Commentaire de Zawgyi
sur Les impératifs écologiques pourraient-ils remettre en cause la démocratie ?


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Zawgyi 18 février 2009 10:23

Je crois qu’il faut avant tout se mettre d’accord par ce que nous entendons par démocratie. Après tout, on cite Athènes comme la genèse de ce régime, mais il convient de rappeler qu’ils s’agissait plus d’une oligarchie que d’une démocratie. De même, la république de Jules Ferry était-elle démocratique : les femmes n’avait pas le droit de vote à l’époque.

Aussi, le modèle de démocratie doit-il être la démocratie directe, participative, telle que nous l’entendons aujourd’hu ? C’est à dire, la démocratie du consensus, de l’immédiat et du sondage ? A mon avis, non. De mon point de vue, la démocratie est un régime pacifique et libertaire dont le système peut être décrit comme un conflit pacifié, en ce sens qu’il s’agit d’un conflit d’idée tranché par le vote. Le vainqueur du vote remporte la bataille, mais de manière pacifiste, grâce à des règles qui permettent à toutes les opinions de s’exprimer dans le respect de la diversité et des minorités. La démocratie, c’est la dictature de la majorité dans le respect des minorités.

Le consensus, en soi, est donc anti-démocratique en ce qu’il cherche à atteindre un niveau de satisfaction générale impossible : en essayant de plaire à tous, on ne fait plaisir à personne. Le consensus c’est une non-action, un processus circulaire empêchant d’avancer. Seul le vote, tranché et clair, permet de faire bouger les choses. Il est légitime, impossible à remettre en question. Il s’agit d’une règle claire acceptée par tous. Contrairement à la démocratie participative, à la recherche de consensus, qui édicte que l’on est censé s’entretenir avec tous, satisfaire tout le monde. Ce qui implique qu’il y aura forcément des minorités qui s’estimeront lésées : une source de conflit larvé qui peut déboucher sur de la violence.

Seul le vote est démocratique. Et si l’on n’est pas satisfait d’un vote (comme aujourd’hui avec l’élection de Sarkozy), il suffit de corriger cela lors d’un prochain vote, en élisant un politique sur la base d’un programme clair et net, qui peut être notamment de corriger tout ce qui a été fait par le précédent dirigeant. Le consensus, le mythe de la démocratie participative, c’est ce qui nous donne aujourd’hui des programmes fourre-tout, démagogiques, flous, impossibles à tenir.

De plus, la démocratie est rationnelle. En ce sens, elle ne peut être participative et fondée sur le sondage, l’immédiat. Nos politiques doivent pouvoir prendre le temps d’étudier un problème sur le long terme, en étant protégés des passions et de la foule. Rappelons que la majorité n’a pas forcément raison : souvenez-vous de 1933. La foule est dangereuse. Et une majorité d’opinion n’est pas représentative dans tous les cas de l’opinion de la majorité. Après tout, les sondages se fondent sur des quotats, sur des groupes soi-disant représentatifs de tous ceux qui sont mis dans le même sac. Tous les cadres de 35 ans travaillant dans la région parisienne ont-ils forcément la même opinion ? Voterez-ils forcément de la même manière ? Le sondage n’est pas un vote (où toutes le voix individuelles s’expriment) puisqu’il s’agit de l’extrapolation de l’opinion d’une minorité. Une manifestation n’est pas non plus un vote : les minorités ont toujours tendance à faire plus de bruit que la majorité silencieuse. Il suffit pour cela de voir l’accueil fait au Pape l’an dernier. On pourrait croire qu’une majorité de Français est catholique pratiquante, quand on sait en réalité qu’il s’agit simplement d’une minorité religieuse qui se sent au dos au mur et qui essait d’attirer de nouvelles brebis égarées à grand coup de campagnes de communication. Après tout, quand on est sûr de sa force, on n’a pas besoin de le faire savoir comme c’était le cas.

