Commentaire de masuyer
sur Devoir de mémoire : la Shoah des Tsiganes


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masuyer masuyer 19 février 2008 21:01

Merci beaucoup pour votre article Eva,

j’en avais un sur le même sujet en chantier, mais le votre est excellent, donc me permettra de me défiler

J’ajouterais à votre bibliographie deux livres de Claire Auzias :

un concernant directement votre sujet :

Samudaripen : Le génocide des Tsiganes [1]

L’autre dressant un tableau de la situation des Roms aujourd’hui (statut, historique des relations entre Roms et gouvernements et populations locales) en Europe de l’Est mais aussi de l’Ouest.

Les Tsiganes ou le destin sauvage des Roms de l’Est [2]

Pour ce qui est des camps d’internement, il me semble que celui de Saliers n’était pas le seul (il en existait une quarantaine en France). Près de chez moi, il y en a eu un à la Saline Royale d’Arc-et-Senans [3] [4], où s’est d’ailleurs tenu il y a quelques années un colloque sur ce thème.[5]

Rappelons ici que ces camps perdurèrent pour certains jusqu’après la guerre (1946 ou 47) et que le carnet anthropométrique que vous évoquez fut en vigueur jusqu’en 1969.

L’amnésie dramatique sur le samudaripen tient à de nombreux facteurs.

Celui qui est le plus souvent évoqué est celui "des Roms peuple de l’oubli". Cet argument n’est pas tout à fait exact. Il existe une mémoire, mais c’est celle d’un peuple de tradition orale. Il est vrai aussi qu’il existe une sorte de tabou, qui veut qu’on ne parle pas des morts.

Un autre facteur tient à l’organisation sociétale de ce peuple qui n’a pas de "leaders" à même de parler pour l’ensemble des Roms. A noter toutefois que des organisations ont malgré tout vu le jour portée par des Roms instruits.

Quand la question des réparations s’est posée (très récemment, et de mémoire il me semble que seule l’Allemagne en a versé), certains Roms se sont méfiés, car il fallait se faire conaitre et leur histoire leur a appris, à juste titre, à se méfier de toute forme de fichage.

La question de la reconnaissance du génocide des Tsiganes a également fait débat au sein de la communauté juive. Un exemple éclairant est celui qui a vu l’affrontement d’Elie Wiesel (Directeur dans les années 80 de l’Holocaust memorial Council) et de Simon Wiesenthal qui souhaitait voir des représentants de la communauté rom au sein de cet organisme chargé de perpétuer la mémoire de la shoah. Elie Wiesel refusa en disant "qu’il ne fallait pas dévaluer l’holocauste", ce à quoi Wiesenthal répondit judicieusement "qu’il ne fallait pas dévaluer le nazisme".

Dernier point que je voudrais aborder, celui de la raison de l’acharnement des nazis sur les Tsiganes. Le peuple rom est un peuple indo-européen, mais les nazis leur reprochait de ne pas avoir de culture propre. Ils ont été victimes de leur exceptionnelle capacité d’intégration, intégration qui ne leur empêche pas pour autant d’avoir garder leur caractère propre. Il n’est pour s’en convaincre que d’écouter les musiciens (pas ceux folklorisés par les ex-dictatures de l’Est), qui tout en étant les gardiens des traditions musicales des pays où ils se sont installés, y ont intégrés un style reconnaissable entre tous.

Désolé pour ce long post Eva, mais c’est une question qui me passionne.

Cordialement et merci encore

 


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