Commentaire de Sylvain Reboul
sur Plaidoyer pour l'enseignement non tardif de la philosophie critique


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Sylvain Reboul Sylvain Reboul 15 mai 2008 16:15

 

J’approuve tout à fait l’exigence, exprimée par l’auteur de l’article, d’apprendre à philosopher, d’une manière rationnelle et donc critique, le plus tôt possible (à partir de la 6ème comme certaines expériences en ont démontré la fécondité), mais je ne suis pas d’accord avec votre remarque sur l’antériorité chronologique de l’apprentissage de la langue. C’est en apprenant à bien penser (conceptuellement et rigoureusement ) que l’on apprend à bien parler. J’en ai fait moi-même l’expérience avec mes élèves, mais malheureusement trop tardive l’année du Bac. Notre ancien doyen de l’IG (Monsieur Muglioni) avait l’habitude de nous dire que c’est en apprenant la grammaire que l’on apprend à philosopher et réciproquement et que notre rôle était (doit être) double.

Mais cela veut dire qu’il faut apprendre à philosopher autrement qu’en se contentant de commenter des auteurs trop souvent inabordables et de déployer des problématiques sans limites déterminées, problématiques qui sont celles des actuels programmes notionnels, en une seule année d’enseignement . ceci aboutit, pour les élèves candidats au bac , à transformer la philosophie en une répétition très approximative de références mal digérées (les faleuses citatios de granbds auteurs, jamais vraiment lu, c’est à dire lentement, en recourant à la méditation de type cartésien ou kantien) , par l’usage d’un langage et d’une démarche détournés de toute possibilité d’appropriation par nos élèves d’un savoir qui exige la remise en cause de leurs propres croyances toutes faites (ce que veut dire réfléchir) ; savoir qu’ils cherchent très vite à transformer en recettes de cuisine faussement rassurantes pour un examen particulièrement anxiogène dans cette discipline.

Ce qui se passe aujourd’hui est pervertissant pour la réflexion du plus grand nombre de nos élèves, du fait que cet enseignement dans la seule terminale, lequel était autrefois destiné à une élite culturelle et sociale qui avait déjà eu accès à la philosophie par le biais de la littérature, du latin et de grec, bref des humanités, est devenu un enseignement qui est censé s’adresser à tous, mais qui refuse de s’en donner les moyens dès lors qu’il ne peut instaurer une progressivité pédagogique indispensable en une seule et unique année terminale d’examen et pour la plupart des élèves sans suite.

 


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