Commentaire de
sur Plaidoyer pour le suffrage universel


Voir l'intégralité des commentaires de cet article

(---.---.22.15) 3 décembre 2006 16:13

“M. [Yves] Jego [député UMP et consultant en ressources humaines] assure que l’idée [du vote des étrangers] fait son chemin au sein de sa famille politique. “L’élargissement de l’Union européenne, en avril 2004, a suscité une prise de conscience, dit-il. Comment, en effet, justifier qu’on accorde ce droit aux ressortissants de 25 nationalités, dont certaines n’ont pas de lien culturel fort avec la France, et qu’on le refuse à d’autres étrangers ?”

Comment ? C’est très simple, sauf pour les capacités limitées de Jégo. La logique qui doit ici intervenir est triple : logique supra-constitutionnelle de la Nation, logique de l’Union Européenne, logique républicaine de la Constitution de 1958.

A - Le vote des étrangers ressortissants d’ États hors U. E. ne serait une mesure de justice que si les distinctions Français/citoyens de l’Union/étrangers n’étaient pas fondées en droit, ce qui n’est pas le cas ; sinon, il n’existerait pas un ancestral droit international. Par ailleurs ces étrangers, votant déjà, s’ils le souhaitent, par correspondance ou par procuration dans leurs pays (tout comme les Français de l’étranger votent en France), auraient, si cette disposition était adoptée, double poids sur l’échiquier mondial ; ainsi certains seraient plus égaux que d’autres, ce qui est hélas déjà le cas avec les doubles, voire triples nationalités. Notre époque égalitariste s’accommode bien curieusement de ces nationalités multiples ... S’il y a une justice à établir en priorité dans ce domaine, c’est bien la suppression de la reconnaissance de ces doubles et triples nationalités, de préférence dans le cadre d’une harmonisation rapide de la législation européenne à cet égard. Faire voter les étrangers hors U. E. reviendrait à leur reconnaître une double nationalité collective de fait, en conflit avec la citoyenneté de l’Union.

B - Justice aussi par rapport aux nombreuses personnes qui ont véritablement et sincèrement souhaité acquérir la nationalité française depuis les années 1960 pour participer à la vie nationale et aux choix engageant l’avenir de notre nation. Ce vote des résidents étrangers irait encore, et surtout, à l’encontre de la cohérence de la construction de l’Union européenne - puisque les citoyens de notre Union Européenne ont, par la vertu juridique du traité de Maastricht dans son article 8 B, et sous réserve de réciprocité, droit de vote et d’éligibilité aux élections municipales et aux élections européennes ; art. 88-3 de la Constitution de 1958(élections municipales) ; loi 94-104 du 5 février1994 (élections européennes) ; loi 98-404 du 25 mai 1998 (élections municipales) ; art. 39, al. 1 (élections européennes) et art. 40 (élections municipales) de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ces dispositions, qui constituent une mise en oeuvre de la citoyenneté européenne, sont assortis d’un contrôle empêchant théoriquement le double vote. Comment pourrait-on justifier aux yeux des Français auxquels on a fait approuver par référendum le traité de Maastricht de 1992, que cette exigence de réciprocité, légitimement exprimée pour les ressortissants des quinze États alors membres de l’U. E., peut être abandonnée, sans autre forme de procès, dans le cas d’immigrés hors U. E., et en majorité ressortissants de nombreux États non-européens ?

C - Sortir de la “logique de réglementation”, ce serait sortir de l’État de droit et créer une insécurité juridique. Ce serait aussi faire fi de l’instauration d’une citoyenneté de l’Union européenne par l’article 8 du traité de Maastricht ; voir aussi le chapitre V de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Que vaudrait alors cette citoyenneté ?

D - Loin d’être utile à la cohésion nationale, le vote imposé des étrangers aux élections dites “locales” la mettrait gravement en péril. En effet :

1. le mode d’élection des sénateurs ; 2. le mode de parrainage des candidats aux présidentielles ; 3. les lois Defferre et Raffarin de décentralisation ont fait que les élections municipales ne sont plus du tout simplement “locales” comme elles l’étaient jadis.

Si les immigrés ne relevant pas de l’Union européenne veulent participer à notre vie politique, ils en ont le moyen, fort simple, et traditionnel : mériter et obtenir individuellement la naturalisation ; celle-ci est déjà très facilitée pour les personnes pouvant justifier de deux années réussies d’études supérieures (DEUG). Mieux vaudrait donc suivre cette voie plutôt que de s’enliser dans la recherche d’un “pacs immigrationniste” collectif pour ceux qui refusent la naturalisation.

La Constitution énonce un principe, dans son art. 3 (4e alinéa) : “Sont électeurs, dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux français majeurs des deux sexes, jouissant deleurs droits civils et politiques.”

M. Jégo m’a répondu : « Comment explique t-on au père de Zidane que l’on donne le droit de vote aux elections municipales aus Lituaniens aux Chypriotes et bientot aux Roumains et que l’on le lui refuse ? » Là encore, tout simplement (pour un autre que Jégo) ; en lui disant que nous sommes engagés dans l’Union européenne, avec sa citoyenneté, et non dans celle d’une Union franco-maghrébine. Est-ce vraiment si difficile à comprendre ? Si le père de Zidane veut participer à notre vie politique, il n’a qu’à demander la naturalisation.

Toute Constitution peut certes être modifiée, mais la nôtre l’a déjà beaucoup été depuis 1958. Les représentants de la Nation doivent veiller à ce qu’elle ne devienne pas une usine à gaz dans laquelle les Français ne se reconnaîtraient plus du tout.


Voir ce commentaire dans son contexte