lundi 30 juillet 2007 - par Forest Ent

2007 année grise, deuxième épisode

L’année 2007 s’avère pour l’instant ambiguë. Les menaces s’alourdissent aux USA, mais la contagion n’a pas eu lieu.

Début mars, j’avais commenté dans un article l’actualité macroéconomique, en constatant le fort ralentissement US, la suite de la crise immobilière locale, et en prévoyant une contagion sur la croissance mondiale. J’avais insisté dans cet article d’avril sur la situation déséquilibrée de l’économie US, avec un solde commercial catastrophique et un fort endettement des ménages, prévoyant une chute du dollar.

Depuis, la crise immobilière s’aggrave, la croissance US ne redécolle pas et le dollar s’écroule. Pourtant, la contagion à la croissance mondiale n’a pas eu lieu. Que s’est-il passé ?

Depuis avril, le déficit commercial US s’est aggravé en passant à - 60 milliards US$ en mai. La dégradation n’a cessé qu’en juillet avec la forte baisse du dollar. Celui-ci est à son plus bas niveau historique face à l’euro : 1/1,38 et sans doute 1,40 bientôt.

La crise immobilière se précise. Deux fonds Bear Sterns spécialisés dans les prêts immobiliers ont fait faillite, d’autres ont envoyé des alarmes. Mr Bernanke vient d’évaluer le risque immobilier vers 100 milliards US$. Le constructeur KB Home a annoncé les premières pertes de son histoire. La bulle se dégonfle toujours lentement, mais l’éclatement n’est pas encore exclu.

La croissance n’a pas vraiment redécollé au deuxième trimestre. Elle est censée être de 3,4% (annuel), mais elle est systématiquement surévaluée par le Département du commerce. Celle du premier trimestre est ainsi passé de 1,6 % sur le moment à 0,6 % aujourd’hui. On peut même imaginer qu’elle se trouve aujourd’hui autour de 1 %. L’économie donne des signaux contradictoires, et en tout cas pas de signe d’accélération.

Nous approchons sans doute du tournant, le moment où va se jouer le crash ou bien le soft landing. Il est frappant de voir dans la presse économique à quel point les pronostiqueurs sont partagés.

La croissance mondiale est aujourd’hui forte. Le FMI n’arrête pas de la réévaluer à la hausse. Cela signifie-t-il que l’économie US ne joue plus son rôle de moteur de la consommation mondiale ? En fait, la consommation est restée forte jusqu’à avril, mais avec une baisse significative du taux d’épargne : les ménages ont pioché dans la caisse. La consommation n’a commencé à ralentir significativement qu’avec un long retard sur la crise immobilière et la remontée des taux.

Un risque de 100 milliards US$ n’est pas colossal. Ce n’est que le coût d’un an de guerre en Irak. La finance mondiale, et même l’économie US seule, peut facilement absorber cela. Le danger potentiel qui pourrait enclencher un mécanisme de contagion ne se trouve pas là.

La croissance mondiale est en grande partie alimentée par des liquidités abondantes, qui proviennent pour la plupart de la création monétaire US. La création par les établissements financiers est assise en bonne partie sur des ratios de solvabilité qui dépendent de l’évaluation des actifs. Or in fine ces actifs sont aujourd’hui en grande partie de la pierre, par exemple pour 10 000 milliards $ pour les ménages US. Le risque est qu’une baisse significative de la valeur de la pierre étrangle le crédit.

Ceci est assez visible sur le marché des actions. Malgré l’avertissement de mars, les actions ont continué à monter assez vite jusqu’à leur record historique, où elles ont stagné trois mois avant de rechuter ces deux derniers jours. Le marché des actions, plus que par des perspectives de croissance ou de revalorisation (alors qu’elles ont dépassé leur niveau de la bulle de 2001), a été soutenu par la fin d’une grande vague de fusions-acquisitions, dont la plupart a été faite en LBO par des hedge funds profitant de prêts bancaires relativement aisés. Aujourd’hui, certains des prêts associés sont invendables, beaucoup d’établissements financiers dégraissant leurs portefeuilles d’investissements risqués.

Sur le fil du rasoir, qu’est-ce qui fera pencher d’un côté ou de l’autre ?

Il est probable que ce sera la réaction des ménages US. Tout le monde s’accorde maintenant à dire que la croissance US ne sera forte ni en 2007 ni en 2008. Mais s’il n’y a pas de perte de confiance massive la récession US peut encore être évitée, et derrière sans doute une crise du crédit à plus vaste échelle.

Les deux points de vue s’expriment à égalité dans la presse, donc à chacun son pronostic. Néanmoins, s’il vous arrive d’investir pour le long terme, ce n’est sans doute le moment d’acheter ni de la pierre ni des actions, les deux étant visiblement en haut de cycle.



