Commentaire de Céline Ertalif
sur Service public, aménagement du territoire et intérêt général


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Céline Ertalif Céline Ertalif 19 novembre 2008 22:31

Cet article a retenu mon attention parce qu’il parle d’un sujet que j’ai beaucoup fréquenté. Ce qui frappe d’abord, c’est le côté flou, l’absence de données pour appuyer les arguments. Alors, on pourrait mettre en avant les limites de l’expertise de l’auteur. Ma petite connaissance en la matière me fera pourtant dire tout autre chose : c’est le désert de données statistiques publiques pour soutenir la politique de gestion du territoire.

On peut commencer par le plus simple et le plus évident : le RGP, recensement général de la population. Dans ma commune actuelle, on a fait le recensement en 2007, mais on n’a pas aujourd’hui la moindre donnée postérieure à 1999. Il se trouve que nous travaillons sur un projet d’EHPAD : que savons-nous sur les plus de 75 ans ? Rien depuis 1999. Et ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres. Que savent les communautés chargées du développement économique ? Il faut littéralement se battre pour obtenir des données fiscales exploitables, et encore la répartition des charges et des produits entre les établissements des grandes sociétés forme un véritable halo sur les données locales. La collecte des données est surtout faite par l’Etat pour l’Etat, et cet Etat est extrêmement jaloux en cette matière, toujours prêt à prétexter la protection des fichiers et des personnes quand il s’agit de données infra-nationales.

Or le premier problème de toute politique publique, c’est la cohérence. Cela ne sert à rien de mettre de l’argent pour développer l’emploi dans une zone rurale s’il y a une infrastructure complètement défaillante (route, port, ligne aérienne, eau potable, fibre optique... ça dépend).

Normalement, un grand débat doit s’engager sur les structures administratives territoriales avec la commission Balladur. Il est tout à fait exact qu’il y a un empilement absurde des structures qui rend complexes et très lentes ce que l’on appelle les équipements structurants. Je suis depuis plusieurs années maintenant un dossier d’aménagement (une ZAC) dont l’objectif est d’améliorer la qualité d’une entrée de ville d’un chef lieu départemental, suite à la réalisation d’une déviation. Faisons la liste des intervenants : la commune a la maîtrise du droit des sols, la communauté de communes est maître d’ouvrage de la ZAC - mais comme c’est une petite communauté elle doit faire appel à un aménageur parce qu’elle n’a pas les compétences internes - puis il y a le Conseil général qui va recevoir dans son domaine public l’ex-nationale, le syndicat d’adduction en eau potable, le syndicat départemental d’électricité, sans oublier France Télécom et GRDF. S’y ajoute un petit débat pour savoir si et comment on ajoute un syndicat mixte pour gérer le réseau de fibre optique. Et l’Etat parce qu’il est prévu d’installer une administration d’Etat dans le beau milieu de la ZAC. Mais j’ai oublié le Conseil Régional qui a prévu un fonds dans le volet territorial du Contrat de Projets Etat Région pour soutenir l’amélioration des entrées de ville. Ah si tout de même, une simplification : la commune chef-lieu du département n’a rien à voir, parce qu’elle n’est pas membre de la communauté qui va gérer la principale entrée de ville en matière de commerce et d’activités de l’agglomération.

Je me suis sans doute un peu écartée du sujet, puisque dans les zones très rurales : il n’y a plus rien à gérer ni personne pour gérer. Je suis - une fois de plus - d’accord avec Forest Ent quand il dit que le fond du problème est bien souvent dans le financement et que "en pratique, ça se traite souvent par des subdivisions politiques".

Le problème fondamental, c’est l’éclatement des structures entretenu depuis des lustres par un état centralisateur. Les collectivités locales sont subdivisées en 36 strates, types de syndicats et catégories, toutes condamnées à mendier à Paris pour chacune sa catégorie de stations de montagne, de petites villes de 5 à 10000, de syndicats organisateurs de transport etc... Alors que le développement se fait par cohérence dynamique. L’article de M Bruxman cite le cas de Rennes (que je connais bien) : l’Ille et Vilaine a énormément bénéficié de la bonne intelligence sur une longue période entre E Hervé (Rennes Métropole) et P Méhaignerie (Conseil Général), même si cela n’a pas toujours été sans conflit. On verra si la mono-couleur PS le sera autant maintenant, ce n’est pas gagné d’avance. L’important, c’est que la dynamique locale entraîne tout le monde. Quand, dans un département, on compte sur le Préfet qui change tous les 2 ans, le territoire crève.


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