Commentaire de garibaldi15
sur Le plan Paulson ne manquera pas sa cible ?


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garibaldi15 7 octobre 2008 10:44
Le temps est venu de résister à la Doctrine du Choc de Wall Street.
J’ai écrit la Doctrine du Choc dans l’espoir que cela nous préparerait tous au mieux au prochain choc important. Et bien, ce choc s’est à coup sûr déjà produit, avec des tentatives non voilées de l’utiliser pour faire passer des politiques radicales en faveur des entreprises, (lesquelles bien sûr enrichiront par la suite les premiers responsables de la crise actuelle du marché.) Mais le cœur du problème est là : ces tactiques ne fonctionnent que si nous les laissons faire. Elles marchent quand nous cédons à la peur et au désir de « leaders forts » – alors que ceux-là mêmes ont utilisé les attaques du 11 septembre pour lancer le capitalisme du désastre. Malheureusement, il n’y a pas de sauveurs dans cette crise, et l’unique espoir d’éviter une autre dose de politiques de choc est d’organiser une pression populaire forte sur tous les partis politiques.
 
Dans ce communiqué, Debra Levy, qui gère le site www.shockdoctrine.org, et qui fut ma collègue la plus proche lors de l’élaboration du livre la Doctrine du Choc, a regroupé mes écrits et interviews récents sur la crise, et des informations sur une protestation qui prend de l’ampleur à New-York. Nous avons aussi des détails cuisants sur la manière dont les groupes de réflexion de droite se servent déjà de la crise du marché pour inciter à une thérapie économique de choc désuète.
 
Nous envoyons cette lettre avec une demande urgente : s’il vous plaît, ne restez pas silencieux. Si vous avez lu le livre, vous savez que c’est précisément le moment où nous pouvons tout perdre (ou tout gagner). Si nous tardons, les changements radicaux deviendront impossibles ; si l’administration Bush persiste, les actions menées cette semaine ne pourront plus être annulées ou remises en question légalement. Aussi écrivez des lettres à l’éditeur, interpeller vos élus, contactez les partisans d’Obama, et faites leur savoir qu’on ne résoudra pas une crise née du capitalisme dérégulé, en offrant plus de cadeaux et de passe-droits à Wall Street !
 
L’idéologie libérale n’est pas du tout à l’agonie de Naomi Klein, 19 septembre 2008
Quoi que signifient les évènements de cette semaine, personne ne devrait croire les litanies selon lesquelles la crise du marché signerait la mort de l’idéologie libérale. Cette idéologie a toujours servi les intérêts du capital et sa présence fluctue en fonction de son utilité pour ces intérêts.
 
En période de croissance, il est rentable de prêcher le « laissez faire » parce qu’un gouvernement absentéiste permet le gonflement de bulles spéculatives. Quand ces bulles éclatent, cette idéologie devient un obstacle, et elle se fait discrète pendant qu’un gouvernement fort accourt à la rescousse. Mais soyez assurés qu’elle reviendra vrombissante après le sauvetage. Les dettes massives que les contribuables accumulent pour renflouer les spéculateurs deviendront alors partie intégrante d’un budget global de crise, qui sera le prétexte à des coupes sombres dans les programmes sociaux, et à une incitation renouvelée à la privatisation de ce qu’il reste du secteur public. On nous dira aussi que nos espoirs pour un futur « vert » sont malheureusement trop coûteux.
 
Ce que nous ne savons pas, c’est comment l’opinion réagira. En Amérique du Nord, tout citoyen de moins de quarante ans a grandi avec la conviction que le gouvernement ne peut intervenir pour améliorer nos vies, que le gouvernement est le problème et pas la solution et que le « laissez faire » est donc la seule voie. Et aujourd’hui, nous voyons tout à coup un gouvernement activiste, intensément interventionniste, semblant vouloir tout faire pour sauver les investisseurs d’eux-mêmes.
 
Ce spectacle soulève nécessairement une question : si l’état peut intervenir pour sauver des entreprises qui ont pris des risques imprudents sur le marché de l’immobilier, pourquoi ne pourrait-il pas intervenir pour éviter la saisie hypothécaire imminente de millions d’américains ? De même, s’il est possible de disposer instantanément de 85 milliards de dollars pour acheter le géant de l’assurance AIG, pourquoi un système de santé public - qui protégerait les Américains des pratiques prédatrices des compagnies d’assurances de santé - serait-il apparemment un rêve inaccessible ? Et si toujours plus d’entreprises ont besoin des fonds du contribuable pour être remises à flot, pourquoi les contribuables ne pourraient-ils avoir des exigences en retour, comme la limitation du salaire des patrons ou la garantie contre de nouvelles suppressions d’emplois ?
 
Il est maintenant clair que les gouvernements peuvent vraiment agir en temps de crise, et il leur deviendra bien plus difficile, à l’avenir, de plaider leur impuissance. Un autre bouleversement possible concerne les espoirs du marché sur de futures privatisations. Pendant des années, les banques d’investissement international ont fait pression sur les politiques pour deux nouveaux marchés : l’un qui proviendrait de la privatisation des retraites publiques, et l’autre d’une nouvelle vague de privatisations, totales ou partielles du réseau routier, des ponts et des réseaux d’eau. Ces deux rêves sont devenus plus difficiles à vendre. Les Américains ne sont plus enclins à confier davantage de leurs biens, individuels ou collectifs, aux joueurs impétueux de Wall Street. D’autant qu’il paraît plus qu’évident que les contribuables devront payer pour récupérer leurs propres biens quand la prochaine bulle éclatera.
 
Avec l’échec des négociations de l’OMC, cette crise peut aussi être le catalyseur d’une approche radicalement différente de la régulation des marchés mondiaux et des systèmes financiers. Nous assistons déjà à un mouvement grandissant vers la souveraineté alimentaire dans les pays en voie de développement, qui refusent de livrer l’accès à la nourriture aux caprices des négociants en matières premières. Le temps est peut être enfin venu pour des idées telles que la taxation des transactions boursières, qui ralentirait l’investissement spéculatif, ainsi que d’autres contrôles sur les mouvements de capitaux.
 
Et maintenant que la nationalisation n’est plus un gros mot, les compagnies pétrolières et celles du gaz devraient se méfier : quelqu’un devra financer la marche vers un futur plus vert, et il est logique que l’essentiel des fonds provienne de ce secteur tellement rentable qui est le plus responsable de la crise climatique. C’est certainement plus sensé que de générer une autre bulle spéculative dangereuse dans le commerce du carbone.
 
Mais la crise à laquelle nous assistons en appelle des changements encore plus profonds. La raison qui a permis à ces créances douteuses de proliférer n’était pas seulement que les organismes de contrôle ne comprenaient pas le risque. C’est parce que notre système économique mesure notre bonne santé collective exclusivement à l’aune de la croissance du PIB. Aussi longtemps que ces créances douteuses ont alimenté la croissance économique, nos gouvernements les ont activement soutenues. Ainsi, ce qui est réellement remis en question dans cette crise, c’est l’engagement incontesté dans la croissance à tout prix. Alors que cette crise devrait nous inciter à évaluer le progrès et la santé de nos sociétés de manière radicalement différente.
 
Toutefois, rien de tout cela n’arrivera sans une énorme pression de l’opinion publique sur les hommes politiques durant cette période clef. Et pas une pression polie, mais un retour aux manifestations de rue, aux actions directes qui ont inauguré le New Deal dans les années trente. Faute de quoi, il n’y aura que des changements superficiels et un retour, aussi vite que possible, au « business as usual ».
Cet article est paru dans The Guardian
Traduction : Sarah Neyroud, coorditrad
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