Commentaire de Argoul
sur Peur et lâchetés françaises 1939


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Argoul Argoul 29 juillet 2006 12:24

Pour Cambronne 28 juillet - Les litanies des « croyants » qui se répondent à coup de battes lestées et pas avec des arguments fait de l’ombre à votre commentaire et c’est dommage. C’est l’un des symptômes de « ramollissement » de ce qui faisait l’esprit français dans les siècles où la France avait quelque chose à dire au monde. Aujourd’hui, où est le « débat » ? Entre universitaires enfermés dans leurs tours d’ivoire à statut ? Entre rares intellectuels sur certaines radios à des heures impossibles aux salariés ordinaires ? Même les journaux dit « sérieux » ont beaucoup de mal avec l’irrationnel, les théories du complot, l’anti-américanisme « de rigueur » et l’économie version 19ème repensée écolo... Je rends compte d’un livre qui vient de paraître en édition de poche. Voilà « pourquoi aujourd’hui » je parle de Némirovsky (dont je n’avais pas aimé « David Golder »). J’ai failli écrire une note sur « L’étrange défaite » de Marc Bloch, que vous citez, au moment de notre défaite-mais-de-n’est-pas-de-notre faute et du Zidane a fauté-mais c’est l’Italien-qui-a-commencé. J’ai trouvé que cela serait peut-être trop provocateur. Mais, puisque vous le citez, c’est bien Marc Bloch qui parle en 1939 de « gouvernement de vieillards » (quel âge, déjà MM. Chirac, Jospin ou Fabius ?) et qui écrit « La cité étant au service des personnes, le pouvoir doit reposer sur leur confiance et s’efforcer de la maintenir par un contact permanent avec l’opinion. (...Qui) ne doit être ni violentée ni dupée, et c’est en faisant appel à la raison que le chef doit déterminer en elle la conviction. » La cause directe de la défaite de 40 ? « L’incapacité de commandement » p.55 des chefs « alourdis par des années de bureau et de pédagogie » p.60 « Nos chefs n’ont pas su PENSER cette guerre... le triomphe des Allemands fut, essentiellement, une victoire intellectuelle » p.66 « Les Allemands ont fait une guerre d’aujourd’hui, sous le signe de la vitesse... nous n’avons pas su ou voulu en comprendre le rythme... (préférant) renouveler les combats familiers à notre histoire coloniale » p.67 « Nos soldats ont été vaincus... avant tout parce que nous pensions en retard. » p.78 « Nous avions donné notre foi à l’immobilité et au déjà fait » p.79 « L’ordre statique du bureau est, à bien des égards, l’antithèse de l’ordre actif et perpétuellement inventif qu’exige le mouvement » p.90 « La manie paperassière » p.126 « la peur de mécontenter un puissant d’aujourd’hui ou de demain » p.127 Les « schémas verbaux » p.147 et « parti-pris » p.148 « Notre commandement était un commandement de vieillards »p.155 « Jusqu’au bout notre guerre aura été une guerre de vieilles gens ou de forts en thèmes, engoncés dans les erreurs d’une histoire comprise à rebours... » p.158 Je m’arrête là : vous aurez vu sans peine les analogies entre la France « fatiguée » de 39 et la France « vieillissante », hédoniste et passablement « moisie » (Ph. Sollers) d’aujourd’hui. La bureaucratie, la révérence envers l’Etat et les vieillards, la croyance aux « bonnes vieilles » recettes des années 60, au « yaka » volontariste en économie, l’ignorance crasse des autres pays (du Japon à l’Amérique en passant par l’Inde, la Chine, le Brésil...), l’arrogance scolaire des élites « arrivées », la ligne Maginot universitaire de la bien-pensance, arrêtée fin 19ème en économie et à Victor Hugo en politique, l’histrionisme diplomatique de qui croit encore commander les hussards de Napoléon... Oui, Irène Nemirovsky décrit des portraits sociaux éternels, comme Balzac, mais surtout (et c’est ce que j’ai voulu dire) sa description vue de l’extérieur (elle n’était pas « française ») donne du pays en période de stress une image qui pourrait fort bien se reproduire demain ! Car les acteurs sont bien les mêmes, les méthodes n’ont guère évolué, les gens restent égoïstes et rassis, prêt à tout croire en cas de panique. Il suffit de lire les commentaires lamentables de certains sur ce blog, comme si être français constituait une « race » pourvue de « qualités » essentielles (dont N. Sarkozy serait « naturellement » exclu - tout comme D. Strauss-Kahn L. Fabius et J. Lang je suppose, pour constater que la « fraternité nationale » et les « valeurs de la France » (que Jean Guéhénno dans « Journal des années noires » dit très bien) ne sont que des mots pour les tribunes. Dans la réalité, hein, c’est du vent ! Il y a eu bien peu de Jean Moulin...


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