De plus, un sondage n’est qu’une photographie d’une opinion changeante à un moment donné. L’opinion est comme la mode : elle change avec les saisons. Comment dès lors gouverner dans ces conditions, sans tomber dans la démagogie et l’extrêmisme. L’élu, conforté dans sa légitimité par le vote, doit pouvoir diriger sur la durée, à l’abri des changements d’opinion, en prenant le temps de la réflexion, du débat, etc. Et la politique devra être sanctionnée par le vote des représentants du peuple. Et pour être tout à fait honnète, je ne crois pas que diriger un pays soit à la portée de tout le monde. C’est un métier qui exige certaines qualités (il est vrai de plus en plus absentes quand on regarde le panel d’élus qui nous dirigent) et qui ne pourrait pas être confié à une foule, s’exprimant dans un sondage, en dehors de tout cadre légitime, légal et encadré. Toutes les études sociologiques le diront : la foule est irrationnelle. Le vote, en revanche, permet à l’individu de s’isoler, de donner sa décision de manière anonyme, à l’abri des influences en ayant eu le temps (normalement) de réfléchir à sa décision.

Bref, pour reprendre une citation de Chateaubriand : " vous m’avez élu pour que j’applique ma volonté et non la vôtre ". C’est cela la démocratie. La séparation des pouvoirs (jusqu’à l’arrivée de Sarkozy c’était encore le cas) et des organes indépendants comme le Conseil Institutionnels sont alors là pour éviter les dérives. Mais toujours dans le respect de la rationnalité, de l’échange d’idées pacifié, de la durée.

Il est donc de la responsabilité du gouvernement légitime de définir les grandes orientations et les grandes stratégies d’un pays. C’est notamment le cas pour ce qui touche à l’idéologie, sujet qui touche à l’essence même de l’homme et donc à l’avenir et au bien-êrtre de nos sociétés, dont le gouvernement doit être le garant. C’est donc à lui de définir, sur la base de données rationnelles et solides, les lois, les règles et les orientations qui doivent aider notre pays et nos partenaires à vaincre ce défi.

Et je dois avouer que c’est plutôt le néant pour le moment. Nous avons eu le GIEC, mais le gouvernement préfère faire des effets d’annonce, comme un jongleur qui amuse les foules. Il laisse ainsi toute la marge aux grands groupes pour continuer leurs aberrations (privatisation du vivant, pollution, engrangement de profit pour les producteurs dénergie polluante sans qu’il leur soit demander d’investir dans l’environnement en retour, etc). Le gouvernement doit normalement être protégé des influences mercantiles de l’économie. On sait que ce n’est pas le cas et que le côté bling bling de Sarkozy, ainsi que ses alliances avec des grands patrons, ne garantissent pas sa neutralité en la matière. Pourtant, c’est avant tout au gouvernement de définir les règles sur les labels, qui permettront d’encadrer la publicité sur les produits, et ainsi d’éviter les dérives qui empêchent le consommateur de choisir rationnellement un produit vert. C’est également à lui de mettre en place des politiques favorisant une moindre pollution, un développement de l’économie locale, moins polluante, etc.

Après tout, pourquoi favoriser l’industrie aéronautique quand les mêmes fonds auraient pu être investis dans le développement d’une industrie des transports verts, pour aider à la mise en route des chaines de production des voitures pneumatiques, à hydrogène, etc... Pourquoi interdire toujours l’usage des huiles végétales comme carburant ? Pourquoi investir dans des grands travaux autoroutiers quand on aurait pu favoriser la construction de réseaux de transports en commun. C’est vrai il y a le TGV. Mais il n’empêche qu’une fois arrivé en gare, il est bien souvent impossible de rejoindre une station, un village, une ville moyenne. Bref, autant de projets en faveur de l’environnement qui auraient créé autant d’emploi. Bien entendu, cela n’aurait pas sauvé les copains du Président.

