Commentaire de Francis BEAU
sur Intelligence économique et renseignement : dix réalités fondamentales pour un renouveau de la fonction renseignement


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Francis BEAU Francis BEAU 13 août 2008 12:35

Pour Cambronne, en complément de mon commentaire précédent :

Pour ce qui est du viol, j’imagine que vous employez le terme au sens figuré. Si toutefois ce n’était pas le cas, vous me permettrez de considérer qu’il ne s’agit pas là d’une activité « honorable », et de douter que « les personnes qui se livrent à cette activité soient des gens parfaitement honorables ». Cela dit, cette remarque ouvre le débat sur un problème qu’elle n’évoque pas explicitement, mais qui apparaît en filigrane et qui ne peut être ignoré dès lors qu’on aborde ces sujets : celui de l’usage de la torture.

L’usage de la torture peut-il jamais être justifié par les objectifs poursuivis ? Autrement dit, la fin peut-elle justifier parfois les moyens ? peut-on renoncer, en dernier recours, à faire usage de la violence physique (la torture) face à un prisonnier qui refuse de donner l’information qui permettrait de sauver la vie à des dizaines ou des centaines d’innocents dans un attentat terroriste en cours de préparation, sans avoir sur la conscience le reproche de non assistance à personnes en danger ? Peut-on, à l’inverse, avoir recours à ces méthodes sans risquer d’y perdre son âme ? Cet obsédant dilemme, comme beaucoup de questions morales, n’a pas de solution simple ni définitive. Celle-ci ne peut en aucun cas être imposée par l’institution à un individu (militaire ou policier). Si une telle décision ne peut être qu’individuelle, la responsabilité doit impérativement en revenir à la collectivité représentée par les pouvoirs publics, tant il semble malsain d’en faire assumer le poids moral individuel et collectif à des particuliers, semblant ainsi en gommer les conséquences judiciaires qui pourtant ne devraient pas manquer de les rattraper dans un Etat de droit.

Cette dernière remarque explique en partie (le problème est plus vaste) mes réticences (le mot est faible) à l’encontre du mélange des genres entre public et privé, face à ce phénomène actuel de privatisation des forces de sécurité que vous constatez vous-même en semblant ne pas le regretter. On imagine les dérives qui peuvent résulter de l’usage de telles méthodes par des privés encouragés voire commandités par les pouvoirs publics. Cela est vrai du cas particulier de la torture, mais vaut également de manière plus générale de toute activité conduisant à l’usage de la violence physique autrement qu’en situation de légitime défense caractérisée.

Francis Beau

Pour ceux qui à qui tout ceci paraît de la « musica celestial » (du pipeau) ou une « discussion sur le sexe des anges », qu’ils essayent d’y penser en s’imaginant confrontés à de tels dilemmes dans une situation de guerre civile (ça peut toujours arriver) face à leurs frères et soeurs (les cas de conscience y sont plus aigus, mais la « musique » est la même). S’ils trouvent toujours cela « pas très sérieux », j’espère seulement ne pas les rencontrer au coin d’une rue sombre sans disposer d’une arme pour me défendre ou d’une protection policière.


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