17 réactions


    • Forest Ent Forest Ent 30 juillet 2007 14:43

      Euh ... je n’en sais rien.

      Cette stabilisation du déficit commercial est récente et il y a une part d’interprétation.

      Les exportations US ont augmenté en 2007, ce qui accréditerait l’idée que la baisse du dollar est cause de la stabilisation du déficit commercial.

      Mais on pourrait tout aussi bien l’expliquer par une baisse des importations (ou tout au moins de leur rythme d’augmentation) liée à une baisse de la consommation.

      Cela nous ramène au point central : où en est la consommation ? Dans deux ou trois mois, on y verra clair et il n’y aura plus de question posée.

      Cassandre a toujours raison. La crise du crédit est inéluctable. Mais la prédire trop tôt ou trop tard n’a aucune valeur.

      Je suis bien désolé. smiley


    • Forest Ent Forest Ent 30 juillet 2007 15:30

      PS. L’article sur Taiwan m’a rappellé que je n’ai pas parlé du prix du pétrole, qui est bien sûr un des points négatifs qui vont peser sur la consommation. Ca peut être considéré comme le principal échec de la politique ETRANGERE des Etats-Unis.


    • Internaute Internaute 31 juillet 2007 11:51

      Pour le commerce international la dévaluation a un effet dopant sur les exportations mais à court terme. Les spécialistes parlent de courbe en J. Dans un premier temps, la dévaluation de la monnaie permet de vendre moins cher à l’extérieur des biens construits avec les stocks existants. Il y a donc un avantage compétitif immédiat. Cependant, dès que les stocks (importés) doivent être renouvellés, leur prix de reviens augmente et l’avantage compétitif disparaît.

      Pour les affaires intérieures, la dévaluation permet tout simplement à l’Etat de ne plus honorer ses contrats tout en restant dans la légalité. Je vous achète la construction d’un barrage à 10 milliards de dollars. Un fois signé je dévalue le dollar de 50%. Moralité j’ai obtenu le barrage pour 5 milliards seulement. C’est la technique utilisée par tous les pays sous-développés où les commandes de l’Etat dans l’économie sont prépondérantes.

      Dans tous les cas, la dévaluation d’une monnaie est le signe d’une fallite de l’Etat. La preuve en est que l’Allemagne qui a toujours su gérer un Marck fort et qui souhaite conserver un Euro fort a une économie saine depuis des années et se place en premier exportateur mondial.

      Les politiques qui réclament un Euro faible pour faciliter le commerce sont des imbéciles qui hypothèquent l’avenir en l’échangeant contre leur petite gloire passgère aux prochaines élections.


    • Forest Ent Forest Ent 31 juillet 2007 13:19

      Le cas des US est un peu particulier, puisqu’ils sont arrivés, tout au moins jusqu’ici, à faire financer par le reste du monde une dette croissant éternellement, les pays exportateurs n’ayant d’autre choix que d’acheter des TB pour financer la consommation US.

      L’info sur le déficit commercial de juin me semble à prendre avec des pincettes. D’abord, c’est un peu frais et peut être conjoncturel. Ensuite, ça me navre de le dire, mais les chiffres macro fournis par le gouvernement US sont systématiquement très surévalués sur le moment. On va dire que c’est de bonne guerre pour maintenir la confiance...


    • leneant 1er août 2007 11:16

      La baisse du change de l’Euro n’est pas forcément une « imbécilité » comme expliqué dans le commentaire précédent. Le raisonnement évoqué ne tient pas compte de la variation de la demande extérieure liée à la variation des prix à l’exportation.

      Pour avoir une idée des effets possible des effets d’une telle variation de la valeur de change de l’Euro, je vous propose d’aller regarder les simulations effectuées par une modélisation au travers de la marge sur coûts variables et de la marge totale (marge sur coûts variable - coûts fixe) et de l’élasticité de la demande par rapport au prix présentés dans ce billet : http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=27146 (en allant sur les articles référencés vous pouvez obtenir au format pdf le détail des modèles de simulation).

      En regardant les deux premiers graphiques « marge totale » il est évident qu’avec des élasticités négatives, la variation de la valeur du change à la baisse favorise les ventes et la marge bénéficiaire totale. Et ceux même si les coûts de production importés augmentent. La marge totale est rattrapée sur les quantités commercialisées à l’exportation.

      Donc d’un point de vue purement industriel si la demande des produits exportés est sensible à la variation des prix alors une variation à la baisse de la valeur de change de l’Euro est plutôt intéressante.

