Piratage de HBO : les hackers recherchent avant tout la gloire et le profit
En début de semaine, le site HBO a connu un piratage massif, jamais vu depuis celui de Sony en 2014. La série à succès Game of Thrones en a d’ailleurs fait les frais. Mais l’idéal de partage de la culture, souvent vanté par les sites et utilisateurs de torrents, est-il vraiment au cœur de leurs considérations ?
Le script du prochain Game of Thrones fuite en intégralité
La panique chez HBO et le staff de Game of Thrones est à son comble. Le 31 juillet, la chaîne a en effet été victime d’un piratage sans précédents, avec près de 1,5 téraoctets de données « dérobées » parmi lesquelles des informations exclusives sur les séries Game of Thrones, Ballers, Room 104, Insecure et Barry. Dans la foulée, les hackers ont revendiqué l’attaque auprès de journalistes, évoquant « la plus grosse fuite de l’ère de l’espace numérique ».
Dans le paysage audiovisuel, les ayant-droits sont constamment confrontés au piratage après diffusion, mais rarement avant. Cela arrive pourtant de temps en temps.
Plus tôt dans l’année, Netflix s’était fait ainsi piraté de la même manière, avec le « vol » des cinq premiers épisodes de la nouvelle saison d’Orange is the new black. Mais alors que HBO déclare déployer des efforts « herculéens » pour remonter jusqu’aux pirates, il convient d’analyser l’intérêt des hackers dans cette affaire.
Gloire et cupidité : les deux principaux moteurs des hackers
Les hackers ont rapidement revendiqué l’attaque, qu’ils ont fait connaître par mail dans les rédactions de journaux. « Nous accorderons une interview à celui qui couvrira bien [notre piratage]. »
C’est assez classique : il n’y a rien de plus important pour un hacker que le fait de surmonter un défi technique ou sécuritaire, et de surfer sur la gloire qui en découle. Attaquer une chaîne de télévision à succès c’est emprunter la voie rapide pour la reconnaissance des autres pirates informatiques. Cela permet d’asseoir sa crédibilité dans un univers où la réputation est l’étalon-or des transactions.
Ensuite viennent les questions monétaires, car les hackers agissent rarement gratuitement. Si les spoilers iront bon train, il y a fort à parier que certaines données dérobées seront mises à la disposition sur des sites tiers qui monétisent la consommation illicite des internautes, souvent à leur insu.
Les sites de téléchargement : pour eux, l’internaute est le produit
L’une des plus grandes arnaques des sites de streaming et autres sites de téléchargement de torrents consiste à faire croire que les produits téléchargés sont gratuits.
Or les sites qui proposent des contenus illégaux se nourrissent, souvent à leur insu, des failles de sécurité des internautes qui les fréquentent. Une étude récente de l’IFOP pour la commission Hadopi (qui n’est pas qu’un chien de garde du Net) a ainsi démontré que les risques se divisaient en deux parties : nuisances et préjudices.
Côté nuisance, c’est la publicité intempestive, les demandes de téléchargement de logiciels, les messages alarmants, les spams…
Côté préjudice, les choses s’aggravent puisqu’on touche au vol de coordonnées bancaires, à l’usurpation d’identité, de moyens de paiement, à l’abonnement forcé à un service ou au piratage de ses données personnelles.
Si 83% des internautes fréquentant les sites de téléchargement ont déclaré avoir subi des nuisances au cours de l’an passé, les chiffres des préjudices demeurent inquiétants (41% des sondés). Pire encore, 14% disent avoir été confrontés à un ransomware, ce logiciel qui vous propose de récupérer les données de votre ordinateur contre une pièce sonnante et trébuchante !
L’exposition à ces dangers s’explique principalement par le fait que les internautes manquent encore de recul dans leur usage du Web. Certaines populations sont d’ailleurs plus à risque que d’autres : principalement les jeunes adolescents, premiers consommateurs de produits illégaux selon Hadopi (50%), qui n’ont pas encore la maturité nécessaire pour protéger leurs données personnelles du foyer… ou de la carte bancaire de leurs parents !
D’autres risques existent également, comme l’exposition précoce des enfants à la pornographie, un danger bien réel dont l’association Ennonence a fait son cheval de bataille. En effet, à ce jour, près de 54% des enfants exposés à du contenu pornographique l’ont été par le biais de sites de streaming ou de téléchargement illégal. 14% des 9-16 reconnaissent avoir surfé sur sans le vouloir sur un site pour adultes par la suite.
Pour les sites pirates, un modèle économique qui n’est pas prêt de changer
A ce jour, les sites de téléchargement ne sont pas prêts de renforcer leur sécurité.
La raison tient principalement à leur nature illégale et à leur besoin de rentabiliser leurs sites. Pour cela, ces derniers acceptent des publicités qui ne seraient acceptées nulle part ailleurs, notamment ces fameuses publicités à caractère pornographique qui peuvent s’avérer traumatisantes pour un public jeune et non averti.
Mais revenons-en à Game of Thrones, le piratage du script de la saison 4 et d’autres séries de HBO est un formidable coup médiatique pour les sites de streaming, qui vont surfer sur la curiosité des internautes pour piéger ces derniers. Sur Twitter et les réseaux sociaux apparaissent déjà une foule d’arnaques promettant le téléchargement de l’épisode 4 via des sites ou des téléchargements douteux.
L’internaute averti ne devrait pas se laisser avoir, car les pirates n’ont dévoilé « que » le script de l’épisode, pas l’épisode en lui-même ! Inutile donc d’aller chercher la suite des aventures de Jon Snow et de Daenerys Targaryen sur le Web… vous ne les y trouverez pas !