Les avis des spécialistes et des chercheurs ne manquent pas sur les politiques rationnelles, faisables, faciles à mettre en place qui permettraient d’inverser la tendance. Ce sont des personnes qui ont pris le temps de chercher pendant des années, de compiler des milliers de données, à l’abri du monde, pour décrire de manière scientifique la réalité du monde. Nous devrions donc les écouter. Mais on voit bien à la vue de la réforme de la recherche que c’est bien là le cadet des soucis de notre gouvernement. Pourtant en notre qualité de démocratie, nous pourrions ainsi donner l’exemple de la marche à suivre au reste du monde. A nous de prendre nos responsabilités de citoyens et de changer les choses lors de la prochaine élection.

Maintenant, certains pourront dire que ma vision de la démocratie ouvre la porte à un gouvernement qui pourrait prendre des mesures anti-démocratiques au nom de l’environnement et du bien-être de sa population. Dans une république aux pouvoirs réellement séparés, cela ne pourrait avoir lieu. Et les votes seront toujours là pour corriger cette tendance. Nous ne devrions donc pas craindre une dérive despotique au nom de l’écologie. A moins bien entendu que ce soit notre choix, la tendance vers laquelle nous nous dirigeons.

Et là, il en va de notre responsabilité de citoyens. Car, si la gouvernance appartient aux élus, le droit de vote implique nous ayons nous aussi des responsabilités en tant que citoyens. Tout d’abord de voter, et de manière rationnelle si possible. Je trouve que cela devrait être obligatoire. Libre ainsi de voter blanc en signe de protestation. Mais des millions de personnes sont mortes à travers le monde pour défendre la démocratie : nous devons respecter leur sacrifice en allant voter. C’est la moindre des choses.

Nous devons également nous comporter en citoyens adultes et responsables, et non en enfants qui se laissent gouvernés par facilité. C’est nous qui laissons ainsi la porte ouverte aux intrusions de l’Etat dans nos vies privées. Les parents ne veulent plus prendre la responsabilité de surveiller leurs enfants ? Bien, on va les obliger à mettre une barrière autour des piscines et en haut des escaliers, etc. Les Français ne sont même plus capables de savoir s’ils sont en état de conduire ? Bien, on va mettre un alcotest au démarrage du véhicule. Et ainsi de suite. Et ainsi nous nous laissons infantiliser, parce que, en bons Français que nous sommes, nous sommes incapables de nous auto-discipliner et de prendre des responsabilités. C’est toujours la faute des autres.

Faudra-t-il qu’une loi interdise de prendre son véhicule pour faire moins de 5 km, pour que les gens commencent à aller chercher leur pain à pied ? Faudra-t-il faire comme à Singapour et pénaliser le jet d’ordures par terre pour que les gens commencent à respecter leur cadre de vie au lieu de se comporter comme des porcs ? Etc.

Ma conclusion est que ce n’est pas l’écologie ou l’environnement qui menacent la démocratie, mais notre propre comportement. On ne récolte que ce qu’on l’on sème. Et tant que nous n’aurons pas compris qu’une liberté et un droit s’accompagnent toujours de responsabilité, nous mériterons chaque nouvelle loi qui vient empiété sur nos vies. Jefferson disait que "celui qui accepte de reduire sa liberté pour plus de sécurité, ne mérite ni l’une ni l’autre". Je suis d’accord. Il a également dit que "l’arbre de la liberté devait de temps en temps s’abreuver au sang des justes et des tyrans". Depuis quand n’avons-nous pas fait de sacrifice pour mériter notre démocratie ?

Finalement, la crise écologique sera le meilleure moyen pour voir si nous méritons le régime qui nous a été légué par nos aînés. Nous pouvons d’ores et déjà commencer à faire des sacrifices, en changeant notre mode de vie destructeur, pour devenir des citoyens à part entière et non plus seulement des consommateurs. Ainsi sauverons-nous notre démocratie, puisque aucun politique n’aura à nous y forcer.
Nous pouvons aussi continuer à consommer, accumuler et donc détruire, jusqu’à obtenir le régime que nous méritons : un Etat policier, un "Despote éclairé" pour reprendre l’expression de Voltaire, qui nous tyrannisera pour notre propre bien. C’est nous qui avons le choix et personne d’autre.




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