      Par contre la difficulté va venir non pas des exportations et des importations industrielles, mais de la dette de l’état. D’un seul coup la dette de l’état va augmenter. Alors comment celui-ci va t’il faire pour la rembourser ? Augmenter les prélèvements ? Recourir à des emprunts supplémentaires et rentrer dans une spirale d’endettement ? ...

      Est-ce que l’imposition des résultats des entreprises suffirait à maintenir l’équilibre de la dette ?

      Un autre problème fondamental existe. Il a été légèrement abordé par forest ent. C’est le pétrole. Il faut être conscient que la demande de pétrole ne cesse d’augmenter, que des pays comme la chine et l’inde en consomme de plus en plus. A l’opposé, les capacités de production n’augmentent pas, pas plus que les réserves certaines. Typiquement c’est un risque global d’inflation pour toutes nos économies qui sont grandement dépendante de cette ressource. Avoir une monnaie faible qui n’est pas celle d’échange de cette ressource, est encore plus défavorable car cela revient à appliquer un coefficient multiplicateur à toute variation du prix de la ressource. Par exemple si la valeur de change de la devise correspond à 1,5 fois la devise pour faire 1$ toute variation du prix du baril de pétrole sera à multiplier par 1,5. A l’opposé s’il faut 0,72 fois la devise pour faire 1$ alors toute variation du prix du baril de pétrole sera à multiplier par 0,72 (ce qui correspond à peu prés à 1,4 $ l’euro).

      Donc monnaie forte ou monnaie faible ? A chacun son idée sur la question. Mais la réponse n’est pas si évidente que ça à formuler.


  • dom y loulou dom 31 juillet 2007 01:21

    pourriez-vous nous expliquer, puisque vous êtes un spécialiste et moi pas, d’où provient le chiffre de 50 trillions de dollars autant en contradiction avec vos chiffres ? Une dette impossible à rembourser donc et dont toutes les nations occidentales tentent de sauver la mise, finançant de fait cette guerre sans fin.

    Expliquez-nous s’il-vous-plait.

    Le volume du stock-exchange... est-il vraiment un sol solide pour une nation ? Expliquez-nous, si vous le voulez bien aussi, ce qu’est un stock-exchange.

    Autre question.

    savez-vous qu’en Suisse les placements en dollar sont exemptés d’impôts ? Personne n’en parle, c’est une décision hautement politique qui n’a soulevé qu’un seul commentaire, du conseiller fédéral Blocher : - Le département de l’économie est devenu inutile.

    bon, personne n’en parle, aucun média, mais le banquier, lui, a l’obligation de vous servir ce papier qui vous propose le placement exonéré d’impôts. Est-ce ainsi dans toute l’Europe ?


    • Forest Ent Forest Ent 31 juillet 2007 03:05

      « d’où provient le chiffre de 50 trillions de dollars autant en contradiction avec vos chiffres ? »

      Euh, je ne suis pas sûr de ce que vous appelez un « trillion ».

      Si c’est 50000 milliards $, c’est de l’ordre de la dette US globale, et ce n’est pas en contradiction avec mes chiffres. La dette US est d’environ 8000 milliards pour l’Etat, 12,000 pour les ménages, et sans doute entre 20000 et 40000 pour les entreprises et établissements financiers.

      Si vous voulez parler de 50 millions de milliards, c’est beaucoup plus que l’ensemble de la dette mondiale, et je ne vois pas d’où sort ce chiffre.

      « Expliquez-nous, si vous le voulez bien aussi, ce qu’est un stock-exchange. »

      Au départ, un « stock exchange », c’est à dire une « bourse » en français, était surtout un moyen de financer les entreprises. Le système s’est beaucoup compliqué au fil du temps, et l’on y achète et vend maintenant des choses très abstraites qui n’ont plus rien à voir avec une entreprise. A tel point qu’il s’y échange chaque jour en gros la valeur de l’ensemble de ces entreprises. Les produits qu’on y vend sont par exemple des options d’achat à échéance donnée d’actions d’un fonds constitué de créances. Pour le dire en français plus cru, c’est un gigantesque casino.

      « savez-vous qu’en Suisse les placements en dollar sont exemptés d’impôts ? »

      Non, et cela me surprend. Quels placements et quels impôts ?


    • Internaute Internaute 31 juillet 2007 11:57

      Les placements des étrangers en Suisse dans une monnaie étrangère, pas seulement le dollar, sont exonérés d’impôts. C’est le cas par exemple de tous les placements eu Euros au Luxembourg qui transitent par une banque suisse.

      Il faut savoir aussi que les USA récupèrent l’impôt (30%) sur les revenus des placement en dollar à l’étranger des « US citizens » et que ceux-ci doivent remplir une déclaration auprés de la banque étrangère. C’est le jeu du chat et de la souris.


