est de 72,1 % pour les fonctionnaires et 73,8 % pour les salariés du privé (personnes nées en 1946 ayant une carrière complète).

Pourquoi ce résultat alors même que les modalités de calcul semblent plus intéressantes   ? POUR DEUX RAISONS :

  • D’une part, parce que le calcul de la pension des fonctionnaires ne prend pas en compte les primes (plus de 22 % du traitement brut en moyenne) À noter  : les agents publics ne perçoivent aucune prime de départ à la retraite.
  • d’autre part, parce que les fonctionnaires n’ont pas de régime complémentaire à la différence des salariés du privé (Arrco-Agirc).

Les contractuels de la fonction publique relèvent du régime général (CARSAT) comme les salariés du privé et bénéficient d’une retraite complémentaire (Ircantec).

 

8- les agents publics sont mieux payés que salariés du privé

 

FAUX En moyenne, entre la fonction publique et le secteur privé, il n’y a pas de différence.

  • L’évolution salariale du point de la fonction publique est restée bloquée de 2010 à 2016
  • Les complémentaires de santé ne sont pas prise en charge par les employeurs du public alors que c’est devenu obligatoire dans le privé.
  • En fait, il y a de grands écarts salariaux entre les trois fonctions publiques ce qui rend toute comparaison avec le privé difficile, notamment parce que dans la fonction publique d’État, les fonctionnaires relèvent de la catégorie A CADRES pour plus de 55 %, : il faudrait pouvoir comparer avec les entreprises du privé recrutant 55% de cadres…. Ce n’est pas aisé.
  • Inversement, dans la fonction publique territoriale les 3/4 des agents appartiennent à la catégorie C ouvriers.

Enfin le décile le MIEUX PAYES a un salaire 2.35 fois plus important dans la fonction publique que le décile le moins bien payé alors que pour le privé on frôle le coefficient 3 en moyenne et que les écarts peuvent être stratosphériques dans certaines entreprises au point de déclencher des scandales.

 

9 Les fonctionnaires sont moins bien payés MAIS ils sont TROP nombreux

 

FAUX : Cette idée est démentie par les données chiffrées publiées par plusieurs organismes (OCDE, Insee).

La France a 80 fonctionnaires pour 1000 habitants. Pour porter un jugement sur ce chiffre il faut rappeler que la France a une démographie territoriale particulière en Europe  : le pays est grand, la densité de population est peu élevée mais par contre n’y a pas de désert de population.

En conséquence, par souci d’un accès égal aux services publics sur tout le territoire on déploie ces services pour un nombre réduit de personnes : regarder le détail région par région est intéressant c’est ce travail qui a été fait par « l’internaute » . Par exemple en Rhône Alpes on est à 76.6 mais en Auvergne à 88.2.

C’est un choix politique qui justifie cette situation, mais le principe est actuellement, en France, que tout le monde accède facilement aux services publics et il faut reconnaître que chaque fois que l’on essaye de déplacer un service, il y a un lever de boucliers. Je me souviens notamment du lever de bouclier occasionné par le transfert du TGI de Bourgoin-Jallieu à Vienne ... par exemple. In fine le TGI est resté à Bourgoin-Jallieu.

Malgré ce problème territorial évident, la France ne s’en sort guère plus mal que les USA qui ont 70 fonctionnaires aux États-Unis pour 1000 habitants avec de grandes étendues désertiques et de grandes villes où la gestion administrative peut être centralisée.

De petits pays scandinaves sont aussi mieux dotés : il y a 145,4 fonctionnaires au Danemark pour 1000 habitants, 129,4 fonctionnaires en Finlande pour 1000 habitants.

En France, les fonctionnaires représentent environ 8 % de la population totale et 20 % de la population active parmi eux il y a beaucoup de contractuels en CDD.

Par ailleurs, au-delà des chiffres globaux, il faut aussi regarder la répartition des fonctionnaires entre les différentes fonctions publiques : Dans la fonction publique d’État, le nombre de fonctionnaires a diminué. Par effet de vases communicants, cette diminution a provoqué une augmentation dans les collectivités territoriales puisque les services assurés par l’Etat ont été transférés aux collectivités territoriales.

Le problème serait donc plus les modalités de décentralisation que le nombre de fonctionnaires.

A l’occasion de la présidentielle, il serait plus efficace de déterminer les SERVICES PUBLICS que nous voulons préserver, plutôt qu’essayer comme Monsieur FILLON d’élargir la base de son électorat sur la base d’un slogan, ou de rester dans une prudente réserve quant à l'évolution du nombre de fonctionnaires par type de fonction publique comme le fait Monsieur MACRON.

Je préfère personnellement un Monsieur DUPONT-AIGNAN pourtant très à droite et un Monsieur MELENCHON pourtant très à gauche qui ont tous deux un projet clair du rôle de la fonction publique et des services à renforcer. La flexibilité du service public que l'on a vu à l'oeuvre lors de la fusion des régions permettrait sans doute de doter les services prioritaires, moyennant renforcement de la formation continue. 




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