    • Forest Ent Forest Ent 31 juillet 2007 13:12

      Il s’agit donc des impôts sur les plus-values. Les revenus du patrimoine sont ceux sur lesquels l’évasion fiscale est la plus aisée, et l’UE dispose déjà d’un certain nombre de paradis fiscaux notoires à usage interne pour cela : Luxembourg, Guernsey, ... Je suppose qu’on n’aura jamais la vérité sur la « vraie » affaire Clearstream...


    • Angelus 31 juillet 2007 13:21

      Personnellement, je n’emploierais pas le mot ’Casino’. Ces plutot une sorte de supermarché où les prix varient d’une seconde à l’autre en fonction de la loi financière universelle de l’offre et de la demande.

      Le hasard n’a pas grand chose à voir avec une place financière.


    • Forest Ent Forest Ent 31 juillet 2007 13:28

      « Les prix varient d’une seconde à l’autre en fonction de la loi financière universelle de l’offre et de la demande. »

      Ce qui est le cas de toute officine de bookmaker.

      « Le hasard n’a pas grand chose à voir avec une place financière. »

      Je vais sans doute pinailler, mais il me semble qu’une très grande part est de la gestion du risque, c’est à dire d’evénements qui ont peut-être une rationalité sous-jacente, mais que l’on modélise en tout cas comme aléatoire. Le métier d’assureur est une gestion du hasard. Vendre un put est un comportement d’assureur.

      Effectivement, le terme « casino » n’est pas adapté. Disons un PMU géant ?


    • Forest Ent Forest Ent 31 juillet 2007 14:11

      Par anecdote, le truc qui m’a semblé le plus exotique cette année a été l’introduction de Blackstone avec une valorisation à 40 milliards. Pour une boîte de 700 personnes avec peu de fonds propres, c’est ... surprenant.


  • Arctarus 2 août 2007 16:46

    Dernière phrase de votre message : « Néanmoins, s’il vous arrive d’investir pour le long terme, ce n’est sans doute le moment d’acheter ni de la pierre ni des actions, les deux étant visiblement en haut de cycle. »

    Si on n’investit ni dans les valeurs mobilières ni dans l’immobilier, il reste quoi ?


    • Forest Ent Forest Ent 2 août 2007 22:02

      Pas les valeurs mobilières, juste les actions. Leur prix n’est pas rédhibitoire, mais elles ne vont plus s’apprécier beaucoup. C’est vrai que c’est un peu bizarre d’avoir un haut de cycle sur les deux à la fois, et quelque part ce n’est pas bon signe.


    • dom y loulou dom 3 septembre 2007 11:04

      merci forest ent pour toutes ces précisions. smiley


  • Astidiel 10 août 2007 10:38

    Bonjour, étant novice en marché financier, je me permet de poser quelques questions :

    Au vue de la situation d’aujourd’hui, peut on parler à présent de contagion aux marchés européens et asiatiques ?

    (voir http://www.lefigaro.fr/marches/20070810.FIG000000059_la_crise_des_marches_f orce_la_bce_a_intervenir.html )

    De plus pouvez vous expliquer l’origine et les conséquences de la crise immobilière aux Etats-Unis.

    Quelle sens donner au mot « subprime » ? (les articles sur le sujet ne l’explique guère)

    Merci à ceux qui pourront répondre à ces quelques questions !


    • Forest Ent Forest Ent 10 août 2007 15:50

      Je dois préciser n’être pas moi-même économiste de métier, mais je suis ce sujet depuis un an par hobby. Il ne s’est rien passé d’imprévisible.

      Dans mon premier article de mars, je n’avais pas attribué une forte probabilité au risque systémique. Cette probabilité s’est fortement accrue. Il me semble qu’il y a maintenant plus de 50% de chances pour un vaste « credit crunch » à l’échelle mondiale.

      Oui, il y a une forte probabilité de contagion planétaire et de récession mondiale.

      Le terme ’subprime’ désigne des prêts immobiliers risqués, dont les débiteurs présentent de faibles garanties.

      L’origine de cette crise est en 2002. Après l’effondrement de la bulle internet, la FED a baissé ses taux à presque 0, ce qui a évité une récession prolongée, mais a créé une grande quantité d’argent gratuit. En gros, elle a substitué à la bulle internet une bulle immobilière.

      Depuis, il y a trop d’argent sur les marchés. Les banques n’ont pas été prudentes et ont financé des prêts immoibiliers douteux et des LBO risqués de hedge funds.

      Aujourd’hui, c’est l’heure de vérité, qui arrive pour toute bulle.


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